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que la tyrannie, vue de plus près, étoit plus odieuse. C'est-là que sa chute pouvoit être accompagnée de plus de désastres. C'est-là, au contraire, qu'elle s'est opérée de la manière la plus douce. Le ciel a permis que celui dont nous avions tout à craindre, fùt alors absent. S'il eût été au milieu de nous, il eût provoqué une résistance insensée, qui auroit appelé sur nous la vengeance, la destruction et le pillage. Il l'avoit annoncé. Son éloignement a permis de suivre les conseils de la prudence. Des vainqueurs généreux ont consenti à une capitulation inespérée. Cent mille hommes se sont arrêtés devant ces foibles remparts qu'ils pouvoient si aisément franchir. Qu'on nous explique comment ce torrent, qui devoit nous engloutir, a respecté une digue impuissante; comment cette masse de guerriers, animés par tant de combats et ulcérés par tant d'injures, s'est calmée tout à coup; comment cette invasion si redoutable s'est changée subitement en un triomphe et en un jour de fête. Paris n'a eu à gémir d'aucun excès, et sa paix n'a point été troublée. Nos conquérans sont entrés parmi nous en amis. On eût dit que c'étoient des frères qui revenoient dans leurs familles après une longue absence. Ils étoient couverts des symboles de la paix, et leurs fronts n'annonçoient que la concorde et la joie. Leurs souverains, à leur tête, leur donnoient l'exemple de la bonté et de la clémence. On les a vus, accessibles et affables, s'en

tretenir avec les moindres habitans, sourire à la foule qui se pressoit autour d'eux, et déployer une familiarité noble, une curiosité à laquelle nous n'étions plus. accoutumés, et un air de satisfaction et d'allégresse qui se communiquoient rapidement. Ils ne sentoient pas, ceux-là, le besoin de se relever en affectant de l'arrogance et de l'orgueil, et on ne pouvoit assez s'étonner de voir l'union, la confiance, la cordialité, la joie, régner dans cette marche qui eût pu être si funeste à la capitale, et être marquée par la terreur, le sang et le pillage. Qui a amené ces souverains des extrémités du monde ? qui leur a prescrit cette honorable alliance et ce concert si noble et si rare? qui leur a inspiré cette clémence magnanime et si peu méritée? qui a éteint subitement la foudre qu'ils portoient? qui leur a dicté ces belles paroles : L'Europe en armes attend votre choix et vos vœux? Voilà ce qui nous sollicite plus puissamment d'adresser les plus vifs remercîmens à l'auteur de tout bien, au souverain maître des cœurs, à celui dont les rois exécutent les décrets éternels, et qui juge les peuples dans sa miséricorde.

Ce bienfait signalé de la Providence n'étoit que le prélude d'un autre bienfait qui doit être vivement senti, et qui le sera universellement. Cette entrée des troupes alliées, et ce triomphe de leurs magnanimes souverains, n'étoit qu'une préparation à une autre entrée et à un autre triomphe. La France, veuve de ses rois,

étoit, depuis plus de vingt ans, livrée à toutes le agitations des partis. Victime tour à tour de l'anarchie et du despotisme, successivement en butte aux fureurs populaires et à la rage des conquêtes, elle avoit vu le plus pur de son sang couler, tantôt sur des échafauds, tantôt dans des combats sans cesse renaissans. Fatiguée de ces secousses, versant des larmes amères sur la perte de ses enfans, elle appeloit de tous ses vœux un gouvernement sage et doux, qui substituât la modération à la force, les lois à l'arbitraire, la justice à la violence, la paix à un état de guerre permanent, qui sentît le besoin du repos, de la stabilité, de l'ordre, et qui fît cesser ces agitations perpétuelles, ces inquiétudes, ces variations, et surtout cette effroyable consommation d'hommes que chaque année voyoit envoyer à la boucherie, et qui portoit le deuil dans les familles, la solitude dans les campagnes, l'épouvante dans toutes les classes. Tous les souvenirs se reportoient sur cette famille ancienne qui avoit donné à la France tant de rois, et à laquelle nous devions saint Louis et Henri IV; sur cette famille que ses malheurs rendoient encore plus intéressante et plus chère, et que le ciel sembloit tenir en réserve pour l'amener à notre secours quand le temps marqué dans ses décrets seroit enfin arrivé. Aussi, à peine un prince de cette maison reparut-il sur le sol françois, que tous les regards se tournèrent vers lui. La marche victo

rieuse des alliés seconda ces dispositions, et à leur suite, nous avons vu entrer dans nos murs un héritier de nos anciens rois. Quel beau jour que celui qui le rendoit à la France et qui nous rendoit à lui! Après vingt-cinq ans d'absence, il rentroit dans cette capitale, théâtre de tant d'événemens, souillée de tant de crimes', rougie de tant de sang. Quelles durent être ses pensées en en revoyant ces lieux d'où il avoit été arraché par nos dissentions, et vers lesquels son cœur et ses regards s'étoient sans cesse reportés dans son exil! Aussi son émotion étoit visible. Ses larmes perçoient à travers les effusions de sa joie, et son cœur étoit partagé entre de tristes souvenirs et de riantes espérances. Pour la capitale, elle étoit livrée à la plus vive allégresse. On ne pouvoit assez se rassasier du plaisir de voir enfin un prince françois avec ses manières affables, sa physionomie ouverte et franche, sa grâce chevaleresque, son air et ses habitudes nationales, si je puis parler ainsi. On s'apercevoit bien qu'il étoit né parmi nous, et qu'il avoit nos mœurs, notre caractère, et comme une ressemblance de famille. Chacun croyoit reconnoître en lui un parent, un ami, et il a dû être content des témoignages de joie et d'enthousiasme qu'il a recueillis partout sur sa route. Son premier soin a été d'aller rendre hommage au Dieu qui frappe et guérit, qui perd et ressuscite; et les amis

religion l'ont vu avec intérêt prosterné aux pieds

!

des autels, remercier avec larmes le souverain arbitre de toutes choses, qui avoit ménagé son retour dans sa patrie. Nous ne pouvons mieux terminer ces réflexions qu'en unissant nos actions de grâces aux siennes, et qu'en bénissant tous la Providence, qui a préparé de si grands changemens, et qui les a exé cutés en peu de jours.

En attendant que nous entrions dans quelques détails sur les affaires d'Italie, et sur la persécution suscitée au Saint-Siége, nous allons donner à nos Abonnés une pièce fort intéressante, et qui mérite de trouver place parmi les monumens de l'Histoire ecclésiastique. Elle est fidèlement transcrite du latin, que nous n'avons pu insérer ici.

A notre vénérable frère le cardinal Jean MAURY, évéque de Montefiascone et de Corneto, à Paris (1). Vénérable frère, salut et bénédiction apostolique. Il y a cinq jours que nous avons reçu la lettre par laquelle vous nous apprenez votre nomination à l'archevêché de Paris, et votre installation dans le gouvernement de ce diocèse. Cette nouvelle a mis le comble à nos autres afflictions, et nous pénètre d'un sentiment de douleur que nous avons peine à contenir, et qu'il est impossible de vous exprimer.

(1) On le trouve, en latin et en françois, chez le même libraire.

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