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sentiers que je vais vous frayer: nous nous arrêterons ensemble sous les chênes divinisés, où les antiques Sem-. nothées accomplissaient leurs mystères; dans ces camps nombreux les Gaulois et les Francs ont dressés en face que de tant de nations différentes d'origine, de mœurs, coutumes; dans les fêtes et les cours plénières de nos monarques; dans les joûtes et les carousels de nos paladins nous parcourrons les cloîtres du cénobite, la grotte du solitaire, les sombres églises, qu'on prendrait pour des catacombes, et des forêts pétrifiées, et les manoirs féodaux, et les castels hospitaliers, où les pélerins, les preux, les écuyers, les pages et les damoiseaux contaient leurs aventures de guerre et d'amour à la lueur des brasiers. Vous apprendrez les faits célèbres, les grandes vertus, les grands crimes, les usages curieux, les fables nationales, les mœurs simples et la vie privée de nos aïeux; alors, étonnés de tant de poétiques richesses, vous consacrerez désormais vos veilles à célébrer une histoire trop long-tems méconnue et dédaignée. Si j'ose marcher avec vous dans cette lice glorieuse, où le mérite seul a droit de porter ses pas, ce n'est point que je prétende vous donner des leçons et des exemples; ce n'est point que j'aspire aux palmes dues à ceux qui sauront dignement raconter tant de merveilles; mais le berger qui vit obscur dans les vallons solitaires, conduit quelquefois le conquérant à travers les routes inconnues, et le mène jusqu'au champ d'honneur où l'attend la victoire.

(La suite à un prochain numéro.)

LE GLANEUR, ou Essais de Nicolas Freeman, recueillis et publiés par M. A. JAY.- Un vol. in-8°. - Prix, 6 fr., et 7 fr. 50 c. franc de port. Chez Cérioux jeune, libraire, quai Malaquais, no 15; Dargent, libraire rue de l'Odéon, n° 34; et Lenormant, imprimeurlibraire, rue de Seine, no 8.

CE titre simple et modeste, le nom de l'homme de lettres qui veut bien ne s'annoncer que comme l'éditeur de l'ouvrage qu'il offre au public, son talent si justement apprécié; voilà bien des motifs pour fixer l'attention du lecteur qui cherche moins l'emploi de quelques heures que l'occasion de méditer et de s'instruire. Des pensées

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profondes, des ques ingénieuses et piquantes, un aimable badinage, ne douce philosophie; telles sont les qualités qui distinguent cette nouvelle production. Il appartenait au panégyriste de Montaigne de nous les retracer il l'a fait dans un style formé sur les meilleurs modèles, et qui rappelle souvent les tournures animées et rapides, ainsi que l'élégante clarté de la prose de Voltaire.

Il est assez difficile d'analyser un ouvrage qui se compose de parties presqu'entièrement étrangères les unes aux autres, et réunies seulement par un fil délié que le moindre contact peut rompre. Des chapitres entiers sont consacrés à la plus haute littérature, quelques-uns à la morale et à la philosophie, d'autres au développement des passions qui se partagent le cœur de l'homme c'est alors que M. Jay ou Nicolas Freeman fait agir les personnages jetés dans l'action, et donne ainsi tout-à-la-fois l'exemple et le précepte. Mais quoi! nous dira-t-on, vos premières réflexions semblaient annoncer un traité didactique, où les résultats et les preuves étaient le complément de propositions discutées avec méthode et appuyées de toutes les armes du raisonnement, et vous parlez maintenant d'action, de personnages! le livre de M. Jay serait-il donc un roman? Ni l'un ni l'autre. Un tableau, quel qu'il soit, n'exige-t-il pas un cadre? La vérité toute nue trouverait peu d'adorateurs; et sans s'abandonner à de tristes élucubrations sur l'affaiblissement des facultés intellectuelles ou physiques que l'homme a reçues en partage, bornons-nous à remarquer que, dès l'enfance des sociétés, il lui fallut présenter la vérité sous le manteau de la fable. Le monde vieillit sans devenir plus raisonnable, ou, pour mieux dire, il reste avec les mêmes passions, les mêmes vertus et les mêmes faiblesses; il n'a fait que changer d'erreurs. Le sage les voit et les apprécie; mais comment les signaler? Oserat-il présenter à la multitude enivrée l'image sérieuse de la froide raison? Ne faut-il pas la voiler sous les tissus. légers de la mode? elle passe à l'aide de ce déguisement; et le monde fait un mérite à l'étrangère, non pas de ce qu'elle est, mais de ce qu'elle a voulu paraître. Quoi

qu'il en soit, le charme opère sur queles bons esprits; ils eussent pris la fuite sans cette heut use précaution; désormais éclairés par l'expérience, ils bénissent la sage philosophie qui cède d'un côté pour tout reconquérir ; la persuasion est son ouvrage, et quand l'erreur des premiers instans se dissipe, on s'applaudit d'avoir été trompé.

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Cosi all' egro fanciul' porgiamo aspersi
Di soave liquor gli orli del raso,

Succhi amari ingannato intanto ei beve,
E dal inganno suo vità riceve.

(Gerusalemme liberata. Canto primo.)

Cette digression peut paraître grave, mais elle n'est pas étrangère au sujet qui nous occupe. Le livre de M. Jay sera sans doute considéré sous différens aspects. Les uns n'y verront que les pensées éparses, le délassement d'esprit d'un homme à talent; d'autres n'y chercheront que des opinions toutes faites, soit pour modifier leur avis particulier, d'après le sien, soit pour s'épargner la peine de penser d'après eux-mêmes; méthode facile de s'occuper de tout, de posséder toutes les sciences, sans jamais s'embarrasser dans les épines d'études longues et décourageantes. Quant à nous, nous avons fait connaître assez, en commençant cet article, ce que nous pensons du Glaneur, et l'estime qu'il doit inspirer à tous les gens de goût; il est facile de tirer l'horoscope d'un ouvrage qui réunit en sa faveur tant de moyens de succès.

L'éditeur des Essais de Nicolas Freeman nous apprend de quelle manière le manuscrit est tombé entre ses mains; il nous donne, dans une préface aussi spirituelle que bien écrite, des détails très-circonstanciés sur l'ori gine du bon Freeman, sur ses liaisons et l'amitié qui l'unissait à lui; les derniers momens de ce rare ami et la remise des papiers sont racontés sur-tout de la manière la plus piquante. Il faut y voir le tableau de lá douleur de l'héritier à la nouvelle de la maladie de son parent; sa colère contre d'imprudens amis qui voudraient qu'on laissât agir la nature, le soin qu'il prend

d'entourer le malade d'un grand nombre de médecins; enfin, l'excès de sa sensibilité qui ne lui permet pas d'assister aux funérailles.

L'ouvrage commence enfin, et plusieurs personnages sont mis en scène dès les premières pages. Leurs caractères différens sont établis dans un chapitre d'introduction. L'un d'eux est un ancien gentilhomme de la BasseBretagne, nommé Kerkabon; il a parcouru plusieurs pays étrangers; les mœurs, les lois et les coutumes ont été le sujet de ses méditations; frane, loyal, indulgent pour les autres, sévère pour lui-même, il est regardé

comme un sage.

M. Duhamel, ancien avocat au parlement de Grenoble, vient ensuite. C'est un bibliomane déterminé, sa maison toute entière est devenue une vaste bibliothèque. Religieux jusqu'à l'intolérance, d'ailleurs rempli de vertus solides, il a conservé chez lui une suprématie absolue. Savant, il ne s'offense pas que Me Duhamel mêle ensemble Horace et Corneille, les Alde et les Variorum, et soupçonne tous ces gens-là de n'être pas de trop bons chrétiens.

Le troisième personnage de l'association est le major Floranville, neveu de Kerkabon. Aux rhumatismes et à la pituite près, il aurait pu servir de type aux auteurs du ei-devant Jeune homme.

Enfin, le quatrième acteur principal est Nicolas Freeman lui-même. Son ame est simple et naïve, il cache un cœur excellent sous des dehors peu séduisans. Sa figure assez hétéroclite lui procure l'honneur d'être placé dans un tableau de l'Adoration des Mages; on le prend pour modèle du roi arabe; il faut lire dans l'ouvrage même le détail de cette burlesque aventure, dont la suite amène un récit qui jette sur une partie de la composition le plus doux intérêt.

Après l'exposition de ces différens caractères, l'auteur les place dans une situation favorable pour exposer ses principes et ses opinions. Duhamel, entouré de bouquins, fait la revue de toutes ses richesses. On sent ce qu'un pareil sujet pouvait fournir au talent d'observation de M. Jay. En homme judicieux, il s'est contenté de

montrer de l'érudition, du goût; l'écueil de la satire était là; un autre y serait tombé; ce n'est pas un petit mérite que d'avoir su se préserver d'un tel appåt. Floranville noue une intrigue romanesque avec deux aventurières; les querelles des journalistes, les amitiés d'auteurs, la mode nouvelle, l'occupent entièrement. Kerkabon, pendant ce tems, moralise avec tous, et Nicolas Freeman s'évertue sur les questions littéraires les plus délicates. C'est ici que M. Jay montre le talent le plus recommandable; son style s'élève avec le sujet, il arrive au ton noble et sévère d'une discussion grave et méthodique.

M. Jay s'est proposé d'examiner les causes qui s'opposèrent au succès des ouvrages de Milton à l'époque de leur publication. Il n'a voulu, comme il nous l'annonce lui-même, que chercher à démêler les causes qui influent sur la destinée des productions du génie. Cette déclaration franche bannit toute idée de critique de sa part, quoique dans une semblable matière le champ puisse être librement ouvert à la discussion. Beaucoup de nos lecteurs se souviennent, sans doute, que dans l'exorde d'un discours académique, qui a obtenu dans le monde une célébrité clandestine, un écrivain illustré par d'éclatans succès, crut pouvoir établir, comme un principe certain, que la nation anglaise, animée d'un même esprit et mue par un sentiment unanime, voulut punir l'auteur du Paradis Perdu des erreurs de sa vie politique, en condamnant à l'oubli son plus beau titre de gloire. Cette idée porte avec elle un caractère solennel de justice vengeresse qui frappa tous les esprits; presque tous l'adoptèrent sans hésiter, et ce qui n'était peut-être de la part de l'auteur du discours qu'une hypothèse, et qu'un moyen préparatoire, pour arriver à des résultats dont nous puissions faire une application immédiate et facile, devint pour le plus grand nombre des lecteurs une démonstration rigoureuse. Il était digne d'un homme également versé dans la littérature et dans la connaissance de l'histoire, de vérifier l'exactitude d'un fait aussi extraordinaire. Les preuves que M. Jay a rassemblées sont tirées des écrits du tems, des mœurs de

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