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tannique, et sur lesquels il réclama deux cent soixantequatorze mille livres, en assurant qu'elles constituaient sa propriété personnelle. M. de Bouillé les lui laissa sans difficulté1; et, conformément à l'ordonnance des prises, le restant de celles qui appartenaient à l'ennemi fut distribué aux troupes françaises : chaque soldat reçut deux cents livres pour sa part.

(1) Cet acte de généreuse loyauté a servi de prétexte à la malveillance pour accuser le général anglais d'avoir vendu Saint-Eustache à M. de Bouillé, qui, dans ses mémoires inédits, réfute en ces termes une imputation aussi calomnieuse et dénuée d'ailleurs de toute vraisemblance: Je peux assurer sur mon honneur que cela est faux; ⚫ l'idée ne m'est jamais venue de faire une pareille proposition à des ⚫ ennemis que j'estimais. »

CHAPITRE V.

Siége et reddition de la forteresse de Brimstone-Hill dans l'île de Saint-Christophe. Prise de cette colonie et de celles de Névis et de Montserrat. - Préparatifs d'une attaque contre la Jamaïque. Conséquences fâcheuses de la bataille navale du 12 avril. Projet de descente en Angleterre.-M. de Bouillé se rend en France pour proposer son plan à ce sujet. - Motifs qui en empêchent l'exécution. Nouvelles appréhensions pour les îles du Vent.-M. de Bouillé y retourne avec une escadre et des troupes. - Annonce des préliminaires de la paix. M. de Bouillé revient en France; sa réception à la

cour.

1782-1783.

De retour à la Martinique, le 4 décembre 1781, M. de Bouillé y trouva le comte de Grasse, revenu luimême le 26 du mois précédent, avec son armée navale de trente vaisseaux de ligne, quelques frégates et avec deux régiments, Touraine et Agénois, commandés par le marquis de Saint-Simon, maréchal de camp. Impatient d'utiliser cet armement et ces renforts, à la fois par la conquête d'une colonie riche et importante et en détournant l'escadre anglaise de la pensée d'attaquer un convoi considérable attendu de France, Bouillé obtint de l'amiral, dès que l'état de la mer le lui permit, de mettre à la voile pour Saint-Christophe, avec un corps d'armée de six mille combattants.

Quinze cents hommes, pour un tiers soldats d'élite, étaient répartis de manière à débarquer au vent de l'île, du côté de Sandy-Point, tandis que le reste des troupes devait opérer sa descente sur l'une des plages que présente la partie du sud-ouest, vers la Basse-Terre, ville principale, dont la rade excellente se trouvait défendue par trois batteries de vingt à vingt-quatre pièces de canon chacune. M. de Grasse y prit effectivement son mouillage, à très peu de distance de la côte, dans la journée du 11 janvier 1782.

:

Un malentendu empêcha pourtant M. de Bouillé d'exécuter la diversion qu'il avait jugée nécessaire, et qui aurait procuré la capture de plusieurs bâtiments de guerre et de commerce. Voyant ses premières dispositions dérangées, le gouverneur général dut agir sur un nouveau plan. Les batteries de la côte étaient formidables de la position qu'elle avait prise, l'escadre ne pouvait dominer leur feu. Une poignée d'hommes résolus enleva d'abord celle de l'Anse des Salines, la moins bien gardée de toutes. A peine le drapeau de la France y fut-il arboré que la ville offrit de capituler: les troupes anglaises, la plus grande partie des milices et le général Shirley, gouverneur, venaient de se retirer dans la forteresse de Brimstone-Hill. Les habitants obtinrent, pour leurs personnes et leurs biens, des conditions très douces, qui furent fidèlement observées.

Le débarquement général s'effectuait cependant; et, quoique Brimstone-Hill fût éloignée de cinq lieues, M. de Bouillé, aussitôt qu'il eut rassemblé ses troupes, se décida à former l'investissement dans la nuit même. Le succès dépendit principalement de la promptitude

de cette résolution : elle déroba aux ennemis le temps de transporter dans la place une quantité considérable de munitions de guerre et de bouche, abandonnées ainsi au pied du morne, et qui servirent très utilement aux Français pendant le siége.

Forte d'un peu plus de six mille hommes et formée en quatre divisions, aux ordres du marquis de Saint-Simon, maréchal de camp, du marquis du Chilleau, du vicomte de Damas, brigadiers, et du comte Arthur Dillon, colonel, l'armée se mit en marche à neuf heures du soir. M. de Bouillé contourna la montagne en suivant un chemin creux, si rapproché des Anglais qu'on les entendait parler, et que, bien que leur feu ne pût produire d'effet, ils blessèrent quelques hommes en lançant des pierres sur nos colonnes. Cette voie dangereuse exposait sans doute à leurs sorties; mais il n'y en avait pas d'autre à choisir dans un pays tout coupé de ravins tellement profonds qu'on dut ensuite consacrer plusieurs jours à l'ouverture d'une communication. Au lever du soleil, la place était complétement cernée; les batteries de la côte, divers postes avancés nous appartenaient déjà. Dès le 13, on détermina deux points d'attaque.

Considérée jusque-là comme imprenable, la forteresse de Brimstone-Hill, que les Anglais appelaient le Gibraltar des Antilles, est située sur une montagne très escarpée, à courte portée de la mer qu'elle domine de près de six cents pieds. De sa base jusqu'à des hauteurs dont elle est entièrement détachée et qui forment le noyau de l'île, le terrain s'élève par une pente douce, de sorte qu'on ne peut trouver qu'à cinq cents toises

au moins un niveau avec cette éminence. Son sommet présente deux plateaux, qu'entourait un mur flanqué, garni d'une puissante artillerie; et deux chemins de plus en plus roides, fermés par des retranchements, conduisaient à l'extrême crête qui, cent pieds encore au-dessus, se termine en citadelle. Celle-ci était défendue par quatre-vingts bouches à feu et par une garnison de près de deux mille hommes.

L'aspect d'un tel poste avait réellement quelque chose d'effrayant et de propre à produire une première impression de découragement sur l'armée, dont les officiers supérieurs surtout commençaient à taxer d'extravagante témérité la résolution de leur général. Inébranlable néanmoins dans son dessein et dans son espoir, Bouillé établit deux batteries, l'une de neuf mortiers, un obusier, vingt-quatre pièces de vingt-quatre, de dixhuit et de douze; l'autre de onze mortiers, deux obusiers et vingt canons de gros calibre, dont le feu peut atteindre toute la superficie de la montagne; mais il ne veut point ouvrir la tranchée avant que l'artillerie entière soit débarquée, afin de la faire jouer simultanément des deux positions. Le vaisseau le Lion britannique, qui en portait une partie, s'est cependant brisé sur des rochers, et sa perte entraîne du retard, par la nécessité d'y suppléer en faisant venir d'autres pièces de Saint-Eustache et de la Guadeloupe. Les attaques débutent enfin successivement le 19 et le 24. La seconde, en deux jours, détruit de fond en comble la courtine ou le flanc qui lui fait face, et rend la brèche praticable pour l'assaut, que la prudence toutefois ne permet pas de songer alors à livrer. Les bombes ont été

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