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cisément quand le peuple s'étoit montré plus froid et plus silencieux. Cette habitude de fausseté avoit été tellement prodiguée, qu'elle étoit devenue notoire, et elle n'a pas peu contribué à discréditer celui qui avoit recours à de si petits moyens.

Cet homme là avoit tout le génie du mal. Avidc et fiscal, il savoit l'art de multiplier les impôts sous toutes les formes. Il faisoit argent de tout. Il lui falloit quinze cents millions par an, et il a dévoré à lui seul plus de trésors qu'il n'en auroit fallu pour rendre dix royaumes florissans. Tout, jusqu'à l'éducation, étoit devenu entre ses mains un objet de monopole. Autrefois on facilitoit l'instruction; lui en tiroit un tribut.. Arrogant et impérieux, tous ceux qui l'approchoient avoient à souffrir de son humeur, de ses caprices, de ses boutades, de ses violences. Il apostrophoit rudement ses meilleurs généraux, et leur adressoit, en public, les reproches les plus durs. La moindre résistance à ses volontés étoit un crime. Combien ont langui des années entières, dans les prisons, pour une lettre, pour un mot, pour un soupçon! Votre nom, votre naissance, votre attachement présumé à la cause de vos rois, il n'en falloit pas davantage pour vous jeter dans les cachots, et vous y restiez oublié. C'est ainsi que des François fidèles et de généreux étrangers se sont vus condamnés à une longue détention. D'autres étoient bannis ou exilés. Un Fran

çois étoit relegué dans un village d'Italie et un italien envoyé dans un hameau de France. Là il n'en étoit plus question, et chaque jour, depuis l'époque de notre délivrance, voit rendre à la société quelqu'une de ces victimes que l'on croyoit perdue sans retour.

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Mais la mesure la plus atroce, le systême le plus meurtrier, c'est la conscription; première iniquité qu'il a fallu soutenir par mille autres, et qui est devenue un code monstrueux. Par cette horrible loi les générations étoient mises en coupe réglée, comme les arbres d'une forêt. Chaque année on abattoit 80,000 hommes. C'étoit-là le taux. Mais dans ces derniers temps ce nombre ne suffisoit plus. On avoit doublé le tarif. Depuis un an surtout des levées extraordinaires s'étoient succédées sans interruption. Plus de 1500 mille hommes avoient été appelés dans cet intervalle. On avoit fini par déclarer que tout le monde étoit soldat et que personne n'étoit exempt. On avoit décrété des levées en masse. C'étoit autant de victimes qu'on envoyoit à la boucherie. C'étoit bien véritablement un boucher qui nous exploitoit ainsi. Comptez, si vous le pouvez, tout ce qu'il a consommé d'hommes depuis dix ans. Voyez ses armées énormes, ses guerres interminables, ses campagnes dévorantes, et ses batailles dont il étoit si fier. C'est depuis lui, en effet, qu'on a le plus vu de ces chocs épouvantables, où des masses immenses se heurtent sur une étendue

de plusieurs lieues. Voilà ce que son ambition a valu à l'Europe. C'est elle qui a forcé les puissances de mettre sur le pied des armées ruineuses. C'est elle qui a versé le sang de plusieurs millions d'hommes. Grâces à ce conquérant farouche, toutes les contrées de l'Europe sont couvertes de nos tombeaux. L'Italie, l'Allemagne, la Pologne, la Russie, l'Espagne ont été teintes du sang de nos frères. Qui a provoqué ces guerres affreuses? qui les a faites avec une barbarie dont les siècles modernes n'offroient plus l'exemple? qui a porté partout la dévastation et le pillage? qui a appelé dans nos cités, si long-temps paisibles, une invasion étrangère, et a provoqué contre nous des ressentimens et des vengeances dont le cri de l'humanité seule a arrêté les effets? C'est lui, c'est cet ambitieux aventurier. Son passage parmi nous n'aura été marqué que par notre sang et par nos larmes. Il aura été comme un de ces fléaux qui laissent long-temps après eux des traces profondes et déplorables, et l'histoire, en racontant tous les maux qu'il a faits, s'étonnera plus d'une fois de sa longue prospérité, et gémira sur les tristes détails dont elle sera forcée de noircir ses pages.

Ce que nous ne devons pas oublier de remarquer en terminant ces réflexions, c'est que cet homme, souillé de tant de crimes, étoit profondément irréligieux. On a dit qu'il étoit athée. Ce qui est certain,

c'est qu'il se jouoit de toutes les croyances. En Egypte, il ne manquoit pas, dans ses proclamations, d'invoquer le prophète Mahomet, et il se vantoit d'avoir détruit le grand muphti des chrétiens. Matérialiste, il ne voyoit dans les hommes que des machines de guerre. Ainsi son irréligion fortifioit son inhumanité; car on ne doit pas être disposé à faire beaucoup de cas de ce qu'on ne regarde que comme de la matière. Toutes les idées se touchent, et un faux systême conduit à des actions atroces. Il est honorable pour la religion d'avoir eu pour ennemi celui qui l'étoit de l'humanité, et pour l'Eglise d'avoir été attaquée par celui qui faisoit la guerre à toutes les idées justes et généreuses. Il ne parloit des prêtres qu'avec mépris, et la moindre plainte contr'eux suffisoit pour motiver les plus grandes rigueurs. Ils étoient exilés, emprisonnés, bannis sur le moindre soupçon d'avoir déplu au despote. Il sapoit la morale, il pervertissoit l'instruction. Comme le vieux de la Montagne, il auroit voulu n'avoir autour de lui que des hommes sans foi, sans règle, qui eussent été ses admirateurs serviles et ses instrumens aveugles.

Nous avons examiné le régime intérieur de l'usurpateur qui vient d'être renversé. Nous parlerons une autre fois de ce qu'il a fait au dehors, et nous nous bornerons, sur cet article, à deux chefs, sa conduite en Espagne, et celle qu'il a tenue contre le chef de

l'Eglise. Il y en aura bien assez pour apprécier la perfidie et la noirceur de l'ennemi commun du genre humain.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

Au palais des Tuileries, le 19 avril 1814.

Nous, CHARLES-PHILIPPE DE FRANCE, fils de France, MONSIEUR, frère du Roi, lieutenant-général du royaume, etc. etc. etc.

Apprenant avec douleur que le chef vénérable de l'Eglise, en même temps qu'il avoit été arraché de sa capitale, avoit été dépouillé de plusieurs insignes et ornemens, et même des sceaux servant à l'exercice du souverain pontificat; que ces objets se trouvent en dépôt à Paris; désirant, par la promptitude d'une trop juste restitution, manifester au saint Père notre zèle, notre dévouement, et prouver à l'Europe et à la chrétienté, combien les excès passés ont été et sont loin de notre pensée et de notre cœur, de la pensée et du cœur des François :

Vu le rapport du commissaire provisoire des départemens de l'intérieur et des cultes,

Le conseil d'Etat provisoire entendu,

Avons arrêté et arrêtons ce qui suit:

Les insignes, ornemens, sceaux et archives, et généralement tous les objets à l'usage de Sa Sainteté pour l'exercice du souverain pontificat, qui se trouvent actuellement à Paris, ou se trouveroient dans d'autres lieux du royaume, seront sur-le-champ mis à la disposition de Sa Sainteté, et elle sera priée d'en agréer la restitution.

Les amis de la religion verront avec intérêt qu'un des premiers actes de MONSIEUR ait été de rendre au souverain

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