Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

lâcheté (1). Il vint à toutes brides à Paris, où, malgré la rapidité de sa course, le bruit de sa défaite l'avoit devancé. S'il espéroit y trouver des vengeurs ou des consolations, il s'abusa. Il n'y entendit que des murmures d'indignation; il n'y vit que des regards ennemis ou indifférents. L'empereur, le héros, le guerrier, tout avoit disparu; il sentit que la couronne alloit lui échapper, et peu de jours après il se vit contraint d'aller la déposer lui-même entre les mains des représentants de la nation.

C'étoit sous cette dénomination, renouvelée du régime de 1793, que délibéroit alors la chambre des députés. Elle tenoit cette dénomination d'elle-même et ses pouvoirs de Buonaparte, qui l'avoit convoquée, et entre les mains de qui ses membres avoient prêté serment de fidélité.

Les royalistes, qui n'ont jamais reconnu Buonaparte depuis son retour de l'île d'Elbe, n'ont pas reconnu davantage la chambre des députés qu'il convoqua; et ceux qui l'ont reconnue, avec l'empereur, auroient dû croire que leurs pouvoirs cessoient avec le sien.

Cette prétendue chambre des représentants, illégale dans son principe, puis

(1) En Egypte, en Espagne, à Moscou, à Leipsick et à Waterloo.

1815.

Cham

re des

députés.

1815. qu'elle tenoit ses pouvoirs d'un homme qui n'en avoit aucun, n'étoit plus, en effet, qu'un étre de raison, après la chute de celui de qui elle tenoit son existence. Cependant, malgré le danger de sa position et la fragilité de son existence, elle offrit à nos regards un phénoméne digne d'observation, celui d'une résistance courageuse au milieu de la nation, qui la désavouoit, et en face des armées de l'Europe, qui l'avoient proscrite avec son chef.

On n'y entendit d'abord que des cris confus, des déclamations oiseuses, des opinions révolutionnaires et des débats scandaleux, qui rappeloient trop évidemment ceux de la fameuse convention.

Avant de se reconnoître et de se grouper en partis distincts, les hommes de tous les partis commencèrent par se jeter dans la mêlée ; ils nous présentèrent alors l'image du chaos, où tous les éléments étoient confondus la fermentation fut promptement développée, et laissa bientôt voir le germe de quatre opinions, dont les défenseurs devoient tantôt s'unir sans s'aimer, et tantôt se combattre sans objet et sans motif.

L'une de ces opinions tendoit à rendre à Buonaparte son pouvoir, son régime et ses constitutions. On voyoit dans ce parti

d'anciens généraux, d'anciens ministres, 1815. et des conseillers d'état.

L'autre n'étoit pas éloignée de reconnoître un chef dans Buonaparte, mais à des conditions qui devoient enchaîner sa volonté et modifier son autorité, lesquelles, faute d'être acceptées, reportoient sa couronne sur la tête de son fils, ou sur celle du prince d'Orange. On retrouvoit dans ce parti des constituants, des feuillants, des girondins, tous les grands acteurs de la révolution, mais qui ne s'étoient souillés d'aucun de ses crimes.

Un troisième parti ne vouloit ni de Buonaparte ni de son fils, ne reconnoissoit ni sa gloire ni ses principes, ne vouloit ni d'empereurs ni de rois; mais, appelant à son secours les Grecs, les Romains et les hommes célèbres de la convention, il vouloit une république; république une et indivisible, comme disoit Robespierre, ou fédérative, comme l'avoient imaginée Vergniaud, Brissot et Condorcet,

Il y avoit un quatrième parti, composé d'honnêtes gens, mais en petit nombre, comme sont les honnêtes gens; foible et timide, comme sont les honnêtes gens; et, comme tous les honnêtes gens, faisant beaucoup de vœux et peu d'efforts pour le retour des Bourbons.

Dans les premières séances de la chambre, les partisans de la première de ces

1815. opinions parurent les maîtres du terrain. Ils furent redevables de ce succès momentané au respect qu'on avoit encore pour leurs noms, pour leurs dignités, et pour la gloire militaire dont quelques uns d'eux étoient les représentants.

Mais, à mesure que l'assemblée prit une assiette plus ferme, les oppositions se manifestèrent avec plus de force, et en même temps avec plus de calme dans les délibérations et plus de dignité dans le langage.

La plupart des orateurs qui assiégèrent la tribune de cette assemblée étoient ou des jeunes gens sans étude de nos lois, sans expérience de la révolution, sans connoissance de la situation morale et politique de la France, mais pleins d'ardeur pour la liberté; ou des vétérans de la révolution, bien pénétrés de ses intérêts et bien décidés à les défendre, et à regarder comme autant d'ennemis les rois et leurs partisans.

Les uns et les autres se méprirent étrangement sur les temps où ils vivoient et sur les hommes avec lesquels ils avoient à traiter. Les uns et les autres répétèrent mal à propos de faux principes de liberté et des maximes inapplicables aux circonstances. Les uns et les autres faillirent à compromettre le salut de la France par les obstacles que, sous prétexte de

l'indépendance nationale, ils mirent im-" prudemment à la rentrée du roi. Telle étoit la situation des esprits dans cette assemblée, lorsque Buonaparte, vaincu à Waterloo, et déserteur de son armée, arriva à Paris.

Il n'y rencontra, avons-nous dit, que des regards ennemis, ou des amis consternés. Il apprit bientôt que l'opinion publique le rejetoit, et que la chambre des députés parloit hautement de prononcer sa déchéance.

En vain son frère Lucien essaya-t-il, dans un long plaidoyer, de prouver que le seul moyen de soustraire la France au danger dont les armées de l'Europe la menaçoient, étoit de se rallier, de se serrer plus que jamais autour de l'homme qui avoit fait trembler l'Europe pendant

quatorze ans.

« Allez dire à votre frère, lui répliqua M. de La Fayette, que la nation n'a plus de confiance en lui; et que nous entreprendrons nous-mêmes de sauver la France, qu'il a livrée au courroux et aux vengeances de l'Europe.

[ocr errors]

Dans cette extrémité, Buonaparte consulta M. Fouché, ministre de la police, l'homme de son conseil qu'il craignoit et qu'il estimoit le plus (1). Que dois-je

(1) M. Fouché, fils d'un armateur de Nantes, étoit oratorien avant la révolution. Nommé député à la

1815.

« ZurückWeiter »