Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

C'est une singulière manière de préconiser le royaume de saint Venceslas que de commencer par attaquer la mémoire de saint Venceslas, sous prétexte que ce prince payait tribut aux Allemands. D'abord, il n'y avait pas alors un empire allemand, mais un Saint-Empire romain, dont la tête et le cœur étaient à Rome où le pape couronnait l'Empereur, non pas pour administrer l'Allemagne, qu'il n'administrait pas, mais pour être le chef du peuple chrétien. La papauté et l'empire formaient la plus admirable unité et la plus respectée de tout le monde chrétien. Le devoir de tout chef chrétien et la condition même de son existence étaient de se rattacher au double centre de la chrétienté. Plus tard, l'empire est devenu une chose allemande, mais alors la papauté a rompu avec l'empire. Il serait plus que téméraire de prétendre que l'assassin de saint Venceslas se soit soustrait à une suzeraineté qui était la sauvegarde universelle. La cause du meurtre de Venceslas est la fureur payenne de sa mère, l'odieuse Dragomira et de son frère Boleslas. Aussi la mort du saint fut-elle suivie d'une violente réaction contre le christianisme. Il n'y eut un évêque à Prague qu'en 973. Encore le christianisme n'y fut-il sérieusement appliqué qu'après l'épiscopat de saint Voitieh (que les Allemands appellent Adalbert).

[blocks in formation]

jusqu'au moment où l'explosion du Hussitisme vint isoler la Bohême du reste de la chrétienté et surtout du monde slave. L'engouement pour les rêvasseries de Jean Huss est le péché d'esprit des Tchèkes. M. Badaire ne l'a pas compris. Je lui reprocherai également, dans un écrit de ce genre, de n'avoir pas trouvé un mot à dire du patriote Louis Rieger, qui joue un si grand rôle à Vienne et qui a toujours les yeux tournés vers la France.

Sous ces réserves, je m'associe cordialement à l'appel que nous adresse M.Badaire. Je répète aujourd'hui ce que j'écrivais en 1876 : « Si la Bohême n'existait pas, il faudrait l'inventer. >>

ADOLPHE D'AVRIL.

L'Allemagne d'aujourd'hui, par ALEXANDRE PËY. Paris, Hachette, 1883, in-12 de 283 p.

Ce livre est composé d'articles pu bliés dans diverses revues périodiques, mais leur réunion offre une réelle homogénéité; ce ne sont pas des questions littéraires que traite M. Alexandre Pëy, ce sont des questions sociales et politiques. M.Bossert, dans la préface d'un livre récent, a montré une certaine tendance à exagérer la supériorité de l'Allemagne. M. Pëy, tout en rendant justice à l'œuvre de son prédécesseur, se révolte contre cette prépondérance que nous reconnaissons trop aisé. ment à l'Allemagne, contre une générosité chevaleresque qu'on lui attribue et dont nous donnons plutôt la preuve par la facilité de nos ou blis. Il n'était pas sans utilité de nous rappeler ce qui s'est passé et dont nous ne nous souvenons plus assez. Rien de chevaleresque, à coup sûr,

[blocks in formation]

Bien curieux tout ce chapitre sur M. de Bismarck en France, bien douloureux aussi, car on y voit qu'il n'eût pas été impossible de sauver Metz d'une annexion dont la différence d'idiome et de moeurs aurait dù la préserver.

En pénétrant dans l'intérieur de l'Allemagne, en interrogeant des documents de bien des sortes, M.Pëy est loin de croire à la durée de l'œuvre du chancelier. Le socialisme travaille toute cette société et y prépare des catastrophes que prévoyait déjà Henri Heine, quand il parlait « d'une révolution sociale auprès de laquelle la sanglante tragédie de 1793 ne sera qu'une innocente idylle. » Ce socialisme germanique, M. Pëy l'étudie à la fin de son volume dans un roman, Catherine la Brune, qu'il analyse, et dont des extraits nous font connaître les plus émouvantes péripéties. Et ce roman est l'œuvre d'une femme appartenant par sa naissance à l'aristocratie. Le pseudonyme d'Ernest Waldow cache le nom de la baronne Lodojska von Blum!

Le volume de M. Pëy offre un constant intérêt. Les sujets traités sont souvent très sérieux, mais ils sont présentés avec une habileté qui s'empare entièrement de l'attention du lecteur. J. DE V.

Les chevaux dans les temps préhistoriques et historiques, par M. C. A. PIÈTREMENT. Paris, Germer Baillière, 1883, in-8° de 773 p.

Bon nombre d'ouvrages ont déjà paru,s'occupant de l'étude de l'homme préhistorique, mais les livres consacrés, pour ainsi dire, soit à l'histoire, soit à la préhistoire des espèces animales sont encore assez rares. A ce titre nous devons signaler l'intéressant travail de M. Piètrement. On peut dire qu'il a fouillé son sujet et l'a étudié sous toutes ses faces. Il nous transporte successivement des grottes où gitaient nos ancêtres de l'époque quaternaire, sous la tente de l'Arabe, du Mongol, nous fait visiter successivement la Perse, l'Inde, l'Égypte. Enfin, l'Amérique ellemême n'échappe pas à ses investigations.

Nous pouvons, en deux mots, résumer la théorie de l'auteur. Encore sauvage et chassé comme gibier à l'époque de la pierre taillée, le cheval fut sans doute domestiqué d'abord par les peuplades mongoles, vivant à l'Est de l'Alaton. A la variété appelée Mongolique par notre auteur, et reconnaissable à son front busqué, ainsi qu'à la longueur de ses membres appartient le cheval de l'antique Égypte, ancêtre du Dongolawi actuel. Un peu plus tard, les Aryas auraient asservi une autre race chevaline à front plat, à yeux gros et saillants et qui fut la souche du cheval grec ou plutôt thessalien et du pur sang arabe. C'est elle que nous trouvons figurée par les monuments de la Chaldée et de l'Assyrie. Quant au cheval barbe et au pur sang anglais, ils résultent d'un croisement en proportions inégales des deux races mentionnées plus haut. Enfin, dans nos chevaux ar

dennais et percherons, il conviendrait de voir la postérité encore parfaitement reconnaissable de la variété que chassaient les sauvages de Solutré à la fin de l'époque quaternaire.

Dans son ensemble, la thèse soutenue par M. Piètrement ne nous parait offrir rien que de fort plausible, et les arguments par lui mis en avant démontrent un homme à la fois versé dans l'histoire naturelle des équidés et l'étude des littératures orientales. Ce qu'il dit de la rareté du cheval chez les Hébreux, dont Moïse redoutait l'introduction chez son peuple, avant l'époque des rois; de l'emploi restreint de cet animal en Arabie, lors de la naissance de Mahomet, nous semble d'une logique irréprochable. En revanche, nous aurions bien des réserves à faire sur plusieurs points traités par notre auteur. Les inductions relatives à la patrie des premiers Aryas tirées de l'Avesta ne sont-elles pas plus que hardies? N'oublions pas que les ouvrages sacrés de la Perse, au moins sous leur rédaction définitive, sont d'une époque relativement bien récente et, certainement postérieure au ir siècle de notre ère. Que dirait-on d'un homme qui prétendrait retrouver des souvenirs authentiques de l'époque de la pierre polie dans les œuvres d'Origène ou de Tertullien?

La géographie, en partie, certainement fantastique de l'Avesta fut sans doute inspirée bien plus par le souvenir d'une réforme religieuse de date moderne que par celui des premières migrations de la race aryenne. N'oublions pas, non plus, que les livres sacrés de la Perse sont spé

ciaux au rameau Iranien de notre ace. En admettant, contre toute vraisemblance, leur haute antiquité,

ils ne nous feraient connaître que le berceau du groupe iranien, non celui de la famille indo-européenne tout entière.

M. Piètrement semble aussi résoudre bien cavalièrement la question si controversée de l'influence exercée par les traditions diluviennes de la Bible sur les récits concernant le déluge de neige de Yima. Il la nie carrément M. Kossowicz a, cependant, démontré l'identité des dimensions de l'arche de Noë et du pare construit par le demi-dieu iranien pour sauver les hommes et les animaux du cataclysme. Il y a là, évidemment, plus qu'une coïncidence fortuite. Pour nous, la légende de Yima ou Djemschid, du moins à partir d'une certaine époque, dut faire de nombreux emprunts à l'histoire du déluge et à celle de Noë.Pour s'en convaincre, il suffira de rapprocher les traditions persanes concernant Yima avec celles des anciens Mexicains relatives à Quetzalcoatl, ou plutôt aux Quetzalcoas. Un examen même superficiel démontrera l'identité primordiale des deux légendes, sans qu'on puisse très bien s'expliquer comment le récit persan a passé sur les rives de la mer des Antilles. Toutefois, il y a ceci de remarquable que la légende amé ricaine ayant été moins remaniée que celle des Parsis et de Firdouci, a conservé, si nous osons nous exprimer ainsi, une physionomie plus biblique. Elle établit, pour ainsi dire, la transition entre le récit de la Genèse et celui de l'Avesta. Ainsi Djemschid, tout comme Noë et Toplitzin-Quetzalcoatl, sont victimes de leur intempérance. Seulement le crime du monarque iranien, c'est d'avoir fait usage d'une nourriture animale, tandis que les deux autres per

sonnages se rendent coupables d'un acte d'ivrognerie. De même, l'histoire de Cuéxtecatl, chassé honteusement de la salle du festin, rappelle bien plus celle de Cham que le passage de Firdouci, relatif à l'origine de la nation kurde. Toutes les trois, cependant, semblent dériver d'une Source commune. Mais l'examen de cette question nous entraînerait trop loin.

La théorie de la substitution des Sémites en Chaldée à une population plus ancienne et d'origine mongolique, donne lieu, également, à bien des objections. D'abord, l'existence, dans la vallée de l'Euphrate, d'une langue Akkadienne que l'on préten dait rattacher au groupe OugroFinnois, commence à être, aujourd'hui, révoquée en doute. L'identité presqu'absolue de la structure de la phrase dans les inscriptions dites Akkadiennes et en Assyrien indique que ce qu'on a pris pour une langue constitue simplement un système d'écriture. D'ailleurs, à mesure que les études cunéiformes ont fait des progrès, les ressemblances que l'on avait cru découvrir entre la langue d'Akkad et le Wogoule ou l'Ostyak se sont en allées, pour ainsi dire, en fumee.

Nous croyons que M. Piètrement rajeunit trop le vénérable patriarche Job. S'il était aussi moderne que le prétend notre auteur, on ne s'expliquerait guère qu'il n'ait pas mieux connu le cheval. On ne s'expliquerait pas mieux les allusions constantes et presqu'exclusives aux mœurs, coutumes, traditions de l'Egypte, que nous rencontrons dans son livre. Quoique faisant ouvertement profession de libre-pensée, l'auteur veut bien ne pas contester l'existence de Moïse, ainsi que l'ont fait d'autres

écrivains. Il accorde même à ses livres une sorte de demi-authenticité. Le législateur hébreu est redevable de cette faveur aux renseignements par lui fournis sur la question chevaline.M. Piètrement se rattrape, il est vrai, sur la législation du Deutéronome, et s'indigne de l'énormité des taxes levées par la tribu de Lévi. Elles pouvaient monter à un sixième environ du revenu, et les Lévites, ne n'oublions pas, constituaient le seul corps politique existant en Israël, avant l'établissement de la Royauté. Combien d'autres peuples payent à peu près autant à des gouvernements qui, ni par leurs origines, ni par leurs tendances, n'offrent assurément rien de divin?

Disons, pour nous résumer, que l'ouvrage de notre auteur est d'une lecture attrayante, que M. Piètrement y fait preuve d'une érudition aussi solide que variée. Par exemple, il nous semble souvent fort téméraire, et bon nombre de ses allégations demanderaient à être sévèrement contrôlées.

Cle DE CHARENCEY.

L'Amérique préhistorique, par le marquis de Nadaillac. Paris. G. Masson 1883, in-8° de 588 pages, avec 219 planches.

Les publications de M. de Nadaillac sur les temps préhistoriques sont sans doute déjà bien connues du lecteur. L'ouvrage qu'il fait paraître aujourd'hui nous semble peut-être, plus encore que le précédent, de nature à exciter la curiosité; il s'agit, en effet, de régions sur lesquelles les travaux d'ensemble font jusqu'à présent presque entièrement défaut.

M de Nadaillac aura donc eu le

mérite de tracer une voie que d'autres suivront bientôt, nous osons l'espérer.

Dans l'ancien monde, du moins en Europe et en Asie, les temps préhistoriques prennent fin bien avant le commencement de notre ère ; il n'en est pas de même pour l'Amérique, et l'auteur s'est trouvé en droit de les prolonger jusqu'au moment de la découverte. Si, en effet, en ce qui concerne les régions de la nouvelle Espagne, nous rencontrons un système assez coordonné de chronologie et des annales suivies pour les trois ou quatre siècles qui précèdent l'arrivée de Cortès,il n'en est plus du tout de même lorsque nous parcourons la plupart des autres régions du nouveau continent; cependant, il faut bien le reconnaître, l'homme américain ne le cède guère en antiquité à celui de notre Europe; comme ce dernier, il a vécu en compagnie d'espèces animales disparues, et, sans doute, dans des conditions climatériques autres que celles d'aujourd'hui.

L'on est d'accord pour admettre, tout au moins, la contemporanéité de notre aïeul de l'âge du renne avec les premiers occupants du sol du nouveau monde. En tout cas M. de Nadaillac fait bonne justice de ces fantaisistes qui voulaient faire remonter à l'époque tertiaire le vieux propriétaire du crâne trouvé à Cala

veras.

Il est difficile de déterminer, même d'une manière approximative, à quelle époque ce particulier à dù vivre.

A coup sûr, les traces de substances animales que l'analyse chimique a signalées dans ses ossements, ne permettent guère de lui attribuer un âge si reculé.

Nous passerons rapidement sur

ce que nous dit l'auteur des Mound Builders ou constructeurs de Môles, ces mystérieux et anciens possesseurs de la vallée du Mississipi. Ils ont disparu sans laisser de souvenir dans l'histoire, et les seules traces qui se soient conservées de leur existence, consistent dans leurs gigan tesques constructions en terre, accompagnées d'armes, de poteries et d'ustensiles de toute sorte.

Ils nous paraissent avoir poussé l'art céramique plus loin qu'aucune autre race de l'Amérique, les Péruviens, peut-être, exceptés. Encore les ornements des vases trouvés dans les monticules de l'Ohio et du Wisconsin se distinguent-ils, si nous osons employer cette expression, par un caractère de crânerie fort original.

Les quelques pages consacrées à l'étude des fourneaux de pipes, qui jouent un si grand rôle dans l'archéologie américaine, nous ont semblé particulièrement curieuses; elles nous montrent combien est ancienne l'habitude de fumer chez les peuples du nouveau monde. Ces fourneaux étaient fabriqués au moyen des substances les plus diverses, et on leur donnait des formes extrêmement variées. Faisons observer toutefois que la pipe représentant soi-disant un éléphant pourrait bien n'être qu'une image de Tapir. Ç'a été une rage, depuis quelques années, de vouloir à toute force retrouver l'éléphant en Amérique, où certainement il n'a pas été connu depuis les temps moder

nes.

Nous passerons rapidement, malgré l'intérêt qu'il offre, sur le chapitre consacré aux Cliff-Dwellers, ces indiens demi-civilisés du nouveau Mexique et de l'Arizona qui vivent en des sortes de phalanstères, situés

« ZurückWeiter »