que durerait cette expédition. Le sous-officier fut dégradé sur-le-champ, et les Cosaques eurent chacun 100 coups de fouet. Mais malheureusement je ne pus faire restituer que très peu d'effets. Ils avaient plus bouleversé que pris; et ils ont un tel talent de cacher et de soustraire leur butin, que je n'eus pas le temps de les fouiller, et puis je ne voulais pas, dès le début de la campagne et surtout au moment d'entreprendre une expédition si périlleuse, les décourager tous par une mesure générale. Le mal était fait; la punition fut sévère, et j'espérais bien qu'un excès pareil ne se répéterait plus, et, en effet, depuis lors, mes Cosaques ne se sont jamais permis une extravagance quelconque. Ayant appris, à Schweinitz, qu'un dépôt de cavalerie se trouvait à Schönwalde, je partis encore la nuit pour le surprendre; mais, lorsque j'y arrivai, ils n'y étaient plus. J'y trouvai un officier et 30 soldats qui escortaient des affûts de réserve que je pris. Je retournai de suite à Schweinitz, d'où je me dirigeai sur Herzberg, espérant y prendre quelque chose. Et en effet, à peine y fus-je arrivé qu'on m'annonça qu'un grand transport, ayant appris mon apparition à Schweinitz, venait de rebrousser chemin et se dirigeait sur Wittenberg. Je détachai de suite quelques centaines de chevaux à leur poursuite, et, une heure après, on m'amena 20 chariots chargés de convalescents et plusieurs fourgons avec des effets d'habillement. Les gendarmes qui les escortaient avec quelques hussards avaient pris la fuite. On ne put prendre que 4 hussards; mais on ramassa 130 fantassins sans armes. Je fus plus embarrassé que charmé de cette prise et j'avais un moment envie de les renvoyer au commandant de Wittenberg avec une lettre; mais je réfléchis que, par là, je trahirais ma marche, et je résolus de les emmener avec moi, ce qui m'embarrassa beaucoup. Herzberg. Un dîner à Herzberg. Je m'étais arrêté à Herzberg dans la plus belle maison sur la place même. Elle appartenait à une veuve qui avait une demoiselle charmante, dont c'était la fête. Quelques-unes de ses amies étaient invitées à dîner; mais elles avaient peur d'arriver. Pour les rassurer, j'envoyai des Cosaqnes pour leur servir de sauvegarde, et le major Barnenkoff, qui se piquait d'être poète, fit en attendant de jolis couplets en l'honneur de la reine de la fête. C'est ainsi que nous mêlions la galanterie aux horreurs de la guerre. C'est pendant que Barnenkoff faisait ses couplets que je méditais mon attaque sur Napoléon. J'avais des renseignements sûrs qu'il n'avait pas encore joint l'armée d'Oudinot. Mon premier soin dut donc être de gagner le chemin qui conduit de Dresde à Baruth et Luckau. J'avais encore 4 bonnes lieues à faire avant d'arriver sur cette route tant désirée. Je me décidai donc d'envoyer 100 chevaux, sous la conduite d'un officier intelligent, par des chemins de traverse pour se mettre en embuscade entre Sonnenwalde et Luckau et un autre de la même force entre Dobrilugk et Sonnenwalde. J'avais donné des ordres précis à ces officiers de prendre des officiers, des courriers, enfin tout ce qui paraîtrait sans troupes, mais de n'engager aucun combat, de laisser passer tout ce qui pourrait être armé pour éviter les coups de fusil et, en général, tout ce qui pourrait faire du bruit et être entendu de loin et de se tenir caché autant que possible. Mon but était d'apprendre si en effet Napoléon n'avait pas encore passé et de savoir à peu près quand ce passage aurait lieu. Prise d'un courrier de Berthier. Un de ces partis fut en effet assez heureux de prendre un courrier du prince de Neufchatel (Berthier) et la dépèche, qu'il n'eut pas le temps de PRISE D'UN GRAND CONVOI ET D'UNE CAISSE DE L'ARMÉE 153 détruire, m'apprit, à mon grand regret, que Napoléon avait quitté Dresde pour aller en Silésie culbuter le maréchal Blucher et qu'Oudinot se battrait sans lui. Prise d'un grand convoi et d'une caisse de l'armée1. Mon projet de l'enlever fut donc réduit en poussière! Je ne me rappelle pas avoir eu de ma vie un sentiment plus désagréable! Heureusement, au même moment, on vint m'apprendre qu'à un quart de lieue de Sonnenwalde on venait d'apercevoir un convoi escorté d'une colonne d'infanterie, dont la tête était formée de grenadiers à bonnet d'ours. De suite, je me dirigeai à leur rencontre. Je détachai le major Barnenkoff avec 100 chevaux pour courir ventre à terre et leur couper le chemin de Dresde, tandis qu'avec le reste de mon détachement je les suivis de près pour les envelopper et les prendre. Le résultat fut des plus heureux. Barnenkoff, les ayant dépassés et forcés de foriner un carré avec l'intention de se frayer un passage, les arrêta par sa contenance et me donna le temps d'arriver. Je formai 3 colonnes d'attaque. Les braves Cosaques du régiment de Popoff XIII, auxquels aucun genre de dangers n'était étranger et auxquels rien n'imposait, chargèrent de suite cette infanterie avec impétuosité. Le régiment de Rébrejeff formait la réserve et ne perdit pas un homme. En quelques minutes, tout fut pris et personne n'échappa. Une compagnie de grenadiers de la garde saxonne de 170 hommes et une colonne de marche de 350 hommes, une vingtaine d'officiers et une caisse militaire contenant plus de 800.000 francs tombèrent entre mes mains. 1. Voir, page 154, Croquis du raid de Löwenstern. Ma perte fut de quelques Cosaques blessés et d'une dizaine de chevaux tués et blessés; mais j'eus à regretter un excellent officier, le lieutenant Persianoff, qui fut percé d'une balle d'outre en outre. Prise de la malle de France. - Les croix de la Légion d'honneur. Le détachement que j'avais envoyé sur les derrières de Dobrilugk vint me rejoindre; il avait été assez heureux de prendre un courrier avec la malle de France pour l'armée. Elle était chargée de plusieurs milliers de lettres et de quelques centaines de croix de la Légion d'honneur. Mes Cosaques s'emparèrent d'une grande partie de ces croix et s'en décorèrent, ce qui était assez plaisant à voir. Ne voulant pas les priver immédiatement de la jouissance de cet enfantillage, je ne leur défendis pas de les porter momentanément; mais je donnai ensuite ordre de les réunir et je les envoyai au maréchal Oudinot avec une lettre dans laquelle je lui disais que le sort de la guerre ayant fait tomber entre mes mains des croix d'honneur destinées à des braves qui avaient l'honneur de servir sous ses ordres, je ne voulais pas les en priver. Me voilà donc entouré de butin, de prisonniers et très embarrassé, ne sachant que devenir avec tout cela. Le plus aisé et le plus heureux était fait, c'était de s'en emparer. Mais comment sortir avec tous ces embarras de derrière l'armée ennemie, comment gagner derechef la communication avec notre armée. Voilà ce qui était vraiment embarrassant. Enfin, il fallait bien prendre son parti, car le temps pressait et l'armée ennemie n'était pas loin. Je me repliai d'abord sur Sonnenwalde même, et voyant que les Cosaques jetaient des yeux avides sur les fourgons, je devais craindre qu'à la moindre alarme et au moindre embarras ils se jetteraient dessus pour les dévaliser et |