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laisseras à Alexandrie que sa belle voiture

de voyage.

N'oublie pas, mon ami, tous les effets que nous avons laissés à Alexandrie: nous en avons tous bien besoin. N'oublie pas non plus tous les vins, les livres, et les deux caisses de papiers, sur lesquelles est le nom du Général, et celui de Collot.

J

Je t'embrasse.

BOURSIENNE.

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N°. XV.

Au Quartier - général du Caire, le 9 Thermidor.

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Je m'empresse, ma très chère mère, à vous faire part de l'arrivée de l'armée françoise, à laquelle j'ai l'honneur de servir, à Alexandrie en Egypte: pendant notre traversée nous nous sommes emparés de l'île, port et ville de Malte, qui est à 1100 lieues de Toulon, maintenant nous sommes au Grand Caire, ville capitale d'Égypte, distance de mille lieues de France.

J'ai beaucoup souffert pendant deux mois que nous avons resté en mer; tous les jours je ne cessois de vomir jusqu'au sang; lorsque nous avons mis pied à terre sous les murs de la ville d'Alexandrie, j'ai été guéri de la maladie de mer, mais mes peines n'ont pas été terminées.

Nous avons perdu 500 hommes en escaladant les remparts pour nous rendre maîtres de la ville. Après quatre jours de repos, nous nous sommes mis à la poursuite des troupes arabes, qui s'étoient re

tirées et campées dans le Désert: mais la première nuit de marche me fut bien funeste. J'étois à l'avant-garde; nous tombames sur un corps de cavalerie ennemi, et la vivacité de mon cheval que vous avez connu, a causé tout mon malheur; il sautoit comme un lyon sur les chevaux et cavaliers ennemis, mais malheureusement en se cabrant il tomba à la renverse, et moi pour éviter d'être écrasé, je me jetai par côté. Comme c'étoit la nuit, je n'eus pas le temps de le saisir; il se releva et partit comme l'éclair avec la cavalerie ennemie, qui abandonna le champ de bataille.

J'avois mis ce que j'avois de plus mauvais sur le corps, pour conserver ce qui étoit neuf dans mon porte-manteau, de sorte que je perdis mon cheval, tout har naché, mes pistolets, mon manteau, portemanteau, tous mes effets qui étoient dedans, ainsi que vingt-quatre Louis en argent que j'avois reçus à Marseille pour mes appointemens arriérés, et le plus essentiel encore est mon porte-feuille, qui contenoit tous mes papiers.

Je me trouvai tout-à-coup dépouillé

de tout, et obligé de marcher nus - pieds pendant 19 jours, sur le sable brûlant et les graviers dans le Désert, car le lendemain de cette malheureuse affaire, je perdis les semelles des vieilles bottes que j'avois aux jambes; mon habit et ma vieille culotte furent bientôt déchirés en mille morceaux; ne trouvant pas un peu de pain pour s'alimenter, ni une goutte d'eau pour s'humecter la bouche; pour toute consolation je maudissois plus de cent fois le jour, le métier de la guerre.

Enfin, le 4 de ce mois nous arrivames aux portes du Caire, là où toute l'armée ennemie étoit retranchée, et nous attendoit de pied ferme; mais avec notre impétuosité ordinaire, nous fumes l'attaquer dans ses retranchemens; au bout de trois quarts d'heure, l'ennemi eut trois mille morts sur le champ de bataille; le restant ne pouvant se sauver, se jeta dans le Nil, qui est une rivière aussi forte que le Rhône, par conséquent ils furent tous noyés ou fusillés sur l'eau. D'après une pareille victoire nous entrames, tambour battant, dans la ville du Caire, et par conséquent maîtres de toute l'Egypte.

Je ne sais, ma très-chère mère dans quel temps j'aurai le plaisir de vous voir, je me repens bien d'être venu, mais il n'est plus temps: enfin, je me résigne à la volonté Suprême, et malgré les mers qui nous séparent, votre mémoire sera toujours gravée dans mon coeur, et aussitôt que les circonstances le permettront, je franchirai tous les obstacles pour rentrer dans ma patrie.

Adieu, conservez-vous, et mille choses

à mes parens.

Votre fils,

GUILLOT.

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