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»lement, et par la seule force de l'intrigue, faire con» traste avec le principal caractère, comme le fils dans » l'Avare, comme Clitandre et Henriette dans les Fem» mes savantes, je crois qu'il faut l'appliquer à un père, » à un oncle, à un personnage exerçant une autorité ou » un droit d'amitié sur un ou plusieurs des personnages » principaux. Tels sont les frères de Molière dans beau» coup de ses comédies et Baliveau dans la Métromanie. » Souvent alors le caractère d'opposition se confond » avec celui de l'homme raisonnable, qu'en style de >> théâtre on appelle le raisonneur; mais souvent aussi >> ces deux caractères se divisent en plusieurs person»nages. Je crois que lorsque le caractère principal est » odieux, il est bon de donner au même personnage le caractère d'opposition et celui de l'homme raison»nable, comme a fait Molière dans le rôle de Cléante » du Tartuffe. On peut les diviser quand le caractère » principal n'exclut ni l'honneur, ni la bonté. Dans >> les Femmes savantes, Clitandre et Henriette sont des » caractères d'opposition, Ariste est l'homme raison»nable. >>

Ces citations, et beaucoup d'autres que ne nous permettent pas les bornes d'un article, n'apprendront pas aux gens qui réfléchissent, que M. Picard a fait une étude approfondie de son art; mais il y en à d'autres qui sont trop disposés à croire que tout ce qui porte le caractère du naturel et de la facilité, est le produit d'une organisation particulière et d'une espèce d'instinct; ceuxlà liront peut-être avec un degré d'intérêt, de plus, et d'estime pour l'auteur, les théories fines et savantes qu'il développe dans plusieurs de ses examens.

Dans un troisième et dernier article nous parlerons des grandes comédies de M. Picard; nous contentant d'indiquer celles qui sont les plus connues, et au succès desquelles il n'a manqué ni suffrages, ni critiques; réservant une mention particulière à celles dont le public s'est éloigné, soit après les avoir beaucoup vues, soit après ne les avoir pas assez vues.

LANDRIEUX.

LA FEUILLE DES GENS DU MONDE, ou le Journal Imaginaire; par Mme DE GENLIS.- Un vol. in-8°.

IL est presque impossible d'avoir à rendre compte d'un livre de Mme de Genlis, sans parler en même tems de sa personne. Mme de Genlis a naturellement l'humeur belliqueuse. Elle ne souffre point la critique, et quand elle publie un ouvrage elle est convaincue qu'il ne reste à ceux qui ont le bonheur de le lire d'autre parti que de l'admirer. Mme de Genlis se plait à attaquer les plus illustres réputations littéraires, mais elle veut qu'on révère la sienne. Elle ne craint pas de prêcher l'intolérance, mais elle prétend qu'on doit tout tolérer de sa part. Elle ne cesse de réclamer des égards, mais elle se dispense d'égards envers tout le monde. Elle professe des principes de morale et de religion, mais sa religion est superbe et hautaine, et semblable au pharisien qui, debout devant les autels, remerciait Dieu de ne l'avoir point fait comme les autres hommes, injuste, ravisseur, adultère, elle se glorifie, comme lui, de jeûner deux fois le jour du sabbat, et de remplir tous les devoirs de la loi.

Mme de Genlis a été, pendant quelque tems, attachée à la rédaction du Mercure de France. Ce journal était alors, à ses yeux, le premier des ouvrages périodiques. Elle a cessé d'y travailler, et dès ce jour elle n'a plus aperçu aucun mérite dans le Mercure.

Quand on lit les préfaces de Mme de Genlis, il est impossible de ne pas se persuader qu'elle aspire à la suprématie de la littérature; qu'elle se croit sincèrement au-dessus de tous les beaux génies qui l'ont précédée qu'elle ne doute pas que la nature ne l'ait faite pour régenter l'univers et donner des modèles de tous les genres de productions.

Je suis persuadé que c'est de très-bonne foi qu'elle a composé le Journal Imaginaire; elle s'est dit : « Les » hommes de lettres chargés de la rédaction du Mer» cure n'ont pas reçu du ciel ces dons supérieurs qui

» me distinguent, ils s'acquittent faiblement de leur »tache. Composons pour eux un journal qui puisse leur » servir de guide, les éclairer dans la carrière qu'ils » parcourent, et leur montrer par quel art on peut, » avec honneur, remplir le noble ministère de la cri»tique. Il existe dans la nature un beau idéal; indi» quons-leur ce beau idéal, et pour cela intitulons »notre feuille le Journal Imaginaire. »

Il ne faut, en effet, que jeter un coup-d'œil sur cette nouvelle production de Mme de Genlis, pour se convaincre que son intention a été de faire une heureuse parodie du Mercure de France, et de montrer avec quelle supériorité cette feuille eût été rédigée, si elte Jeût été exclusivement confiée à Mme de Genlis.

C'est le même format, le même ordre, la même distribution des matières. L'énigme, le logogriphe et les 'poésies fugitives n'y manquent point. On y trouve des analyses de livres, des contes, des lettres aux rédacteurs, des annonces de musique, et jusqu'à des articles sur une exposition imaginaire de tableaux. Ce sont donc des modèles dans tous les genres, et la littérature ne saurait trop se féliciter d'avoir trouvé, dans Mme de Genlis, un de ces génies universels capables de tout concevoir et de tout entreprendre. Qu'on n'accuse point Mme de Genlis de trop de présomption, un travail de ce genre ne lui paraît qu'un simple délassement.

« Un auteur, dit-elle, qui se fiatterait de faire avec un égal succès des romans, des opéras, des odes, des » livres d'histoire, des comédies, des tragédies et des » poëmes épiques, aurait assurément une haute opinion » de lui-même; mais parler raisonnablement sur toutes » ces choses, n'est que l'espèce de talent que tout jour-»naliste doit avoir, et il ne faut qu'un peu d'instruction » et d'imagination pour indiquer ou pour inventer quel»ques sujets nouveaux dans ces différens genres. »

Il est rare qu'un journaliste quand il exprime son opinion avec franchise, ou qu'il assaisonne sa critique de quelques grains de malignité, ne fasse pas quelques mécontens. Le Journal Imaginaire est à l'abri de ce danger; ear, si j'en crois Mme de Genlis, tout est imaginaire

dans ce prétendu journal. Les critiques tombent sur des ouvrages qui n'existent point. Les éloges et les disputes n'ont pas plus de fondement. Les extraits de pièces dramatiques, de poëmes, de romans et d'histoire qu'on y donne, ne sont que des fictions et des plans d'ouvrages, parmi lesquels les jeunes auteurs pourront peutêtre trouver quelques idées neuves.

Quand on procède avec tant de franchise et d'innocence, aurait-on lieu de s'attendre à trouver des contradicteurs? Cependant Mme de Genlis en a trouvé, et (ce que l'on aura peine à concevoir), elle en a trouvé lors même que son ouvrage n'était encore qu'en épreuves. A quoi la gloire et le génie ne sont-ils pas exposés ?

« Nous apprenons, dit Mme de Genlis, au moment » où l'on nous apporte l'épreuve de notre préface, que, » dans la Gazette de France, un journaliste, acharné » depuis dix ans à nous dire des injures, quoique nous » n'ayons jamais eu l'honneur de lui répondre un mot, » vient de faire d'avance la satire la plus amère de ce » journal, parce qu'il croit (par une supposition qui »> nous honore) qu'on y trouvera des sentimens religieux. » Nous pouvons pourtant l'assurer que nous n'avons » point parlé de religion dans les charades, les énigmes, » les logogriphes, les petites pièces de poésie, les ex» traits de pièces de théâtre, de livres d'histoire, de » voyages, de divers traités moraux, de romans, dans » les contes de féerie, les poemes dont les sujets sont » tirés de la mythologie, etc. »

On sait combien la Gazette de France est modeste et retenue dans ses critiques. Nulle part les bienséances ne sont plus scrupuleusement observées ; et si l'on avait quelque reproche à lui faire, ce serait un excès de modération qui lui donne quelquefois l'air de la timidité et de la faiblesse.

Quel est ce rédacteur, quel est ce téméraire, qui s'élevant au-dessus des lois de la Gazette, s'acharne depuis dix ans contre Mme de Genlis? Hélas! faut-il l'avouer à ma grande confusion? c'est à moi que Mme de Genlis impute ce délit. Il ne faut rien retrancher de son acte d'accusation.

« Il est vrai, dit-elle, que nous n'avons point inséré dans ce recueil des épigrammes contre la religion, et » des traits malins contre ses ministres : les lecteurs in» trépides qui veulent tout lire, pourront trouver toutes » ces choses dans un petit extrait d'un vieux livre (le >> Traité de l'opinion), extrait intitulé: des Erreurs et des Préjugés populaires, et que le compilateur a semé de » sarcasmes tirés des œuvres de Voltaire; mais nous » avouons qu'il ne s'est approprié que le fonds des » pensées. Il n'en a pris ni les tournures piquantes, ni » la gaîté. Sa plume se refuse absolument à ce genre de plagiat. »

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Ainsi, je suis non-seulement un ennemi acharné de Mme de Genlis, mais un détracteur de la religion et de ses ministres, mais un servile compilateur qui me suis approprié les ouvrages et l'esprit d'autrui. Il faut répondre à ces diverses inculpations.

Et d'abord je demanderai à Mme de Genlis comment elle sait que je suis l'auteur de l'article publié dans la Gazette de France, quelque tems avant que son Journal Imaginaire parut? J'étais alors à la campagne, l'article était jeté dans le corps du Journal, il ne portait aucun signe caractéristique qui en indiquât l'auteur. Mon accusatrice aurait-elle des affidés jusque dans l'ombre des imprimeries? Mais je veux bien me charger de tout le poids du délit. De quelle offense suis-je coupable envers Mme de Genlis? Elle parle d'injures; on la prie de citer dans cet article et dans tous ceux qui sont sortis de la même plume une seule expression injurieuse, un seul reproche qui ne soit pas fondé sur la plus exacte vérité. J'ai rendu compte dans la Gazette de France d'une historiette qui figure aujourd'hui dans le Journal Imaginaire. Le Journal de Paris en avait publié une partie. J'en ai parlé comme d'une production puérile, ridicule, indécente; j'ai pris la liberté de m'en moquer, mais de m'en moquer avec décence. Que pouvais-je faire de moins? L'opinion publique n'a-t-elle pas depuis frappé d'improbation ce conte, dont les détails souvent licencieux n'auraient pas dû échapper à une femme qui se respecte?

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