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leur avoit procuré plusieurs vaisseaux de ligne, frégates, etc. Avec les premières, ils réparèrent les vaisseaux qui étoient dans le port de Toulon, et rassemblerent de tous les côtés des bâtimens de transport. Durant ces préparatifs, on eut l'art d'enflammer l'ardeur et la cupidité des troupes par des annonces ambiguës d'une expédition, dont les avantages immédiats devoient faire oublier les conquêtes vantées de Cortès et de Pizarre.

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Pour assurer le succès de cette farce, on ramassa de tous les coins de la France des artistes de tout genre, chimistes, botanistes, membres de l'Ecole pyrotechnique en grand nombre, et quantité de gens qui se donnent à eux-mêmes le titre de savans; et cette troupe fut obligée de prendre la route de Toulon. Quand tout fut bien et duement embarqué, Buonaparte assembla l'armée d'Italie, montant à vingt-deux mille hommes; et après leur avoir promis gravement sur son honneur, promesse qu'il observa avoir toujours été sacrée pour lui, que chacun d'eux recevroit, à son retour, une somme d'argent suffisante pour acheter six acres

et demi de bonne terre, il les prit à bord, et se mit tranquillement en route pour les enterrer tous en Egypte.

Chemin faisant, il recueillit près de vingt mille hommes de plus de l'armée d'Italie, robustes mendians qui auroient pu inquiéter le Directoire, si on les avoit laissé rester en Europe, et qui vont maintenant contribuer avec leurs fortunés camarades, à engraisser les vautours du Grand Caire.

Nous ne nous arrêterons pas sur la prétendue prise de Malte (*), ni sur les parades faites par cet invincible armement dans la Méditerranée; mais, après l'avoir conduit dans le port d'Alexandrie, nous revenons sur nos pas pour faire quelques observations sur son départ, sa destination supposée, etc.

La première circonstance qui nous

(*) Le succès de cet événement étoit déjà assuré avant que Buonaparte quittât Toulon, par les intrigues et les largesses de Poussielgues. Ces intrigues ont été depuis dévoilées par le bailli de Teignie et par d'autres, et sont devenues le sujet d'une accusation formelle contre le grandmaître Hompesch, par les chevaliers qui ont cherché un asile en Allemagne, en Russie, etc.

frappe, est l'extrême ignorance des François par rapport au pays où ils alloient porter le ravage et la désolation, Il y a des siècles qu'ils avoient des liaisons avec les ports de l'Egypte, et ils semblent n'en pas plus connoître l'intérieur, que les habitans de la lune. Cette ignorance étoit générale; depuis le commandant en chef (*) jusqu'au dernier soldat, tout étoit obscurité et aveugle confiance dans le plus aveugle des guides.

Les savans n'en savoient pas plus que les autres. Comme Phaéton, << Ils espéroient peut-être trouver des bois délicieux, des tours majestueuses et des cités remplies de richesses. >>

Et comme lui ils ne trouveront, à ce qu'on peut imaginer, qu'une conflagration générale et une rivière.

Puisqu'il est question de ces savans, examinons quel avantage la république des lettres tirera de leurs efforts, avan

(*) Dans une lettre de Buonaparte au Directoire, en date du 6 juillet, il dit: Cette contrée est toute autre chose que ce que les voyageurs et les historiens nous la repré

sentent.

tages pour lesquels on doit se rappeler que le Directoire qui les a pressés à bord, a déjà reçu les félicitations de tous les amis de la liberté.

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L'examen sera court. Tout ce que nous apprendrons d'eux, depuis l'heure de leur embarquement jusqu'à présent, est contenu dans une lettre de Berthier, aux consuls de la République romaine: «Les savans Monge, Bertholet, Bour>> sienne, etc. dit-il, ont combattu avec ,, le plus grand courage; ils n'ont pas quitté les côtés du général pendant » toute l'action, et ont prouvé par leur » calme intrépide, qu'en combattant les » ennemis de la France (*), tout Fran>>çois est soldat. <<<

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(*) Le jargon des François est encore plus choquant que leurs atrocités. lls envahissent un pays ami qu'ils dévouent légérement au pillage et à la dévastation, et les chefs de cette horde féroce de sauvages ont la détestable insolence de traiter d'ennemis de la France un peuple qui ne les a provoqués par aucune agression, dont le seul crime est de défendre sa vie et ses propriétés, et qui, dans sa paisible ignorance, ne connoît ni les François, ui les meneurs sanguinaires qui les emploient

Ainsi voilà ces "génies éclairés du 18e siècle » qui devoient reconnoître la construction des pyramides, plonger dans les catacombes, errer à travers les détours des labyrinthes sacrés, déterrer les volumes mystiques d'Hermès, et en un mot, fouler d'un pied libre cette terre classique depuis les cataractes jusqu'aux sept embouchures du Nil, les voilà devenus des hommes de sang, obligés de rester sous la protection des troupes, et incapables de faire un pas à droite ou à gauche, hors de la portée de la mousqueterie ou du canon de l'armée.

Mais l'absurdité déployée dès le début de cette étrange expédition, n'est pas plus extraordinaire que l'obstination avec laquelle on l'a montrée à l'admiration de l'Europe. L'ignerance, la crainte, le jacobinisme ont été sans cesse en action, pour supposer une grande conception, où l'aveugle hasard seul avoit part, pour chuchoter une savante combinaison de moyens au milieu d'un dénuement absolu, et pour promettre un succès infaillible à des hommes dont chaque pas est narqué par la destruction et le désespoir.

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