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EV

SAINT ABERCIUS

¡E D'HIEROPOLIS EN PHRYGIE.

I

L'EPITAPHE D'ABERCIUS.

Les églises de rit grec font actuellement, le 22 octobre, la fête d'un saint Abercius, évêque d'Hierapolis en Phrygie. Ce saint, inconnu aux anciens martyrologes latins du vie et du IX° siècle, n'est pas mentionné non plus dans le martyrologe hiéronymien, assez complet pourtant sur les fastes ecclésiastiques d'Asie Mineure. C'est dans les ménologes et synaxaires grecs du xe siècle qu'il figure pour la première fois. Mais s'il apparaît assez tard dans les calendriers, il y est en revanche traité avec les plus grands honneurs. On lui donne le titre d'égal aux apòtres, isznóstolos, comme au grand empereur Constantin 1. Ce titre est expliqué dans une légende fort brillante, où l'on raconte comment, après avoir étonné par son courage et converti par ses prédications la ville d'Hierapolis en Phrygie, il conquit un grand renom de thaumaturge, si bien que Lucille, fille de Marc-Aurèle, se trouvant possédée du démon, l'empereur le fit venir à Rome pour la guérir. Arrivé à la cour, le saint évêque opéra le miracle qu'on lui demandait; puis, pour punir le démon de l'avoir dérangé, il lui fit transporter auprès d'Hierapolis un énorme autel de pierre qui s'élevait jusqu'alors dans l'hippodrome de la capitale. Au lieu de s'en retourner chez lui directement, il passa par la Syrie et la Mésopotamie, où on lui donna le titre d'isznócrolog. Revenu enfin à Hierapolis, il ne tarda pas à mourir.

Sur la tradition des martyrologes et des ménologes, on peut consulter les Acta SS., t. IX d'octobre, p. 489 et suiv.

Il avait eu soin de se préparer d'avance un tombeau sur lequel il fit disposer l'autel de pierre miraculeusement apporté de Rome. Il y fit même graver une longue inscription en vers, où il racontait ses voyages dans un style imagé et symbolique et menaçait de fortes amendes les violateurs de sa sépulture.

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Publiée d'abord dans une traduction latine, par Lipomannus et par Surius, cette vie a été souvent citée; mais peu de personnes y ont ajouté foi. Tout n'y est pas du meilleur aloi, dit timidement Baronius. — C'est un tissu d'absurdités, reprend Tillemont d'un ton grondeur. Et pourtant c'est Tillemont qui donna à Boissonade l'idée de publier le texte grec original. Tout en malmenant la pièce, il la qualifiait de célèbre. Boissonade remarqua cette expression et crut bien faire en insérant la vie de saint Abercius dans le tome V de ses Anecdota 2. On la trouve dans tous les passionnaires grecs du mois d'octobre. Je ne sais pourquoi le choix de l'éditeur tomba sur un assez mauvais manuscrit, le n° 110 du fonds Coislin. Un coup d'œil rapide sur les passionnaires de la Bibliothèque nationale lui eût permis de trouver mieux; si surtout il avait eu l'idée de les collationner exactement et d'établir son texte sur l'ensemble de leurs leçons, il eût rendu un grand service à la science hagiographique. Mais il est à croire que l'idée ne lui en vint même pas. Les nouveaux Bollandistes, dans le tome IX d'octobre 3, publié en 1858, et l'abbé Migne, dans son édition de Métaphraste (Patrol. graec., t. CXV), donnèrent la vie d'Abercius en grec d'après un seul et même manuscrit, le Parisinus 1484.

Dans l'intervalle entre la publication de Boissonade et les deux autres, cn 1855, dom Pitra, depuis cardinal, étudia avec attention, non la légende elle-même, mais l'inscription par laquelle elle se termine. Il y reconnut un document de bon aloi et du plus haut intérêt au point de vue du symbolisme chrétien des premiers siècles. Comme cette inscription est indépendante du récit où elle se trouve enchâssée et nécessairement antérieure à lui, on pouvait l'aborder isolément, en abandonnant le reste

1 Baronius, Ann. ad ann. 163, 11-15. — Tillemont, Hist. eccl. t. II, p. 621. 2 P. 462-488 (Paris, 1833). Halloix, dans ses Illustrium ecclesiæ orientalis scriptorum vitæ et documenta (Douai, 1636), s'était déjà servi des manuscrits grecs, mais sans en publier le texte. Il est juste de remarquer que Tillemont ne connaissait cette pièce que par des versions latines.

3 P. 493 et suiv.

aux discussions des critiques. Le savant bénédictin publia donc, dans son Spicilegium Solesmense, le texte de l'épitaphe d'Abercius, d'après les manuscrits de sa vie conservés à la Bibliothèque nationale. Ces manuscrits appartiennent à des recensions fort diverses. Comme la plupart des vies de saints, celle de saint Abercius a été souvent remaniée, développée, abrégée, par Métaphraste et par bien d'autres. Au milieu de ces bouleversements, le texte de l'inscription, si fidèlement qu'il eût été transcrit par le premier auteur, ne pouvait manquer de se trouver quelque peu endommagé. Aussi dom Pitra se vit-il obligé de lui donner une forme avant de le présenter au public. Il fit appel au solertissimus Dübnerus, et, en combinant leurs conjectures, ils réussirent à obtenir-vingt-deux vers qui, de loin, ont l'air d'être des hexamètres. Ce n'était assurément pas la faute des éditeurs si le poème bravait encore plus d'une règle de métrique. Quand on songe à ce que les manuscrits leur ont fourni de vers trop longs ou trop courts, de mots intercalés, changés de place, égarés même, on peut s'étonner qu'ils aient réussi, avec ce texte, à remettre l'épitaphe sur ses pieds. Il n'y a qu'un reproche à leur faire, c'est d'avoir trop soigné sa toilette. Les vers d'épitaphes, nous en faisons souvent l'expérience, ne sont pas toujours des meilleurs; la prose elle-même, en ce genre de littérature, veut être déchiffrée avec indulgence. Il faut s'inquiéter du fond beaucoup plus que de la forme. Ici, le fond est exquis. Dans une suite de phrases poétiques et symboliques s'expriment les pensées les plus élevées, les préoccupations les plus intimes d'un fidèle de l'àge antique; puis vient un récit en langue mystérieuse, d'un voyageur qui a fait, comme Hégésippe, son tour de chrétienté, et comparé les traditions des différentes églises. La célèbre épitaphe de Pectorius d'Autun, retrouvée sur le marbre et celle d'Abercius, restituée d'après les manuscrits, sont au nombre des documents essentiels, des clefs du symbolisme chrétien, dans l'art, dans la poésie, dans l'éloquence. Je vais reproduire ici l'inscription d'Abercius, telle que la donnent les manuscrits, en tenant compte soit en note, soit dans le texte lui-même, des conjectures de dom Pitra et d'un document nouvellement découvert dont il sera question tout à l'heure.

1 Spic. Solesm., t. III, p. 533. Il se plaint de n'avoir pu retrouver le manuscrit de Boissonade. Les Bollandistes furent plus heureux (Acta SS. oct., t. IX, p. 485); c'est à eux que je dois l'indication que j'en ai donnée ci-dessus.

Εκλεκτῆς πόλεως πολίτης τοῦτ' ἐποίησα
Ζῶν, ἵν' ἔχω καιρῷ σώματος ἐνθάδε θέσιν.
Οὔνομα 'Αβέρκιος ὁ ὢν μαθητὴς ποιμένος ἁγνοῦ
Ὃς βόσκει προβάτων ἀγέλας ὄρεσι πεδίοις τε,
5 Οφθαλμοὺς ὃς ἔχει μεγάλους πάντη καθορόωντας·
Οὗτος γὰρ μ' ἐδίδαξεν... γράμματα πιστά.

Εἰς Ῥώμην ὃς ἔπεμψέ με (την) βασιλείαν ἀθρῆσαι,
Καὶ βασίλισσαν ἰδεῖν χρυσόστολον, χρυσοπέδιλον.
Λαὸν δ ̓ εἶδον ἐκεῖ λαμπράν σφραγίδα ἔχοντα.
10 Καὶ Συρίης πέδον εἶδον... καὶ ἄστεα πάντα,
Νίσιβιν, Εὐφράτην διαβάς.

πιστὶς δὲ προήγε,

Καὶ παρέθηκε τροφὴν πάντη, ἰχθὺν ἀπὸ πηγῆς
Παμμεγέθη, καθαρὸν, ὃν ἐδράξατο παρθένος ἁγνὴ,
15 Καὶ τοῦτον ἐπέδωκε φίλοις ἔσθειν διὰ παντὸς,

Οἶνον χρηστὸν ἔχουσα, κέρασμα διδοῦσα μετ' ἄρτου.
Ταῦτα παρεστὼς εἶπον ̓Αβέρκιος ὧδε γραφῆναι
Εβδομηκοστὸν ἔτος καὶ δεύτερον ἦγον ἀληθῶς.
Ταῦθ' ὁ νοῶν εὔξαιθ ̓ ὑπὲρ Αβερκίου πᾶς ὁ συνῳδός.
20 Οι μέντοι τύμβῳ τις ἐμῷ ἕτερόν τινα θήσει

Εἰ δ' οὖν, Ῥωμαίων ταμείῳ θήσει δισχίλια χρυσά,
Καὶ χρηστῇ πατρίδι Ιεροπόλει χίλια χρυσά.

Notes critiques. Je n'indique ici que les variantes qui intéressent le sens et le mètre, car je ne prétends point faire une édition critique, mais seulement une reproduction approximative, pour les besoins de cette discussion historique. Pour les trois premiers et les trois derniers vers, on trouvera plus loin les explications nécessaires. V. 5, καθαρεύοντας οι καθορεύοντας codd.; — v. 6, dom Pitra supplée τὰ ζωῆς; v. 7, τήν est un supplément du même auteur ; var. πέδων; quelques mss. intercalent χώρας avant εἶδον, d'autres répètent εἶδον. v. 11, 12: ici le texte est en trop mauvais état · pour que l'on puisse rétablir le vers avec certitude. Les manuscrits donnent πάντη (ου πάντας) δ' ἔσχον συνομηγύρους παῦλον (ου παῦλον δι) ἔσωθεν, πίστις δὲ προῆγε (var. πίστις παντὶ δὲ προγε). Voici la restitution de Pitra-Dübner :

v. 10,

Νίσιβιν, Εὐφράτην διαβάς· πάντας δὲ ἕωθεν
Ἔσχον (ἐμοὶ) συνομηγυρέας. Πιστὶς δὲ προῆγε

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