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tant va la cruche à l'eau qu'elle se casse, et puis notre présence sur les derrières de l'armée ennemie n'étant plus un secret, il était plus que probable que les chefs ennemis ne nous souffriraient plus sur leurs communications et emploieraient tous leurs moyens pour nous expulser.

J'avais établi momentanément la communication avec le corps du général de Bülow. Un de mes détachements avait rencontré le général Borstell à Guben, et il m'engagea fortement à me joindre à lui pour attaquer le maréchal Oudinot. Mais cela m'aurait trop éloigné de la grande armée, et je dus me refuser à ses projets.

Malgré les dangers qui nous menaçaient de tous côtés, nous ne voulûmes point quitter Freystadt sans y être forcés. Nous y restâmes, ayant pris nos mesures pour ne pas être surpris. Je m'étais logé au château du comte de Kalkreuth, gendre du comte de Haugwitz. Mes Cosaques bivouaquèrent dans son parc. Le comte me fit faire excellente chère, et nous nous amûsâmes au milieu des dangers mieux qu'il n'arrive souvent au sein de la paix et de la tranquillité.

Ce repos apparent devait être l'avant-coureur de celui dont nous devions jouir avec plus de sécurité et pour plus longtemps.

Parlementaire envoyé par le général Roussel. Le général français Roussel m'envoya un colonel en parlementaire pour m'annoncer qu'un armistice venait d'être signé par les chefs des armées combattantes et m'engagea de même que Figner à ne pas continuer les hostilités.

Connaissant les ruses de guerre dont souvent les Français se sont servis avec succès, nous ne voulûmes et ne crùmes pas devoir ajouter foi à cette annonce et lui fimes dire que nous continuerions les hostilités jusqu'à ce que des ordres authentiques de nos chefs nous autorisent à les cesser.

Il nous fit dire que, si nous ne voulions pas ajouter foi à ce qu'il nous affirmait sur sa parole d'honneur, il nous chasserait de vive force de Freystadt et nous ferait passer bon gré mal gré l'Oder, qui était la ligne de démarcation fixée par l'armistice.

Cette menace n'eut aucun effet sur nous. Je fis de suite mettre à cheval mes 2 régiments, Figner, ses escadrons et ses Cosaques du Bug, et nous engageàmes le parlementaire à nous mener à la rencontre du général Roussel pour qu'il n'ait pas tant de chemin à faire pour nous chasser. Le parlementaire, voyant que nous avions autant de résolution que de jactance, nous invita à nous tenir tranquilles et nous promit d'engager le général Roussel à ne faire aucun mouvement de son côté jusqu'à l'arrivée de l'ordre de nos chefs, qui ne pouvait tarder d'arriver. Le général Roussel en effet n'arriva point, et nous pûmes jouir de quelques jours de repos dont nous avions grandement besoin.

Il y avait à Freystadt une société agréable. L'épouse du général prussien Heister y était établie. Elle avait trois demoiselles charmantes. J'y passai presque tous les moments que j'avais à moi. Nous donnâmes un bal qui fut très animé, et nous nous amusâmes, entourés de l'armée française, comme si nous étions au sein de la paix.

Un chef d'escadron français fut envoyé auprès de moi pour régler quelques différends qui avaient eu lieu à mes avant-postes. Il était accompagné de 4 chasseurs à cheval. L'un d'eux se permit de frapper un bon bourgeois, qui vint me faire ses plaintes. Je demandai à l'officier français satisfaction, et cela sur-le-champ. Il m'assura qu'on mettrait l'homme aux arrêts. Je ne m'en contentai point et je prétendis qu'il devait de suite lui faire appliquer une dizaine de coups de sabre. Il ne le voulut pas, alléguant que ce n'était pas l'usage chez eux.

Je n'en démordis pas pour cela, et, insistant sur la loi du talion, je lui dis avec fermeté :

« Ou vous le ferez punir comme je l'exige, ou je vous expédie sur-le-champ à votre quartier-général, car je ne suis point d'humeur à souffrir que, là où je suis, on maltraite de paisibles bourgeois. »

Il était furieux; mais, voyant qu'il n'y avait pas à marchander, il mit flamberge en main et appliqua une dizaine de coups de sabre à son chasseur, qui grinçait les dents de rage. Moi et les miens nous rimes sous cape de cette farce, et les bourgeois me comblèrent de bénédictions.

Notification de l'armistice. Mais bientôt arrivèrent des aides de camp du prince de Neufchâtel (le colonel Fontenillat) et l'aide de camp du général Barclay de Tolly (colonel Kramine) avec des ordres pour annoncer aux partisans et aux corps isolés de l'armée comme aux troupes opérant du côté de Hambourg et de Leipzig que l'armistice avait été conclu et nous donner connaissance de la ligne de démarcation qui avait été fixée par les commissaires de Neumarkt.

Départ de Freystadt.

Nous sûmes donc officiellement à quoi nous en tenir, et il n'y avait plus moyen de trouver un prétexte pour rester à Freystadt. Nos préparatifs étant déjà faits pour passer l'Oder à Carolath, nous partimes le lendemain pour l'effectuer.

Avant de quitter Freystadt, je fis une excursion à NeuSalza, habité par des frères Moraves. Sachant qu'il s'y faisait un commerce considérable, j'y fus pour faire escompter une lettre de change de 1.500 écus que j'avais sur Berlin et dont je pouvais avoir besoin pendant le repos dont nous allions jouir.

En revenant de Neu-Salza, je trouvais Freystadt déjà

occupé par la cavalerie du général Roussel. Je ne fis que changer de chevaux de poste, et j'allai rejoindre mon détachement qui, en attendant, était déjà arrivé à Carolath.

Je fis prendre des cantonnements à mes Cosaques et je partis en poste pour Lissa, où je venais d'apprendre que se trouvait le quartier-général du baron Winzingerode.

Je suis chargé de surveiller le blocus de Glogau et la ligne de démarcation. Je traversai rapidement Fraunstadt et, arrivé à Lissa, je fus de suite chez le général Winzingerode, qui fut enchanté de me revoir, et, sans me permettre un instant de repos, me confia le blocus de Glogau et la surveillance de toute la ligne de démarcation. I augmenta mon détachement d'un régiment de Cosaques, de sorte que j'eus les régiments Popoff XIII, Rebrejëff et les Cosaques de Pultava. J'établis mon quartier général à Fraunstadt.

La ligne que j'avais à observer s'étendait depuis Zullichau jusqu'à Glogau et Köben. Le colonel Prendel était à ma droite et le général Lanskoï à ma gauche.

J'avais eu l'intention de profiter de l'armistice pour aller prendre les eaux quelque part et refaire un peu mes forces, qui en avaient grand besoin; mais le général Winzingerode me pressa si fort, me combla d'éloges et de compliments, me fit sentir la nécessité d'un homme capable de commander la ligne de démarcation et le blocus de Glogau, que je ne pus refuser d'acepter.

Je fus donc forcé de rester en activité continuelle pendant. que le reste de l'armée et surtout les quartiers-généraux vivaient en vraie Sybarites.

Mon premier soin fut de faire la reconnaissance de tout mon terrain, ce qui me prit plusieurs jours. Je fis placer des piquets en bois sur toute la ligne avec des numéros, pour que mes Cosaques aient à se régler d'après ces poteaux

et je donnai les ordres les plus sévères de ne pas les dépasser et de n'être, sous aucun prétexte, en communication avec l'ennemi.

L'état de guerre continuait pour ainsi dire, sur toute la ligne il n'y avait que les coups de fusil qui manquaient. Malgré toute la surveillance, je ne pus empêcher qu'il y eût des malentendus, et les Français, prompts à se faire justice, tirèrent sur mes Cosaques.

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Correspondance avec les généraux Mouton-Duvernet et Laplane. Pour prévenir des accidents de ce genre à l'avenir, j'écrivis au général français qui commandait devant moi la lettre suivante :

« MONSIEUR LE GÉNÉRAL,

« Je viens d'apprendre que des différends entre vos avantpóstes et les miens viennent d'avoir lieu. Quelques coups de fusil ont été tirés sur mes Cosaques. Je suis intimement convaincu que cet accident a eu lieu sans votre consentement, et je vous prie, Monsieur le Général, de vouloir bien prendre la peine de m'instruire des raisons qui ont donné lieu à cet acte hostile, pour que, si les torts proviennent de mes Cosaques, je puisse les réprimer, les punir et les prévenir à l'avenir. Mais aussi, dans le cas contraire, je vous prie de donner des ordres pour qu'une pareille chose ne puisse se répéter.

Souvent des mésintelligences de ce genre donnent lieu à des inconvénients et à des désagréments qui peuvent tirer à conséquence, et voilà ce que vous, Monsieur le Général, et moi, nous devons désirer éviter.

« Je suis, etc.

« Fraunstadt, le 8/20 juin 1813. »

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