Abbildungen der Seite
PDF
EPUB
[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small]

Le pape Sixte Quint n'avait jamais complètement approuvé les entreprises des catholiques, ligués en France pour défendre la religion mise en péril par la politique d'Henri III. La pensée lui paraissait louable, mais les moyens employés pour la réaliser lui semblaient moins justes. Même après la mort des Guise, le Pape, tout en condamnant le Roi, n'avait point voulu céder aux sollicitations des catholiques: il n'avait point uni ses troupes aux leurs; après la mort d'Henri III, il avait recommandé l'union. pour nommer un Roi catholique, mais il avait fourni très peu d'argent et n'avait pas donné un soldat.

Le pape Grégoire XIV, élu le 5 décembre 1590, s'empressa au contraire de donner de l'argent et des troupes aux Ligueurs, à la grande joie de « ceux qu'on nomme vulgairement les Seize : » ainsi s'appelaient eux-mêmes, dans une lettre de remerciment adressée au Souverain Pontife, les chefs de la municipalité de Paris. Ils réclamaient en même temps la protection du Pape, comme gens qui «sur tous étaient en horreur à l'ennemi et le but auquel fort souvent les faibles catholiques lancent les traits de leur impatience 1. » Ces mots indiquent à eux seuls la position prise par ces champions du catholicisme, aussi ardents contre « l'ennemi » (le roi de Navarre) que contre le « faible catholique >> (François de Harlay ou même le duc de Mayenne).

L'armée pontificale arrivait seulement en France, lorsque Archives du Vatican, Francia, t. XXXV, p. 73.

Grégoire XIV vint à mourir. Innocent IX, son successeur, continua le secours accordé, mais il ne fit que passer sur le trône pontifical. Un de ses actes avait été de donner le chapeau de cardinal à monseigneur Sega, évêque de Plaisance, légat du Saint Siège en France (18 décembre 1591)', et le secrétaire d'État, l'évêque de Bertinoro, avait été chargé, le 26 décembre, de demander un rapport au commissaire général près l'armée pontificale, monseigneur Matteucci. Matteucci devait exposer, non seulement le côté apparent des choses, mais révéler les plus secrètes menées ; il devait indiquer l'état présent des affaires et conjecturer quel pouvait être l'avenir. Monseigneur Matteucci obéit; toutefois il pria le secrétaire d'État de ne communiquer ses appréciations qu'au seul Souverain Pontife. « Si d'autres connaissaient le contenu de cette lettre, disait-il, il pourrait m'arriver malheur. En effet, lorsque l'on traite, ou que l'on raisonne, avec les ministres d'Espagne ou avec les Ligueurs, si on ne dit et si on ne répond à leur gré, si on ne condescend à leurs volontés et embrasse leurs passions, aussitôt par cela même on est traité d'espion, de Navarriste, d'hérétique 3. » Matteucci protestait donc de son impartialité: car, disait-il, « je ne suis ni français ni espagnol; mon seul intérêt et mon seul but est de servir ce Saint Siège, en lui transmettant des informations pour le mettre à même de former ses résolutions. »

Innocent IX ne devait point recevoir la dépêche de Mgr Matteucci elle parvint à son successeur. Le cardinal Hippolyte Aldobrandini, élu pape le 29 janvier 1592, avait pris le nom de Clément VIII.

1 Le nonce monseigneur Landriano était révoqué : il en fut troublé, et, dans une lettre, le 2 février 1592, il disait avoir été desservi par de faux rapports. - Le courrier expédié par le cardinal de Sens pour porter la promotion au cardinalat de monseigneur de Plaisance voyagea jusqu'à la Fère avec un autre courrier expédié par le Pape; après avoir couru des périls entre Landrecies et Guise et rencontré l'ennemi entre la Fère et Laon, le courrier du cardinal de Sens se sauva avec les lettres, et celui du Pape ne reparut pas. Comme par la voie de Flandre et de Lorraine on reçoit continuellement des lettres de Rome, il faut croire que celles à notre adresse sont interceptées.» Arch. du Vatican. Lettere del Nuncio, t. XXXVIII, p. 33. 2 Archives du Vatican, Lettere, t. XXXVIII, p. 33.

[ocr errors]

3 Tanto piu che con qualsivoglia delle due parti, ministri cattolici et collegati,che qui si tratti o ragioni, come non si dice et responde a lor modo et non si condescende alle voglie et interesse loro subito incontinenti o s'e spione, o Navarista, o Heretico. » Ibid.

Le mémoire de Matteucci est des plus intéressants; complété par quelques-unes de ses dépêches, celle envoyée au pape Innocent IX par l'entremise de Mario Rasponi, ou celle dont le capitaine J. B. Ronca fut porteur pour le cardinal Sfondrat, il ne Jaissa ignorer ni l'état lamentable où se trouvaient les troupes italiennes, ni les embarras financiers contre lesquels le commissaire général se débattait, ni les passions politiques mises en jeu.

L'armée catholique, déjà entrée en France sous la direction supérieure du duc de Parme, Alexandre Farnèse, était composée de troupes espagnoles commandées par le duc, de troupes italiennes levées par le Souverain Pontife et commandées par le neveu de Grégoire XIV, Hercule Sfondrat, duc de Montemarciano, de troupes françaises de la Ligue catholique obéissant au duc de Mayenne, lieutenant général du royaume. Elle comprenait de la cavalerie, de l'infanterie et de l'artillerie.

La cavalerie comptait six mille chevaux environ, mais la cavalerie italienne notamment n'avait plus que deux cents lances : le reste était ou malade ou mort.

L'infanterie devait arriver au chiffre de dix-sept ou dix-huit mille hommes, dont trois mille lansquenets, divisés en trois régiments, quatre mille Wallons répartis en cinq régiments, trois mille cinq cents Espagnols en trois régiments, douze cents Italiens en deux régiments, l'un de Pierre Caetani et l'autre de Camille Capizucchi; il y avait trois mille Français, et de plus trois mille Suisses payés par Sa Sainteté ; mais ici encore il fallait décompter: « Si les Suisses sont trois mille et plus sur leur contròle, disait Matteucci, ils ne sont en réalité qu'un peu plus de deux mille. » La maladie les avait décimés. Après une marche lente, il est vrai, mais cependant fatigante, les troupes italiennes étaient parvenues en Lorraine. Là le désastre avait commencé. Les troupes, réparties aux environs de Verdun où les dues de Montemarciano et de Mayenne tenaient conseil, avaient été obligées de courir nuit et jour la campagne pour surveiller les avantpostes du roi de Navarre. Elles étaient au milieu des vignes ; la vendange n'était pas mûre, il plut trois jours et trois nuits sans discontinuer la dyssenterie fit de grands ravages. Deux capitaines moururent; d'autres, comme les deux capitaines napolitains, tombèrent malades.

Les soldats français et wallons subirent le même sort que les

soldats italiens; telle de leurs cornettes ne garda pas vingt chevaux 1.

(

Impressionné par ces malheurs, Matteucci n'était nullement d'avis de compléter les vides par une nouvelle levée faite en Italie. « Les Italiens ne sont pas habitués au climat et à la nourriture du Nord, à cette bière qui sert de boisson, et l'expérience l'a toujours montré, ils sont décimés par la maladie et les accidents. Les Espagnols sont de même éprouvés, ou bien en arrivant ils doivent se reposer toute une saison. Je trouverais donc, disait Matteucci, plus utile et moins coûteux de prendre des soldats wallons, dont la solde serait minime le roi d'Espagne leur paie, il est vrai, trop peu, encore que le duc de Parme, à son entrée en France, les ait augmentés de quatre-vingts écus par compagnie et leur ait donné une gratification plus ou moins importante pour la fourniture de l'équipement; j'attribuerais deux écus par soldat et trois cent soixante florins environ pour tous les officiers, de plus la fourniture des piques et des mousquets. Toutefois le commissaire général observait justement qu'il faudrait en parler au duc de Parme et aux ministres espagnols, car il était à craindre qu'ils ne permissent difficilement une levée de Wallons.

Les Allemands des pays de Clèves, de Juliers et des frontières des possessions espagnoles entre le Rhin et la Meuse, comme la Gueldre et la Frise, étaient de bons soldats. «lls valent les Wallons, peut-être sont-ils meilleurs, mais comme le duc de Parme a trente compagnies de ces gens-là et que le pays n'est pas grand, il ne voudra pas y permettre une levée. »

J'approuverais donc, écrivait Matteucci, un traité avec les Wallons, avec les Allemands et bas Allemands, afin de se débarrasser ainsi des frais de transport de vivres et de munitions. Si on fait venir des Italiens, ces dépenses n'ont pas de fin. » Matteucci réclamait néanmoins quelques officiers généraux italiens, car « le nom italien, disait-il, est en bonne réputation. >>

Avec quarante mille écus on garderait donc quatre mille fantassins, mille chevaux et tous les officiers. Quant aux Suisses, le

Ils eurent beaucoup à souffrir: en des moments et en quelques endroits on paya la cruche 'd'eau un jules, et le vin un écu: toute ferrure de cheval un écu pour le moins.

commissaire général ne les aimait pas, et s'il était venu à Amiens, à quatre lieues de l'armée, c'était sans doute pour attendre un secrétaire envoyé à Anvers dans le but d'avoir de l'argent, et pour recevoir plus tôt des nouvelles; mais aussi il avait voulu « se délivrer des continuelles, importunes, extravagantes et exorbitantes prétentions des Suisses, qui refusent de marcher s'ils ne sont assurés d'être payés. » Ils avaient entendu dire au duc de Montemarciano qu'il n'y avait d'argent que pour huit payes seulement; or, comme ces huit payes étaient faites, ils augmentaient leurs prétentions sans tenir compte du traité passé avec eux. Ils étaient venus trouver le duc de Parme, soi disant pour demander un sauf-conduit, mais au fond afin de traiter avec les agents espagnols. Le duc de Parme, après en avoir délibéré avec le duc de Montemarciano, fit payer aux Suisses huit mille écus pour parfaire l'acompte de dix mille écus déjà soldés sur la huitième paye, et il s'engagea à restituer au banquier Zamet douze mille écus déjà prêtés à Matteucci. On avait ainsi le moyen d'attendre les ordres du nouveau Pape ; ils étaient pressentis, car le duc de Parme montrait des lettres du duc de Sessa, ambassadeur d'Espagne près le Saint-Siège, d'après lesquelles le sacré collège avait confirmé la résolution, prise par le pape Innocent IX, de continuer à donner deux cent mille écus pendant quatre autres mois. C'était vrai, mais Matteucci faisait cette réflexion: «S'il n'y a pas d'argent avant le 10 février, qui sera la neuvième paye, on en sera au même point avec les Suisses. »

Les 29 et 30 janvier, ou fit près d'Amiens la revue des troupes catholiques. D'un côté marchaient les chariots et les bagages, flanqués par la cavalerie; au milieu l'infanterie, «en escadrons,» et plus loin l'artillerie. Le duc de Parme, escorté de son fils, des ducs de Montemarciano, de Mayenne et de Guise, du marquis del Vasto, du prince d'Ascoli, passa au milieu des rangs. Les Suisses, réduits cependant à deux mille piquiers, quatre cents hallebardiers, cinq à six cents arquebusiers et mousquetiers, a y firent aussi belle figure que n'importe quel régiment de l'armée.» Aussi don Diego d'Ibarra, un des ministres espagnols, ne put s'empêcher de se tourner vers le duc de Montemarciano pour lui dire «Eh bien, Votre Excellence voulait licencier cette belle troupe! A quoi le duc répondit : « Votre Seigneurie a bien fait de trouver le moyen de la retenir. »

Matteucci ne tarissait pas d'éloges sur l'amabilité du duc de

« ZurückWeiter »