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DU

GÉNÉRAL BARON DE LÖWENSTERN

QUATRIÈME PARTIE

LÜTZEN. - BAUTZEN.

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(1813)

JUSQU'A L'ARMISTICE

1813. Une nouvelle campagne allait commencer; les fatigues, les dangers, les espérances allaient se renouveler. Tout le monde reparut sur la scène comme régénéré. La gloire de notre armée était incontestable. Chacun avait eu sa part des lauriers qu'elle avait cueillis. L'empereur paraissait plus beau et plus magnanime que jamais. Il partit avec le grand quartier-général. Le prince Koutouzoff le suivit. Le comte Araktchejeff l'accompagnait de même que le prince Wolkonsky, Balachoff, le comte Nesselrode et force autres personnages.

Passage du Niémen. Nous passâmes le Niémen à Meretch, le 13 janvier. Le général Bistrom y était avec son régiment de chasseurs de la vieille garde. Nous dinâmes chez lui. On joua beaucoup et nous passâmes une journée agréable.

A Meretch, le général Balachoff, ministre de la police, me fit demander des renseignements sur l'affaire des douanes de Krinky, de l'enquête de laquelle j'avais été chargé à l'ou

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verture de la campagne. Il voulut connaitre le degré de culpabilité des Juifs. L'empereur, ayant le désir de reconnaitre l'attachement que les Juifs avaient montré à notre gouvernement pendant l'invasion française, voulut par un acte de grâce leur témoigner son contentement. Je fis à la hâte un mémoire, et j'eus la satisfaction de voir faire grâce à une vingtaine de Juifs que j'avais fait arrêter et qui, d'après les lois, auraient mérité d'être transportés en Sibérie. Ils furent tous rendus à leurs familles.

Ayant été la victime de la calomnie la plus injuste et la plus atroce, j'aurais été inexcusable de juger avec légèreté. Tout ce que j'avais souffert devait être pour moi une règle pour juger les autres.

Entrée en Prusse.

Nous entrâmes en Prusse. Je devançais ordinairement ou suivais le régiment à quelques heures de distance, en traîneau, et me donnant ainsi toutes mes aises.

Un jour, je m'étais égaré dans le bois d'Ortelsburg et je ne pus jamais retrouver les quartiers du régiment. A la nuit tombante, désespérant de rejoindre mon ami Budberg, je pris la résolution de suivre le premier chemin de traverse que je rencontrerai; la grande route et les villages avoisinants étaient encombrés de notre infanterie de la garde, et il n'y avait pas moyen de trouver où se loger.

Après avoir fait une bonne lieue dans un bois de sapins très sombre et épais, le chemin devint presque impraticable et les branches d'arbres se rapprochaient tellement qu'il y avait grande difficulté à se frayer son passage. Mais il n'y avait pas à reculer. J'avançais avec peine, mais j'avançais toujours. Il commençait déjà à faire très sombre lorsque j'entendis les aboiements d'un chien. Ma joie ne fut pas petite; car le froid commençait à me gagner, et mes pieds

et mes mains étaient engourdis. Enfin, je vis de la lumière et j'arrivai à la porte d'une petite cour, qui était soigneusement fermée. Je heurtai, je fis du bruit et je vis arriver un homme avec une lanterne, qui vint me demander ce que je voulais, mais sans avoir l'intention d'ouvrir sa porte. Mais aussitôt qu'il m'eut entendu lui parler en allemand, lui dire que je désirais passer la nuit dans cette maison, que je m'étais égaré et que, ne sachant plus où aller, j'avais besoin de son hospitalité, il me fit entrer de suite. C'était le maitre de la maison même qui était venu à ma rencontre et me reçut avec beaucoup de cordialité. Lorsque je fus entré dans la maison, je vis à ma très grande joie que la Providence m'avait bien protégé, car j'aperçus la maitresse de la maison, entourée de deux jolies et jeunes demoiselles, assises à une table couverte d'une serviette très propre ; une cafetière bouillante et des tasses avec des tartines très appétissantes figuraient sur cette table de la manière. la plus séduisante.

Les dames, au premier abord, furent un peu démontées, effrayées mème, de mon apparition, car j'étais couvert de neige. Mes moustaches ne les rassuraient pas non plus et le bruit de mon sabre leur en imposait. Mais, lorsqu'elles entendirent que je parlais allemand, elles m'accablèrent d'attentions. Dès lors, dans la maison, on commença à me bénir et à me regarder comme une sauvegarde que la Providence leur avait envoyée. Étant si près de la grande route et cependant isolés dans un bois, ils s'attendaient d'un moment à l'autre à être pillés par les maraudeurs. En effet, la nuit même, ils eurent à se féliciter de m'avoir donné asile. A peine étions-nous endormis après avoir bien soupé qu'un bruit infernal se fit entendre à la porte. J'avais mes pistolets bien chargés, et je dis à mon hôte qui était maitre des forêts de prendre son fusil et deux de ses garde-chasses

armés. M'étant habillé à la hâte, j'allai sommer ces pillards de se retirer, et je leur dis qu'un colonel était logé dans la maison, que j'étais la sentinelle et que je ferais feu sur le premier qui oserait franchir le mur. Cette menace fit son effet. Ils se retirèrent en murmurant, et le maître de la maison et sa famille qui étaient tout tremblants, ne surent assez me témoigner leur reconnaissance.

Nous nous recouchàmes; mais, une demi-heure après, la même scène se répéta avec d'autres maraudeurs. Je fus encore forcé de me lever, et les mêmes menaces eurent heureusement les mêmes résultats.

Je tombe malade. — Le froid était excessif; je pris froid et j'eus une fièvre très violente avec un érysipèle à la lèvre; je souffris horriblement.

La ville d'Ortelsburg n'étant éloignée que de 2 lieues de Friedrichsfeld, le maître de la maison y courut pour chercher du secours. Il m'apporta quelques drogues et toute la famille me soigna comme son parent. Je fus quinze jours dans mon lit et dans le plus grand danger. Partout ailleurs je m'imagine que j'aurais succombé, et je ne dus la vie et la santé qu'à ces braves gens. Nuit et jour la maitresse de la maison et les deux cousines se relevaient pour veiller auprès de mon lit. Il n'y a sorte de soins et d'attentions qu'elles ne me prodiguèrent.

En attendant, l'armée continuait d'avancer. J'étais privé de toutes ressources pécuniaires, de toutes nouvelles, ce qui m'inquiétait et m'agitait.

Le peu de ducats que j'avais eus sur moi avait disparu pour les vins vieux et les drogues que je faisais venir d'Ortelsburg et pour le salaire du médecin. En partant, il ne me restait que 3 ducats. J'avais un traineau avec 3 chevaux, mon valet de chambre, le fidèle Alexis, et un cosaque.

Nous nous mîmes en route, quoique je fusse encore très faible. Je remerciai les braves gens de leur généreuse hospitalité, et nous nous séparâmes les larmes aux yeux. Ils m'accompagnèrent encore jusqu'à Ortelsburg, où je couchai chez le maître de poste, qui était leur beau-frère et dans la maison duquel on me prodigua tous les soins.

En chemin, j'appris que l'armée s'était arrêtée sur la Vistule et que le quartier-général était à Plotzk. J'avais encore beaucoup de chemin à faire pour y arriver; mes moyens étaient nuls, mais je ne me décourageai pas.

Je voyageais militairement, c'est-à-dire je me fis défrayer partout; mes 3 ducats continuaient à sonner dans ma poche.

Comte Bielinsky. J'arrivai de cette manière jusqu'au château de Biezyne, appartenant au comte Bielinsky. Un régiment d'infanterie y était cantonné. Les officiers qui formaient le corps de ce régiment n'étaient pas des plus doux, et je vis, à la consternation qui régnait au château, qu'on n'était pas très satisfait de leur conduite. J'apparus, et plusieurs de ces messieurs, m'ayant reconnu pour être aide de camp du général en chef, eurent des procédés pour moi. Ils cessèrent d'être bruyants, et je parvins à leur faire comprendre que, comme il y avait des dames au château, il fallait avoir des égards pour elles et, grâce soit rendue à la docilité de ces messieurs, la tranquilité commença à régner au château. Le comte Bielinsky fut très reconnaissant, son épouse, ses filles me regardèrent comme leur ange tutélaire. Mes gens, mes chevaux furent bien nourris, et le comte me fit dresser un lit dans son cabinet. Étant très fatigué, je me couchai de suite après le souper.

Je fus surpris de trouver dans ce cabinet une très belle collection de miniatures. Le hasard m'en avait fait avoir une très belle qu'un officier de hussards m'avait donnée, comme je l'ai

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