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éclairé. J'ai arrangé cette affaire avec le pape, dont je suis très content et qui est de mes amis. Puis, lui montrant par la fenêtre un couvent de capucins, Frédéric ajouta Ceux-ci m'importunent un peu avec leurs cloches; ils m'ont fait offrir de les faire cesser la nuit ; je ne l'ai pas voulu: il faut laisser chacun faire son métier; le leur est de prier, et je leur aurais fait beaucoup de peine de les priver de leur carillon.

Les vingt mille hommes de troupes de diverses armes, réunis près de Breslau, n'obtenaient pas la satis- / faction du roi. Il s'emporta avec violence contre quelques chefs de corps, leur disant : Vous ressemblez plus à des tailleurs qu'à des militaires! Il en destitua plusieurs qui avaient mal exécuté les manœuvres, et alla même jusqu'à envoyer l'un de ses lieutenants généraux en prison pour six semaines.

Dans un but d'étude et de comparaison, M. de Bouillé désirait être spectateur des opérations du camp que l'empereur rassemblait alors à Prague; il en prévint Frédéric, en sollicitant l'autorisation de revenir pour assister aux mouvements militaires qui devaient, un peu plus tard, s'exécuter à Potsdam. Le roi le lui permit, avec beaucoup de bonté, et l'en pressa même très gracieusement. Je ne suis pas content, lui dit-il, des manœuvres que je vous ai fuit voir; j'aurais voulu vous montrer davantage; je suis surtout fâché de ne vous avoir pas fait voir de descente; mais je n'ai ni vaisseau, ni marine, ni ports de mer. Puis, faisant allusion à la couleur du costume de lieutenant général français que portait le marquis de Bouillé, et qui était

la même que celle de l'uniforme prussien: Prenez garde à vous, ajouta malignement Frédéric; dans le pays où vous allez, on n'aime pas les habits bleus, et votre reine a conservé les répugnances de sa famille, car elle ne les aime pas non plus.

CHAPITRE VII.

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Camp de Prague. L'empereur Joseph II. Les maréchaux de Lascy et de Laudon. Manœuvres de Potsdam. —Nouvelles conversations de Frédéric II à Sans-Souci. Retour du marquis de Bouillé à Paris. Communication du prince Henri de Prusse sur l'objet du séjour qu'il y faisait alors. — Arrangement des différends entre l'empereur et la Hollande. — Second voyage de M. de Bouillé à Berlin et Potsdam. — Visite au prince Henri, à Rheinsberg. - Parallèle des deux frères.Entretiens avec M. de Vergennes et avec Louis XVI. — Projet d'opérations de forces combinées françaises et hollandaises dans l'Inde. - Le commandement général est destiné au marquis de Bouillé.

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1784-1785.

A travers de magnifiques contrées, M. de Bouillé arriva, le 5 septembre, à Prague, l'une des plus belles villes de l'Europe. Le camp, de trente mille hommes, commandé par le général comte de Wallis, était établi sur la rive gauche de la Moldau, dans la position qu'occupait l'armée autrichienne, en partie du moins, lors de la fameuse bataille où elle fut complétement défaite par Frédéric (1757). L'empereur y vint le 6, accompagné des deux feld-maréchaux, de Lascy, son favori, son conseiller militaire, et de Laudon, ennemi du premier, idole de l'armée, mais peu aimé du sou

verain, qui pourtant ne pouvait s'empêcher d'admirer ses talents. Ce monarque n'amenait point de cour, à l'instar du roi de Prusse que, par une sorte de manie, il s'appliquait à imiter dans les petites choses.

Le lendemain, M. de Bouillé lui fut présenté à la manœuvre de l'infanterie, n'ayant pu l'être plus tôt, en l'absence de toute étiquette. Joseph II, informé qu'il était à sa suite, ordonna de l'appeler, lui adressa quelques questions empreintes d'une extrême bienveillance, et, peu après, lui fit dire de venir aussi souvent qu'il le voudrait dîner avec lui, en amenant chaque fois deux des officiers français qui se trouvaient à ce camp au nombre d'une vingtaine.

Les premières manœuvres, mal exécutées, mirent M. de Bouillé dans le cas de remarquer une très grande différence entre les troupes autrichiennes, superbes, parfaitement entretenues pourtant, et les soldats prussiens, dont elles ne partageaient que la régulière immobilité sous les armes. Nulle communication d'ailleurs ne tendait à assimiler ces armées l'une à l'autre ; l'accès dans les États des deux souverains était réciproquement interdit à leurs sujets, et une mutuelle inimitié empêchait ceux-ci d'adopter aucun des principes, aucune des méthodes de leurs rivaux.

De tous les généraux autrichiens, également peu empressés à l'égard des Français, le maréchal de Laudon fut celui qui témoigna à M. de Bouillé le plus de prévenance, avec des formes simples, brusques peutêtre même, mais très flatteuses. Quant à l'empereur, il offrait un parfait modèle de politesse et d'affabilité. Après la parade, M. de Bouillé se rendit chez ce mo

narque, qui habitait une maison petite et commode, derrière le camp. Il attendit quelque temps dans une salle où se trouvaient réunis beaucoup d'officiers généraux et supérieurs, et quelques étrangers, la plupart Anglais, parmi lesquels se trouvait le duc d'York, fils du roi Georges III. On se mit à table dès que l'empereur eut paru. Il fit à M. de Bouillé l'honneur de le placer à sa gauche. Le prince d'Angleterre occupait sa droite. Le nombre des convives s'élevait à quarante. Le dîner était servi simplement, comme dans une bonne auberge. On aurait pu se croire à une table d'hôte, dans cette réunion d'hommes de différents pays et d'officiers de tous grades; rien n'y faisait sentir la présence du chef de l'Empire, chacun s'énonçant hautement et librement, sans contrainte et sans gêne.

Pendant le repas, l'empereur s'entretint beaucoup avec M. de Bouillé, particulièrement sur la France qu'il jugeait d'une manière favorable, en se permettant toutefois quelques plaisanteries touchant son gouvernement. Il lui parla aussi de la guerre d'Amérique et un peu des Prussiens, avec éloge et non sans envie, disant le Roi, lorsqu'il mentionnait Frédéric, et s'exprimant en termes d'estime et de vénération à l'égard de ce prince, qui ne lui rendait assurément pas la pareille. Joseph II était fort questionneur et faisait en même temps la demande et la réponse. Il avait d'ailleurs le ton brusque et décidé, ce qui paraissait une suite de son caractère. Au bout d'une heure, il se leva de table et rentra aussitôt dans son cabinet pour travailler. C'était le souverain le plus laborieux de l'Europe; mais il est permis de douter qu'il apportàt

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