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la froide inaction de toutes ces puissances, sans en excepter la Russie, au moment de l'invasion de l'Espagne, qui fut une des plus grandes violations du droit public, et le plus grand crime de Napoléon; en voyant enfin les rois d'Espagne, de Portugal, de Naples et de Sardaigne successivement livrés à l'ennemi commun et dépouillés de leurs états; que diront les historiens futurs? Que penseront-ils des cabinets de l'Europe, et de leur fausse politique et des sévères accusations portées par eux contre la nation françoise?

La France fut la première, mais non la seule cause des maux qu'a produits la révolution. Rien ne seroit plus injuste, ni plus impolitique que de l'en rendre seule responsable, et de lui en faire subir toute l'expiation.Lorsque personne n'est exempt de reproches, ou il ne faut blamer personne, ou il faut faire à chacun la part du blâme qui lui revient.

Que les François aient reconnu Napo léon pour leur souverain, c'est un fait incontestable; mais ce n'est pas une faute qu'on doive leur reprocher plus qu'à toutes les nations de l'Europe qui l'ont reconnu, et qu'à tous les souverains qui ont consacré sa dynastie par des alliances de famille ou par des traités de paix, dont le premier résultat fut de réduire les peuples

1814.

1814.

Quelle opinion on doit avoir de

Napoléon.

placés sous sa dépendance à la nécessité d'y rester soumis.

Après avoir prouvé que la nation françoise n'est pas coupable des excès commis par Napoléon, nous sera-t-il permis de jeter un coup d'œil critique sur ce colosse abattu, et de résumer en peu de mots tout ce que nous en avons dit dans le cours de notre ouvrage. Cet homme sorti du néant, comblé de toutes les faveurs de la victoire et de la fortune, dont l'élévation rapide et gigantesque fut un miracle, qui ne pouvoit être effacé que par celui de sa décadence plus rapide encore et presque soudaine, qui, maître d'un empire plus étendu que celui de Charlemagne, et chef d'une armée plus nombreuse que n'en eurent jamais les Romains, n'a su ni conserver ses conquêtes, ni administrer ses états; parcequ'il ne voulut écouter ni les conseils de la modération, ni les leçons de l'expérience; parcequ'il abusa toujours avec insolence de la prospérité; parcequ'il crut tout possible à son audace, tout permis à ses caprices, tout asservi à son orgueil?

Personne ne lui refusera les talents d'un guerrier, le secret de se faire obéir, une volonté forte et persévérante, et sur-tout l'art si facile de diviser pour régner. Mais il nous semble qu'il y a encore loin de ces qualités au génie, à la politique, et à la

gloire, dont ses partisans voudroient lui former une auréole.

Si le génie consiste à faire de grandes choses avec de foibles moyens, n'est-on pas en droit de demander quel fut celui d'un homme qui, pouvant disposer de toutes les richesses de l'Europe et de la moitié de sa population, n'a su, pendant quatorze ans d'un règne absolu, tirer aucun-parti de ces immenses ressources, n'a rien fondé de grand et de durable, et a laissé la France plus foible et plus humiliée qu'elle ne l'étoit lorsqu'il prit les rênes de son gouvernement?

Si la politique consiste à protéger les peuples qu'on est appelé à gouverner, soit par droit de conquête, soit par celui de la naissance, quel nom donnerons-nous à celle de l'homme qui n'a su que sacrifier sans résultat et sans utilité, dans des guerres injustes, la population et les trésors des peuples dont il s'étoit chargé de venger les injures et de protéger les des

tinées?

Si le vrai caractère de la gloire enfin est de laisser des monuments consacrés à l'instruction et à la prospérité des nations, la postérité ne reconnoîtra jamais celle de l'homme qui, comme les Attila, les Gengiskan et les Aureng-Zeb, ne lui apparoîtra qu'entouré de ruines et de cadavres; des cadavres de plusieurs millions.

1814.

1814.

Suites de

lation de Paris.

d'hommes immolés à son ambition, et des ruines des États de l'Europe, dont il a pris, pillé et incendié les capitales.

Il avoit encore soixante-dix mille homla capitu- mes d'excellentes troupes,. deux cents pièces de canon et des sommes immenses à sa disposition, quand il apprit la capitulation de Paris. Avec ces ressources, de l'audace et ses talents militaires, il pouvoit, sinon recouvrer sa couronne, au moins en disputer long-temps la possession à celui qui devoit le remplacer; il pouvoit faire une guerre de partisan aussi funeste aux étrangers qu'à la France.

Ce fut sa première pensée. Aussitôt qu'il fut arrivé à Fontainebleau, il fit appeler tous les officiers de sa garde et leur dit :

« L'ennemi nous a dérobé ses mouvements: il a gagné trois marches sur nous; il s'est approché de Paris et s'en est emparé. Une poignée d'émigrés, à qui j'avois fait grace, et qui tenoient des emplois de ma bonté, ont arboré la cocarde blanche, et se sont jetés dans les bras des Russes. Soldats! vous savez que la cocarde tricolore est la seule que la France ait adoptée. J'avois proposé la paix à des conditions avantageuses aux alliés, et honorables à la France; elle a été constamment refusée. L'ennemi a envahi le territoire de la France, et veut se la partager. Mais la France, qui a été long-temps maîtresse

chez les autres, veut et doit l'être chez elle. Demain je livre bataille à l'ennemi : puis-je compter sur vous?»>

Oui, s'écrièrent tous les officiers. Oui, vous pouvez compter sur nous et sur toute l'armée: VIVE L'EMPEREUR!

Ce cri étoit sincère. Toute la garde lui étoit dévouée; dans leur enthousiasme. militaire, tous ses officiers renouvelèrent le serment de vivre et de mourir avec lui. Mais sur quoi peut-on compter dans les révolutions? La plus petite cause, le moindre incident suffisent pour déconcerter les mesures les plus sages, et changer les opinions les plus décidées. Cette garde si fidéle fut ébranlée tout-à-coup, et tomba dans une morne consternation en apprenant les nouvelles de la déchéance de l'empereur, et de la défection du maréchal Marmont.

Le décret du sénat qui déclaroit la déchéance de l'empereur ne l'inquiéta pas d'abord. Il connoissoit mieux que personne par quels foibles motifs le sénat se laissoit conduire. Mais la défection de Marmont pouvoit être contagieuse et funeste à ses intérêts. Il le sentit : et autant pour en connoître les effets que pour les prévenir, le 3 avril il appela dans son cabinet les maréchaux Ney, Moncey, Oudinot et Lefebvre. Ils parurent devant lui avec un air contraint, qui ne leur étoit

1814.

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