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1815.

par la vallée de Montmorency, laissoient par ce mouvement leur flanc gauche à découvert il conçut aussitôt la possibilité de sauver la France, en tombant de tout le poids de l'armée françoise sur le flanc et sur les derrières de l'ennemi. II garantissoit le succès de cette opération, si on vouloit lui en confier l'exécution.

Le gouvernement provisoire, à qui le général Beker vint de sa part communiquer ce plan et faire cette demande, répondit que le sort de la France étoit malheureusement décidé, et qu'il ne devoit plus songer qu'à sauver sa personne.

Il n'y avoit pas de temps à perdre : les Prussiens s'approchoient à grands pas, et il redoutoit par-dessus tout de tomber dans les mains des Prussiens.

Il se décida à partir. Le 29 juin à II heures du soir, il monta dans sa voiture, et courut sans s'arrêter jusqu'à Rochefort, où il arriva le 3 juillet. Il avoit l'intention de se rendre aux États-Unis, et le projet de s'embarquer sur la frégate la Méduse. Mais la vue de trois vaisseaux anglois qui croisoient à l'embouchure de la Charente l'arrêta tout-à-coup. Il ne pouvoit s'arrêter long-temps sans tomber dans les mains des Prussiens qui étoient à sa poursuite, ni s'embarquer sans être pris par les Anglois qui sembloient l'observer. De ces deux contre-temps il choisit

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le dernier, et il alla lui-même se livrer

aux Anglois.

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Il se livre

aux

En arrivant à bord du Bellerophon, il dit au capitaine: «Le sort des armes m'a- Anglois. méne chez mon plus cruel ennemi, mais Je compte sur sa loyauté. »

Le Bellerophon, saisi d'un prisonnier de cette importance, appareilla sur-lechamp de la rade des Basques (1), et arriva dans celle de Torbay (2) le 23 juillet.

L'Angleterre connoissoit déja l'évènement: quel événement! quelle vicissitude de fortune! Pour voir Buonaparte leur prisonnier, tous les Anglois se précipitèrent sur la côte où il devoit aborder. La sagesse du gouvernement prévint les dangers qui pouvoient résulter de cette immense curiosité. Le capitaine du Bellérophon reçut ordre de ne pas communiquer avec la terre.

L'illustre prisonnier écrivit au prince- Il écrit au régent la lettre suivante :

« A bord du Bellerophon, 24 juillet 1815.

« Altesse royale,

« En butte aux factions qui divisent mon pays, et à l'inimitié des plus grandes puissances de l'Europe, j'ai terminé ma carrière politique; et je viens, comme Thémistocle, m'asseoir sur les foyers du (1) Côtes de France. (2) Côtes d'Angleterre.

prince-ré

gent.

1815. peuple britannique. Je me mets sous la protection de ses lois, que je réclame de votre Altesse royale, comme le plus puissant, le plus constant et le plus généreux de mes ennemis. Signé NAPOLEON. »

Protesta

tion de Buonaparte.

Au lieu de réponse à sa lettre, Buonaparte reçut le 31 juillet la notification officielle d'une résolution unanime de tous les souverains de l'Europe de le transférer et de le garder prisonnier à l'île Sainte-Hélène. Dans la violence de son ressentiment, il oublia qu'il étoit prisonnier, qu'il n'étoit plus qu'un simple particulier, et sur-tout qu'en violant toute sa vie le droit des gens, il avoit perdu celui d'en réclamer la protection; il rédigea de premier mouvement la protestation suivante :

« Je proteste solennellement à la face du ciel et des hommes contre la violation de mes droits les plus sacrés, puisque l'on dispose par la force de ma personne et de ma liberté. Je me suis rendu librement à bord du Bellerophon; je ne suis point prisonnier; je suis l'hôte de l'Angleterre, comme Thémistocle celui du grand roi. Une fois placé à bord du Bellerophon, je suis sur le sol de l'Angleterre. Si le gouvernement en me recevant n'a voulu que me tendre un piége, il a forfait à l'honneur et souillé son pavillon.

«J'en appelle donc à l'histoire. Elle

dira qu'un ennemi qui fit vingt ans la guerre au peuple anglois est venu librement dans son malheur chercher un asile dans ses foyers. Quelle preuve plus éclatante auroit-il pu donner de son estime et de sa confiance? Mais comment les Anglois y ont-ils répondu? Ils ont tendu_une main hospitalière à cet ennemi, et lorsque dans sa bonne foi il s'est livré luimême, ils l'ont sacrifié.

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« A bord du Bellerophon en mer, le
4 avril 1815.»

Sa protestation et sa lettre restèrent également sans réponse. La violence de son caractère lui ôta souvent la présence d'esprit nécessaire pour se conduire avec dignité. En se livrant à sa fureur, en se répandant en invectives contre les souverains alliés et contre les ministres anglois, il perdit tous ses droits à l'intérêt qu'inspire communément une grande infortune; et il ne fit point révoquer l'arrêt qui le condamnoit à finir ses jours dans l'île Sainte-Héléne. Il y arriva le 16 octobre, après soixante-six jours de navigation.

1815.

Hélène.

y fut traité avec générosité, mais Son arri gardé avec de grandes précautions. Le vée à Ste.lieu qu'il choisit pour son habitation est entouré de nombreux factionnaires qui

1815.

se relèvent d'heure en heure, et ne lui permettent pas de s'écarter de plus d'un quart de mille.

Aucun bâtiment ne peut aborder dans l'île sans être signalé par les vigies, sans être visité avec la plus scrupuleuse atten

tion.

De telles mesures n'étoient pas prises uniquement contre l'homme qui pendant quatorze ans avoit ébranlé l'Europe jusque dans ses fondements; cet homme étoit abattu; mais il avoit laissé en France des Seïdes, et, dans les deux mondes, des partisans, qui pouvoient un jour avoir. besoin de son nom, qui tenteroient de s'emparer de sa personne, qui voudroient le remettre à la tête des armées, recommencer sa vie, et consommer son ouvrage. C'est ce qu'il falloit empêcher.

«Gens sans patrie, disoit Salluste, en parlant des complices de Catilina, hommes sans mœurs et sans aveu; assassins, parricides, sacriléges, condamnés ou poursuivis par les tribunaux; misérables que l'indigence et l'infamie sollicitent incessamment au bouleversement des lois et de la société. »

Tels étoient la plupart des hommes qui, chassés de France et d'Europe, erroient dans les autres parties du monde, avec de profonds ressentiments dans l'ame, et le projet arrêté de bouleverser

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