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rarement et faiblement interrompus par quelques observations critiques que l'auteur n'aurait pu fondre aussi bien dans le chapitre XV, quoique spécialement destiné aux observations de ce genre. Pour donner une idée juste du chapitre XVI, il faudrait le citer tout entier; mais je regrette plus particulièrement de ne pouvoir citer au moins un parallèle détaillé de l'enchantement de Renaud dans les jardins d'Armide, avec celui de Roger, dans l'île merveilleuse d'Alcine, dans le Roland furieux. C'est un morceau dans lequel tout plaît et tout satisfait; le motif, l'exécution et les résultats: dans lequel le charme du sujet respire, sans rien prendre sur la justesse des rapprochemens et des idées. Il est à peine nécessaire d'avertir que M. Ginguené a dû se trouver, dans ce pa rallèle, comme forcé de traduire au moins en partie lesdeux fragmens de poëme qu'il voulait comparer, ou plutôt dont il voulait comparer les deux auteurs: on remarquera sans doute ces échantillons de traduction; ils me semblent prouver qu'il ne serait pas aussi impossible que l'on est jusqu'à présent autorisé à le craindre, de donner en notre langue une idée juste de l'Arioste et du Tasse.. Ne pouvant rapporter, ni même analyser cet aimable et bri laut passage de l'histoire littéraire d'Italie, sans excéder toutes les bornes d'un extrait, je citerai du moins les ebservations qui le terminent, et qui en font la transition à la suite du chapitre..

«J'ai peut être fait comme Renaud, dit M. Ginguené; » je me suis trop arrêté dans les jardins d'Armide. Sil » est difficile d'en sortir, il est peut-être encore plus dy » conserver assez de raison pour ne s'en pas laisser tout» à-fait éblouir et pour y distinguer, de la belle et riche » nature, les purs effets de la baguette et les mensonges » de l'art. D'autres beautés, répandues dans toutes les » parties du poëme, n'exigent point cet effort; je veux parler de ces traits sublimes, qui sont en si grand » nombre, et qui attestent si évidemment cette tendance. » habituelle du génie du Tasse vers les hautes régions » du beau idéal. On la voit dès l'invocation du poëme. » adressée à cette muse qui n'a point sur l'Hélicon le » front ceint d'un laurier périssable, mais qui là-haut,

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» parmi les chœurs célestes, porte une couronne d'or et » d'étoiles immortelles. On la voit dans la manière neuve » et vraiment sublime dont se fait l'exposition, dans ce » regard que l'Eternel jette sur la Syrie et sur l'armée chré»tienne, regard qui pénètre au foud des cœurs de tous » les chefs, qui nous y fait pénétrer nous-mêmes, et » nous fait connaître ainsi, dès le début, non seulement » les personnages, mais les caractères; enfin, sans par»ler des morceaux et des épisodes entiers, qui semblent » dictés par cette aspiration continuelle vers le grand

le beau et l'honnête, on la voit dans un nombre infini » de pensées et de sentimens, quelquefois indiqués par » l'attitude seule, ou par l'expression du visage, comme » lorsque Renaud, averti par Tancrède que Godefroi » veut le faire arrêter, sourit avant de répondre, et » qu'un couroux dédaigneux éclate à travers ce sourire; » quelquefois énoncées dans le style le plus noble et le

plus poétique, comme sont ceux de ce vieillard qui » montre au même héros, à peine échappé des bras » d'Armide, notre vrai bien, non dans des plaines » agréables, parmi les fontaines et les fleurs, au milieu » des nymphes et des sirènes, mais sur la çîme du mont » escarpé où habite la vertu. »

Le résultat général de toutes les considérations de M.' Ginguené sur la Jérusalem délivrée, c'est que, si ce poëme ne peut être justement placé au niveau de l'Iliade, et de l'Enéide, il doit au moins tenir à leur suite le troisième ràng, c'est-à-dire le premier parmi les poëmes épiques modernes ; et tout le monde conviendra avec, M. Ginguené que cette place est assez belle.

Le chapitre XVII termine tout ce qui concerne l'épopée héroïque du XVI° siècle. On sent bien qu'il ne peut avoir l'intérêt des précédens; mais il en a cependant un très-réel il s'y agit encore du Tasse comme poëte épique; c'est là que M. Ginguené parle du Renaud et de la Jérusalem reconquise. On sait que le Tasse n'avait que dix-huit ans quand il composa le premier de ces deux poëmes, et que l'autre est un des derniers fruits de sa muse. Ces deux ouvrages ne sont guère connus parmi nous que de nom; mais en lisant M. Ginguené on pourra

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se convaincre qu'ils mériteraient de l'être en effet, ne fûtce que pour le plaisir d'y observer les diverses phases du génie épique du Tasse, son développement précoce, sa pleine maturité dans la première fleur de l'âge, et sa décadence également anticipée. La Jérusalem reconquise, sur-tout, est intéressante à étudier l'examen des sentimens, des vues et du but dans lequel fut composé ce poëme, est une source féconde de remarques utiles en elles-mêmes, et nécessaires pour pénétrer aussi avant que possible dans tous les secrets de la force et des côtés faibles du génie du Tasse.

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Après avoir si dignement et si soigneusement apprécié ce grand poëte, M. Ginguené ne s'arrête plus qu'à une seule production du XVI° siècle, dans le genre de l'épopée héroïque; et encore ne s'y arrête-t'il qu'autant qu'il le faut pour en donner une notion très-sommaire. Cette production est un poëme de 30,000 vers, intitulé: Il Fido Amante, et dont l'auteur est Curzio Gonzaga. Je ne connais ce poëme que par ce qu'en dit notre historien; et ce qu'il en dit donne peu de désir de le connaître plus particulièrement. Il paraît que c'est un de ces ouvrages dont tout le mérite se réduit à n'être pas ridicules, ni aussi mauvais que possible.

Me voici arrivé à la fin de la 2e livraison de l'Histoire. Littéraire de l'Italie; et j'y arrive avec le regret de n'avoir pu en donner une idée aussi complètte que je l'aurais souhaité. Mais on m'excusera sans doute, en songeant que cet ouvrage est au nombre de ceux qui échappent par leur importance, autant que par leur étendue, aux analyses les plus détaillées qu'admette le cadre d'un journal.

C. F.

ALMANACH DES MUSES, ou Choix de Poésies fugitives de 1812. Paris (1813). — Chez F. Louis, libraire, rue de Savoie.

De tous les recueils de vers qu'on publie au renouvellement de l'année, l'Almanach des Muses est le plus ancien; et c'est en général celui qui offre le meilleur choix. Le volume qui vient de paraître est le XLIX* de la collection. Il est, comme les précédens, imprimé avec soin, orné d'un titre gravé et d'une vignette.

Malgré la décadence dont on accuse avec plus ou moins de raison la littérature actuelle, on voit en lisant ce recueil que les genres les plus élévés ne sont pas abandonnés. Parmi les pièces qu'il renferme, il en est quelques-unes qui auraient peut-être honoré notre poésie dans tous les tems. D'autres, en assez grand nombre, se distinguent dans des genres différens, soit par l'originalité du sujet, soit par des pensées ingénieuses, soit par le mérite de la versification. Il est vrai aussi que beaucoup d'autres ne méritent pas d'être distinguées, et qu'elles offrent, à tout prendre, plus de défauts que de mérite réel. Mais le devoir de l'éditeur était-il de n'imprimer que des morceaux excellens? Non; tout ce qu'on pouvait exiger de lui, c'est qu'il offrît une élite des poésies fugitives publiées dans l'année. Il n'a omis aucune de celles qui méritaient d'être conservées, et qui pouvaient entrer dans son recueil sans nuire à la variété piquante qu'il a su lui donner. Ce n'est point sa faute si ce recueil n'en renferme pas davantage, et l'on n'a point de reproches à lui faire.

Plusieurs de nos dames poëtes ont enrichi de leurs productions ce volume de l'Almanach des Muses. On y remarque d'abord une Epître sur la rime de Mme de Salın, dont le style nourri de pensées a une fermeté qu'on trouve rarement dans les ouvrages de son sexe. J'en citerais avec plaisir des fragmens remarquables, si cette épître était moins connue. Par la même raison, je crois qu'il suffira de nommer l'élégie de Mme Dufresnoy, intitulée la Promesse à ma mère. Cette pièce, publiée dans le charmant recueil des poésies de l'auteur, a été

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réimprimée et jugée plusieurs fois. Si l'on a pu y décou vrir des négligences, on n'a pu s'empêcher d'y louer la délicatesse des pensées et la douceur d'une versification naturelle et harmonieuse, véritable mérite du genre. Le naturel et la facilité sont aussi ce qui distingue cette idylle de Mme de Mandelot, qui n'étant pas, je crois, connue, mérite d'être citée.

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Déjà les troupeaux languissans
Quittent ce valon solitaire ;
Et de nos bosquets jaunissans,
La froide haleine des autans
Fane la parure légère

Dont les couronna le printems.

Les aquilons, par intervalle,
Remplacent les tièdes zéphyrs;
Et l'Aurore, au front triste et pâle,
Rappelle en rain les doux loisirs
Sur la cabane pastorale.

Un brouillard sombre et nébuleux,
D'une teinte mélancolique,

Flétrit le tableau romantique

Que j'ai sans cesse sous les yeux.

Ces hameaux, ces vastes campagnes,
Me semblent maintenant déserts:
Bientôt le sommet des montagnes
Sera blanchi par les hivers.

Déjà la rose pâlissante,
Que le zéphyr caresse en vain
Sur sa tige faible et mourante
Penche son calice incertain.
Déjà tout languit sur la terre,
Et l'arbre au front majestueux,
Qui naguère ombrageait ees lieux,
Voit se rouler sur la poussière
Sa dépouille errante et légère 1
Qu'entraine l'aquilon fougueux.

Triste image de notre vie
Et de l'inconstance du sort!

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