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comestibles, meubles, linge, vêtements, tout disparoissoit à l'instant. Les campagnes, qui, la veille encore, étoient couvertes des plus riches moissons, paroissoient avoir été abymées par un déluge de grêle le lendemain du passage. Les places des feux de bivouacs, éparses au milieu des champs, et les prairies, réduites en litières, ressembloient à des lieux frappés de la foudre. Puisse ce tableau, tracé par un témoin oculaire, dégoûter les peuples des vaines fumées de la gloire militaire!

1815.

Le 16 juin, l'armée françoise, en dé- Bataille bouchant de Fleurus, découvrit l'armée de Ligny. prussienne rangée en bataille sur toute la longueur d'un cotean, au bas duquel se trouvoit un profond ravin. On croit qu'elle déployoit une force de quatre-vingt-dix mille hommes; sa droite étoit appuyée au village de Saint-Amand, son centre à Ligny, sa gauche s'étendoit sur la route de Namur.

-Reconnoître l'ennemi, faire ses dispositions pour l'attaquer et le charger sur toute la ligne, tout cela fut pour Buonaparte l'affaire d'un instant. La charge fut terrible, et la mêlée fut bientôt générale. Il sembloit que des deux côtés les soldats avoient une injure particulière à venger; il sembloit que chacun d'eux retrouvoit un implacable ennemi dans l'inconnu

1815. qu'il avoit devant lui: les François ne vouloient faire aucun quartier ; les Prussiens n'en faisoient pas davantage. Des deux côtés l'acharnement étoit égal, et le massacre horrible (1). Les villages de Saint-Amand et de Ligny furent pris et repris plusieurs fois, et toujours disputés avec la plus sanglante opiniâtreté. Les succès se balancèrent pendant les trois premières heures; dans ce moment le feu des François parut se ralentir, les Prussiens avoient un avantage décidé; le maréchal Ney, qui commandoit l'aile gauche, crut devoir faire dire à Buonaparte qu'il étoit temps de songer à faire retraite; ce n'étoit nullement le projet de celui-ci ; c'étoit au contraire le moment qu'il attendait pour faire avancer sa garde, qui, marchant au pas de charge au milieu d'une grêle de balles et de mitrailles, franchit audacieusement le ravin, rétablit l'équilibre, aborde à la baïonnette les carrés prussiens et les attaque avec une impétuosité qui jeta le désordre dans leurs rangs. Étonnés au dernier point et enfoncés de toutes parts, les Prussiens prirent

(1) Cette haine violente et réciproque date de la campagne d'Jena; et on en concevra les motifs, -si on se rappelle les notes outrageantes que Buonaparte fit publier contre la reine et l'armée de Prusse, et celles que la reine de Prusse fit insérer dans tous les papiers étrangers contre l'empereur et l'armée des François.

la fuite et nous abandonnèrent le champ de bataille couvert de morts et de mourants. Le maréchal Blücher, qui les commandoit, eut un cheval tué sous lui, et ne dut son salut qu'à l'obscurité de la

nuit.

La perte fut considérable de part et d'autre, mais sans aucun de ces résultats qui signalent une grande victoire. «Notre perte, dit le général Gourgaud, fut d'environ huit mille hommes (1). Le brave général Gerard termina glorieusement sa carrière dans cette journée. Les bulletins de l'ennemi ont évalué la sienne à quinze mille hommes. »

Les avantages que Buonaparte recueillit de cette victoire furent d'abord de séparer l'armée prussienne de l'armée angloise, ensuite de rendre à la sienne la confiance qui justifia si souvent sa témérité. Mais son heure dernière étoit sonnée. Ces deux avantages ne purent le sauver.

Tandis que le maréchal Grouchy suivoit et observoit les Prussiens sur la route de Namur, Buonaparte alla reconnoître l'armée angloise, qui lui parut en position sur le terrain dit des Quatre-Bras; et, sans prendre un moment de repos, il résolut de l'attaquer le lendemain à la pointe du jour. Il donnoit ses ordres, toutes ses dispositions étoient faites, quand on vint

(1) Campagne de 1815, par le général Gourgaud.

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lui apprendre que les masses qu'il voyoit sur les plateaux, celles qui défendoient l'entrée de la forêt, celles qui étoient rangées sur la route de Bruxelles, étoient autant de voiles destinés à lui cacher le mouvement rétrograde que le duc de Wellington avoit cru devoir faire, en conséquence de la défaite des Prussiens à Ligny. Il fut doublement fâché, et de son erréur et de son désappointement. Toute la journée du 17 fut employée à débusquer et à poursuivre ces trois divisions d'arrièregarde qui ne se battoient qu'en retraite et pour gagner du temps, et qui ne s'arrêtèrent que le soir, sur le Mont-SaintJean, où Buonaparte se promettoit de les forcer le 18(+).

La nuit fut affreuse. Une pluie continuelle et qui tomboit par torrents fit cruellement souffrir l'armée françoise, que la marche du 17 et la bataille du 16 avoient déja extrêmement fatiguée. Mais Buonaparte avoit le secret de communiquer son infatigable ardeur à ses soldats. Ils supportèrent non seulement avec pa

(1) On a écrit dans le temps que, par ce mouvement rétrograde, le duc de Wellington avoit tendu un piège à Buonaparte, et qu'en se présentant en bataille sur le terrain de Quatre-Bras, son intention étoit de dérober une marche à son ennemi, et de l'attendre au Mont-Saint-Jean, derrière des retranchements que des travaux continués pendant plusieurs jours avoient rendus inexpugnables.

tience, mais avec gaieté, la pluie, la chaleur, les marches, les privations, dans la ferme croyance où ils étoient que la retraite des Anglois étoit une déroute, et dans l'espoir flatteur qu'ils iroient coucher le lendemain à Bruxelles. Des déserteurs, qui n'étoient que des espions, avoient annoncé que l'armée belge, qui faisoit partie de celle des Anglois, n'attendoit que l'engagement pour passer tout entière du côté des François.

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loo.

Le jour, en paroissant, laissa voir les Bataille Anglois dans les mêmes positions qu'ils de Water occupoient la veille. Buonaparte s'en félicita; il avoit craint qu'ils ne lui échappassent pendant la nuit. Il dit au maréchal Ney: Je les tiens; sur dix chances, nous en avons neuf pour nous.

Sans s'inquiéter davantage de leurs forces et de leurs positions, il presse avec son impétuosité ordinaire la marche des colonnes de son armée qui étoient restées en arrière, il les range en bataille à mesure qu'elles arrivent; il donne ses dernières instructions, et va se placer sur un mamelon, d'où sa vue pouvoit embrasser un vaste horizon et le mouvement des deux armées.

La sienne présentoit un effectif de soixante-dix mille combattants partagés en quatre corps d'infanterie, y compris celui de la garde, et en trois corps de ca

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