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DE

L'ARMÉ É FRANÇAISE

EN EGYPTE,

N°. I.

Au Citoyen JOSEPH BUONAPARTE, Député au Conseil des Cinq-Cents, Rue des Saints Pères, No. 1219, Faubourg Germain, à Paris.

Alexandrie, le 18 Messidor, an 6.

Nous sommes en cette ville depuis le 14, mon cher frère; elle a été prise d'assaut; je vais vous détailler nos opérations, non mais telles que j'ai pu

en commentateur,

les suivre.

Le 13, à la pointe du jour, nous découvrimes les côtes d'Afrique, que l'avantgarde avoit signalées la veille; bientôt nous fumes à la hauteur des îles des Arabes, à 2 lieues d'Alexandrie, et la frégate la Junon,

qui avoit été expédiée pour amener le Consul de France de cette ville, nous joignit.

Celui-ci nous apprit qu'une escadre angloise de 14 vaisseaux de ligne, dont deux. à trois ponts, avoit passé à vue d'Alexandrie, y avoit envoyé des lettres pour le Consul anglois, et avoit appris la prise de Malte aux négocians; elle a fait ensuite route sur Alexandrette, comptant sans doute que nous y avions été débarquer pour nous rendre aux Indes par Bassora. Cette escadre avoit été en effet signalée par la Justice après notre départ de Malte: elle a eu la gaucherie de ne pas nous trouver. Les Anglois doivent être furieux. Il faut être extrêmement hardi et heureux pour traverser une escadre nombreuse avec des forces moindres, un convoi de quatre cents petits bâtimens, et enlever en chemin une place telle que Malte, moitié par force et moitié par négociation.

Jusqu'à présent j'ai cru que la fortune pouvoit abandonner mon frère, aujourd'hui je crois qu'il réussira toujours si les troupes gardent un peu de l'esprit national qui les

anime si bien.

Les Mamelouks savoient depuis trois se

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maines par des bâtimens de commerce expédiés de Marseille, les détails de notre embarquement; voyant paroître les Anglois, ils crurent que c'étoit notre flotte; de manière que lorsque nous parumes réellement le 13, ils étoient prêts à nous recevoir. La mer étoit grosse ce jour-là, les marins ne vouloient point que le débarquement eût lieu. Les vaisseaux mouillèrent à deux lieues au large. La journée se passa en préparatifs, et enfin à onze heures du soir nous débarquames sur de petits canots avec une mer et un vent très- orageux.

Nous marchames toute la nuit avec deux mille hommes d'infanterie, et le lendemain à la pointe du jour nous investimes Alexandrie, après avoir chassé différens détachemens de cavalerie; les ennemis se défendoient courageusement, l'artillerie qu'ils

avoient sur les tours et les murailles étoit mal servie, mais leur mousqueterie étoit très bonne. Ces gens - là ne savent pas broncher, ils donnent ou reçoivent la mort sur leurs ennemis. Cependant la première enceinte, c'est-à-dire, celle de la ville des Arabes, fut enlevée. Bientôt après, la seconde, malgré les feux des maisons. Les

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forts qui sont de l'autre côté de la ville sur les bords de la mer furent investis, et le soir capitulèrent.

Depuis le 14 on est occupé au débarquement des troupes, de l'artillerie, et des effets. Le Général Désaix est sur le Nil à Demenhour. Les autres devoient le suivre.

Le lieu du débarquement est à deux lieues d'ici à la tour de Marabout, ou les îles des Arabes. Les deux premiers jours,

il

y eut beaucoup de traîneurs que la cavalerie Mamelouk et Arabe harcelèrent; je

crois que nous avons perdu 100 tués et autant de blessés. Les Généraux Kleber, Menou et Lescalle ont été blessés.

Je vous envoie la proclamation aux habitans du pays, et trois autres à l'armée. Elle a fait un effet merveilleux; les Arabes Bédouins, ennemis des Mamelouks, et qui sont, à propremeut parler, des voleurs intrépides, dès qu'ils l'eurent reçue, nous ont rendu une trentaine de prisonniers, et se sont offerts pour combattre avec nous les Mamelouks. On les a très bien traités. Ce sont des gens invincibles, habitans des déserts brûlans, montés sur les chevaux les plus légers du monde, et extrêmement

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braves. Ils habitent avec leurs femmes et leurs enfans des camps volans, qui changent toutes les nuits. Ce sont des sauvages horribles; cependant ils connoissent l'or et Fargent, il en faut bien peu pour causer leur admiration. Ils aiment l'or, mon cher frère, ils passent leur vie à l'arracher aux Européens qui tombent en leurs mains, et pourquoi faire? pour continuer ce genre de vie et l'apprendre à leurs enfans. Oh, Jean Jacques, que ne peut-il voir ces hommes, qu'il appelle,, les hommes de la nature!" il frémiroit de honte et de surprise d'avoir pu les admirer.

Adieu, mon cher frère, donnez-moi de vos nouvelles, j'ai souffert beaucoup dans la traversée; ce climat-ci m'accable, il nous changera tous. Quand nous reviendrons on nous reconnoîtra de loin. Je suis un peu malade, et obligé de rester ici quelques jours. Tout le monde part demain. Adieu, je vous embrasse de tout mon coeur. Rappelez-moi au souvenir de Julie, Caroline, etc. et au législateur Lucien; son voyage avec nous lui eût été fort utile; nous voyons plus en deux jours que les voyageurs ordinaires en deux ans.

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