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LITTÉRATURE ET BEAUX-ARTS.

LA GAULE POÉTIQUE, ou l'Histoire de France considérée dans ses rapports avec la poésie, l'éloquence et les beaux-arts; par M. DE MARCHANGY. Deux vol. in-8°.

-Prix, 10 fr., et 12 fr. 50 c. franc de port. → Paris, chez Chaumerot, libraire, place Saint-André-desArts, no 11; Chaumerot jeune, libraire, Palais-Royal, galerie de bois, no 188; et Eymery, rue Mazarine, no 3o.

Nous possédons plus de dix mille volumes sur l'histoire de France, et cependant M. Marchangy est par venu à donner sur le même sujet un ouvrage aussi original qu'intéressant; c'est une entreprise ingénieuse et nationale que celle d'avoir voulu prouver que nos chroniques offraient à l'orateur, au poëte, au peintre, les ressources les plus abondantes. On trouve, en effet, dans la Gaule poétique des discours vraiment éloquens, des sujets de tableaux faits pour tenter le pinceau de nos meilleurs artistes, et des esquisses animées de poëmés épiques et de tragédies. Avant de rendre un compte plus détaillé de cet ouvrage, nous croyons devoir citer en entier l'Introduction, qui donnera mieux que nous ne le ferions nous-même une idée précise du plan et de la manière d'écrire de M. Marchangy.

Introduction de la Gaule poétique.

Jusqu'à présent on n'a cru voir dans les chroniques françaises que des événemens obscurs, et des fables grossières peu propres aux conceptions poétiques; mais une étude plus profonde saurait y trouver en grand nombre, des germes précieux, qui n'attendent éclore pour la voque lonté du génie.

Notre histoire, que les Muses ont négligée, aurait pu facilement leur plaire si elles eussent découvert, sous le voile épais que n'ont osé lever de timides annalistes, une

beauté vierge encore et des grâces ignorées. Sous quels traits intéressans, sous quels divers attributs, la poésie et la peinture, dont le privilége est de tout animer, ne pour raient-elles point représenter la France?

Tantôt on la verrait, intrépide amazone, portant la hache du Sicambre, les bracelets du Celte, la lance des Paladins, l'épéron d'or, le faucon, et le cor retentissant des nobles et des châtelains.

Tantôt errante pélerine, revenant des lieux sacrés avec le rosaire des ermites, le bourdon, l'écharpe brodée par les jouvencelles, la harpe du troubadour, et la cithare des romanciers.

Tantôt puissante fée, couronnée de la verveine, dont les prophétesses des Germains et des Gaulois ceignaient leur front; armée de la baguette des Nécromans, de l'anneau merveilleux, de la coupe aux philtres magiques; transportée sur un char aérien, et telle qu'apparurent à nos crédules aïeux les Oberon, les Morgane et les Mélusine.

Mais plus souvent encore on la verrait, auguste divinité,` élevée sur un trône dont les étrangers mêmes ont reconnu la prééminence, et recevant les productions du génie, les vœux, les sermens, les sacrifices d'une foule de héros fiers de répandre leur sang, et de mourir pour elle. A son autel sont suspendus les oriflammes de Clovis, les faisceaux que Charlemagne rapporta du Capitole, les bannières des Louis et des Philippe, le panache blanc de Henri IV, et les épées des Duguesclin, des Nemours, des Bayard, des Condé, des Turenne, des Catinat, des Villars. Parmi ces trophées éclate son vaste bouclier, que parent les armoiries de cent familles illustres, les couleurs, les chiffres et les devises des chevaliers et des bannerets. Autour de ces nobles écussons s'entrelacent les rameaux du chêne qu'adoraient nos Druides; l'olivier que les Phocéens transplantèrent sur nos rivages; le peuplier d'Italie, emblême des colonies romaines dans les Gaules; les palmes de l'Idumée, et les lis couverts d'abeilles sur ces images symboliques la galanterie et les amours effeuillent les roses cueillies dans les voluptueux bosquets d'Anet, de Blois et de Versailles.

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Il n'est pas une époque dans notre histoire qui ne puisse offrir aux beaux-arts des sujets dignes de les inspirer.

Si l'on parcourt rapidement nos fastes, on verra d'abord les Gaulois fonder de grands royaumes dans l'Italie et dans l'Asie, qui à leur tour élèvent parmi nous des cités célè

bres; on verra un nouveau peuple, échappé des forêts du nord, signaler par mille exploits une audace intrépide. Toute la nuit de ces premiers siècles étincelle de faits

éclatans.

Bientôt les murs de Cambrai et de Tours ont vu briller l'aurore de notre monarchie : le ciel confie la garde do Lutèce à une simple bergère, qui détourne avec sa houlette la grande armée d'Attila; Clovis s'élève, et vingt rois disparaissent; la Gaule entière est saluée du beau nom de France; un miracle convertit le monarque idolâtre, et l'Eternel, s'intéressant à nos drapeaux, se montre le Dieu des victoires, comme au tems des Moise et des Josué.

Mais sous le règne des Clotaire et des Chilpéric, la France n'est qu'une plaie, et la muse de Sophocle et d'Euripide oublie les murs de Thèbes et d'Argos, pour rêver sur les bords de la Seine à de tragiques souvenirs. Un pèrea besoin de bouclier devant l'épée de son fils, et le soleil refuse sa lumière à de nouveaux Pélopides; des femmes ardentes à régner se font un sceptre du poignard; le jeune héritier du trône est retrouvé dans les filets du pêcheur, et de nombreux phénomènes ont consterné la terre.

Après cette époque horrible, mais poétique, s'avancent indolemment du trône au cloître, et du cloître au tombeau, ces rois qui n'ont pas régné, ces vains simulacres qu'un maire, proclame avec ironie, et que leurs sujets ignorent.

Lasse d'un tel repos, la France se réveille, et bientôt se couronne des lauriers que lui apportent Charles-Martel, Pépin et Charlemagne; elle entonne l'hymne de Roland et les chants que recueille Eginhard; ivre de sa gloire, elle reçoit les armes brisées des Sarrasins et des Saxons, la couronne de fer que la belle Teudelinde ceignit au roi des Lombards son époux, l'étendard de Rome, le bandeau impérial des Césars, les sceptres de la Germanie, les clefs du sépulcre de Jérusalem, et les hommages d'Alphonse, d'Irène, d'Aaroun et de Nicéphore.

Mais un grand deuil succède à une grande splendeur, et du fond du nord les enfans d'Odin, guidés par leurs Valkiries et leurs Scaldes, apportent sur nos rivages la guerre et l'idolâtrie. Au milieu des discordes et des troubles civils deux aimables princes règnent ensemble comme deux lis sur une même tige; tendres frères qu'un trône même ne put désunir, et que la mort n'a pas séparés.

Cependant la chevalerie a reçu des mains de la beauté le

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hautbert, les panaches flottans, les armes invincibles, et la beauté lui doit à son tour un culte professé par la bravoure et la courtoisie. Que la Grèce ne vante plus ses fabuleux argonautes, et ses Alcide, et ses Thésée; une race de héros efface tous leurs exploits et se consacre à la défense de la faiblesse et du malheur. Des aventures inouies, des faits d'armes prodigieux, des tournois aussi beaux que les jeux d'Olympie; tout ce que la valeur et l'amour peuvent enfanter de plus merveilleux se trouve dans cette partie de notre histoire.

Mais à la voix de l'ermite qui s'échappe, tout inspiré, du désert, nos guerriers marchent à la délivrance du tombeau sacré; les tentes de France s'élèvent près du sycomore et du palmier de la Syrie, et l'histoire s'assied sur les rives saintes du Cédron et du Jourdain. L'Orient brillant et policé, enchante nos héros, qui reviennent dans l'Europe ignorante et ténébreuse avec les flambeaux des sciences et des arts.

De charmans concerts ont ravi l'Occitanie et la Provence. Des générations d'Amphions et d'Orphées se rendent sous les rameaux du mélèze et du térébinthe, où siége la cour souveraine que préside la beauté, et lui font entendre la ballade et les plaidoyers d'amour. Non, jamais la flûte des bergers du Ménale et du Sténiclare ne soupira de plus doux airs que la lyre de ces poëtes amans et guerriers qui, des bords parfumés de la Durance, se répandent de toutes parts et charment le palais des rois et les salles des barons et des châtelains.

La langue française voit les romanciers couvrir de fleurs son berceau; elle en sort avec les grâces de l'enfance; ses paroles simples et naïves donnent un air de candeur à tous, les sentimens qu'elle exprime.

Cependant la France accomplit ses destins, et multiplie les exploits et les actions illustres; mais c'est dans les revers que paraît sur-tout sa grandeur. Qui oserait reprocher à nos pères les journées de la Massoure, de Cressy, de. Pavie? Fatales journées où moins braves, ils eussent été vainqueurs, et où leur courage mérita le triomphe dont les priva leur impétuosité! C'est ici qu'on admire Saint-Louis, captif des Sarrasins, qui respectant ses vertus, brisent ses fers, lui demandent la paix et veulent le proclamer leur souverain. Le roi Jean court prendre la place d'un ôtage infidèle en s'écriant que si la bonne foi était perdue, il fau-, drait la chercher dans le cœur des rois. François 1 rassure

son pays en lui apprenant que tout est perdu, hormis l'honneur.

Il est bien doux, bien consolant de voir la patrie, toujours habile à relever ses ruines, faire éclore de son malheur même un germe de prospérité.

Après les règnes désastreux des successeurs de Philippele-Bel, apparaît, comme l'arc-en-ciel après l'orage, le règne pacifique de Charles V, qui ne trouvait les rois heureux que parce qu'ils peuvent faire le bien.

Après l'envahissement du royaume par les Anglais, alors que toutes nos cités subissaient un joug odieux, une jeune vierge leva contre eux sa lance et les fit disparaître.

A l'ombrageux, au despote Louis XI, qui vivait inaccessible dans le fond de son château de Plessis-lez-Tours, on voit succéder le courtois et l'affable Charles VIII, mê¬' lant des fêtes aux victoires, rapportant des rives de Parthénope soumise des plantes et des fruits inconnus à la France, qui bénit ses fertiles trophées.

Consolant ses sujets des parricides horreurs de la SaintBarthéleini et des égaremens d'une Ligue insensée, arrive) ce Henri IV, qui laissa tant de souvenirs attendrissans à ́ la table du pauvre et à la cabane du charbonnier.

Après les troubles de la Fronde, le deuil et les misères de la cour, on contemple Louis XIV ajoutant à la majesté des rois, et réalisant dans Versailles les fables de l'Olympe, les féeries d'Armide et d'Alcine; magnifique souverain dont Homère et Phidias eussent fait leur graud Jupiter en le voyant entouré de cent génies immortels qu'inspiraient son sourire fécond et ses regards puissans.

Après les années honteuses de la révolution, où la terreur, le carnage, la famine et tous les féaux creusaient l'effrayant tombeau de la France, on voit luire l'aurore qui, dissipant tant de nuages, enfante un astre réparateur; la patrie refleurit à son éclat, et sous les arcs-detriomphe qui consacrent mille victoires, entre dans nos remparts étonnés l'héritage de Rome et d'Athènes.

Ah! gloire et honneur au pays que n'a point abaissé l'infortune, et qui n'a jamais désespéré de son salu! Gloire et honneur au pays de la vaillance, de l'esprit, de la politesse, et des vertus hospitalières au pays qu'out défendu tant de héros, qu'ont embelli de si grands talens! Vous donc, poëtes et artistes citoyens, que l'amour de votre patrie échauffe de son fen sacré, saisissez la lyre, le eiseau, la palette, et daignez me suivre dans les nouveaux

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