Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

le cardinal de Retz, a pu suivre pendant une longue période les secours apportés à l'œuvre du saint par cette illustre famille dont il fut le commensal pendant douze années. Ce fut sous le toit des Gondi, l'année même de son entrée chez eux, que Vincent vit naître le terrible élève qui devait si mal profiter de ses leçons et de ses exemples. Jamais, remarque M. Chantelauze, le génie du bien ne fut plus impuissant à lutter contre le génie du mal : mais ce fut le seul échec qu'il eut à subir dans la maison des Gondi, car tout ce que l'apôtre tenta depuis auprès d'eux et par eux lui réussit à merveille: par eux et uniquement par eux il lui fut donné de fonder et de constituer tous ses établissements sans exception, depuis le premier jusqu'au dernier. Les relations de saint Vincent de Paul avec les Gondi méritaient donc un livre à part, et c'est ce livre qu'a pu écrire M.Chantelauze à l'aide de nombreux documents inédits tirés des archives des PP. Lazaristes et des PP. de l'Oratoire, et de celles du ministère des affaires étrangères.

On sait assez quelle conscience M. Chantelauze apporte dans ses études historiques. Il n'est donc pas nécessaire d'insister ici sur ce point. On les a souvent discutées, mais on a toujours rendu justice à l'érudition de leur auteur. Ce volume est digne de ses devanciers, et je n'hésiste pas à déclarer que je le préfère à tous les autres. Il m'a fait aimer saint Vincent de Paul, encore plus, s'il est possible, que je ne l'aimais et vénérais jusqu'à présent. M. Chantelauze détruit cependant les deux légendes du forçat substitué et des enfants ramassés la nuit : mais il le fait comme il convient à l'histoire, et je repète

rai volontiers avec lui ce que disait dans un panégyrique du saint, Mgr de Boulogne, évêque de Troyes : " Pourquoi les faits douteux dans un discours où l'orateur succombe sous le poids des merveilles authentiques, et où, pour être éloquent, il n'a besoin que d'être vrai? » Je remercierai donc M. Chantelauze d'avoir mis en relief, à côté de saint Vincent, cette illustre famille des Gondi, où, par un étrange contraste, on voit éclater tous les vices et régner les plus grandes vertus ; d'avoir insisté sur ce que Jean de Gondi, forcé par son père d'embrasser l'état ecclésiastique, évita avec le plus grand soin d'entrer même dans les ordres mineurs, et resta simple clerc jusqu'à la veille d'être nommé coadjuteur, ce qui diminue singulièrement le scandale de ses duels et de ses galanteries; — d'avoir très suffisamment dit leur fait aux jansénistes, et montré que si saint Vincent put rester attaché aux personnes il détesta les doctrines... Que lui reprocherai-je ?... Quelques répétitions qui alanguissent parfois le récit, une erreur d'impression dans une date à la page 206, un peu trop de sévérité pourMgr de Marca?... Tout cela est bien peu de chose. Il a écrit un excellent livre. Saint Vincent de Paul le lui revaudra.

[blocks in formation]
[blocks in formation]

Les premières années de Louise de Marillac, privée des soins d'une mère presque à sa naissance, furent surveillées avec vigilance par son père, homme de science et de foi, qui lui fit donner cette éducation sérieuse, forte, simple, et profondément chrétienne trop inconnue de nos jours, et la mit au monastère de Poissy, où elle ressentit de vagues désirs d'une vocation religieuse, et trouva peut-être les premiers germes des grandes vertus qui devaient plus tard éclore en elle sous la direction de saint Vincent de Paul.Toutefois, pour achever de former son esprit par des études graves même philosophiques, il la rappela près de lui; mais la mort de ce père plein de sollicitude ne tarda pas à la laisser sans protection, et elle se dé cida alors à accepter un parti avantageux qui lui fut offert, en épousant M. Le Gras, secrétaire des commandements de la reine Marie de Médicis, qui appartenait à la haute bourgeoisie; aussi, sui vant l'usage du temps, ne porta-t-elle jamais que le nom de Mademoiselle.

et

Devenue mère d'un fils, elle se concentra dans les devoirs sérieux

du foyer, et les habitudes d'une vie de piété fervente et de charité active. Au bout de peu d'années, la mort prématurée de M. Le, Gras, qu'elle soigna avec la tendresse la plus dévouée, la laissa libre de ne plus vivre que pour Dieu, et les pauvres, tout en surveillant avec une vigilance éclairée l'instruction de son fils, qu'elle aimait d'une tendresse presque passionnée, et qui faisait dire à saint Vincent de Paul que « c'était le seul côté par lequel elle demeurât femme. »

Privée des affections de la famille par suite de la disgrâce et de la mort de ses oncles MM. de Marcillac, qu'elle ressentit vivement, c'est à partir de cette époque que Mlle Le Gras devint une vraie fille de la Charité, agissant entièrement sous la direction de saint Vincent de Paul, active et dévouée pour toutes les œuvres, ne reculant devant aucune fatigue, aucune démarche, entreprenant de pénibles voyages, au point qu'il était obligé lui-même de la modérer et de lui enjoindre de ménager sa santé. Instruire les pauvres, former des filles simples et souvent grossières pour la seconder, soigner les malades même au milieu des épidémies, fonder et diriger l'œuvre touchante des Enfants-trouvés, rien ne lui coûte, elle suffit à tout d'une manière admirable et vraiment miraculeuse.

Au milieu des temps troublés par les agitations et les guerres de la Fronde, Me Le Gras se montre toujours aussi fidèle à ses œuvres, accomplies au milieu de tous les obstacles; de plus en plus active ct dévouée dans la charité, qui est sa vie, elle vient de tous côtés au secours des populations décimées par la famine, les épidémies, les

bouleversements. Dieu, pourvoyant aux besoins devenus extrêmes, multiplie le nombre des filles de la charité qui se réunissent autour d'elle. Pour la première fois elles vont soigner les soldats blessés ou malades, après les batailles, et sont visiblement gardées par la divine Providence quoique plusieurs d'entre elles paient leur dévouement par leur vie.

Lorsque la paix fut enfin rendue à la France, Mlle Le Gras, qui surveillait toujours de loin son fils avec une pieuse sollicitude, eut la joie de lui voir faire un mariage tel que son cœur et sa foi pouvaient le désirer, et de le voir devenir père d'une fille; puis, sa tâche maternelle accomplie, elle ne s'occupa plus que de ses œuvres et de la direction des filles de la Charité; elle les vit partir pour la Pologne, appelées par la reine, et y accomplir des prodiges dans un pays bouleversé et ruiné par la guerre, suffisant au soin des hôpitaux qu'elles fondent, et affrontant les champs de bataille pour soigner des soldats hérétiques, schismatiques et même sauvages.

Pendant ce temps Mile Le Gras travaillait elle-même en France, sous la direction de saint Vincent de Paul, au développement de ses œuvres, et surtout au règlement de l'Institution des filles de la Charité, confiée définitivement, grâce à ses soins persévérants, aux Pères de la Mission, et dont elle est nommée supérieure à vie, par la volonté formelle du grand saint qui connaissait par une longue expérience sa prudence et sa sagesse, unies à une pieuse ardeur et à une grande fermeté. Reconnue par Louis XIV,cette admirable Compagnie, qui s'était établie jusqu'à Madagascar, où toutes

les filles de la Charité aspiraient à être envoyées, était parvenue à une prodigieuse expansion; elle possé. dait déjà trois établissements en province, et desservait à Paris cinq hôpitaux et vingt-six paroisses, sans compter les fondations à l'étranger. Aussi, Dieu trouvant que les deux saintes âmes qui l'avaient jusqu'ici gouvernée ne lui étaient plus nécessaires et avaient mérité l'éternelle récompense, allait les rappeler à lui. Après la mort de Mile Pollalion, et de Marthe Angiboust, qui avaient travaillé avec tant d'énergie et d'activité à la fondation de l'Institution, l'heure était venue où Mile Le Gras allait aussi partir pour le ciel, sans même avoir la consolation d'être assistée par saint Vincent de Paul, alors âgé de quatre-vingt quatre ans, et malade lui-même. Avec toute la fermeté de son âme et l'énergie de sa foi, elle fit ses adieux à ses filles, en leur adressant ses dernières recommandations, puis s'endormit doucement dans la paix du Seigneur qui allait couronner une si belle vie. La vénération et les regrets entourèrent ses dépouilles. Saint Vincent de Paul retrouva des forces pour faire l'éloge de ses vertus devant toutes ses filles réunies, et sa sainteté se révéla d'elle-même par la suave et persévérante odeur qui s'exhalait de son tombeau, et dont ceux qui s'en approchaient restaient eux-mêmes imprégnés.

Cet ouvrage, dont la lecture est si captivante, est un monument d'une véritable importance élevé à la gloire du plus beau et du plus utile des ordres religieux de notre temps. Alors que ces ordres, comme toutes les œuvres de la charité, sont odieusement persécutés, il se dresse

comme une éloquente protestation en leur honneur.

En lisant le récit de tant d'oeuvres héroïques, accomplies avec une si grande simplicité, on ne pourra s'étonner que d'une chose, c'est que l'Eglise ne béatifie pas cette coopératrice de saint Vincent de Paul. X.

Louis XIV et Strasbourg. Essai sur la Réunion de Strasbourg à la France, d'après des documents officiels et inédits, par M. A. LEGRELLE. Paris, Hachette, 1881, in-8° de vi-424 p.

M. Legrelle a voulu célébrer par cet excellent ouvrage l'anniversaire aujourd'hui si douloureux de la Réunion de Strasbourg à la France. On sait qu'aux yeux des publicistes d'outre-Rhin, l'acquisition de Donauwerth par la Bavière, celle de Stettin, de Dantzik ou de Breslau, voire la conquête de Hanovre et de Francfort, par la Prusse, sont ou très excusables ou très légitimes, tandis que l'occupation de Strasbourg par les troupes de Louis XIV est le plus inexpiable des forfaits. Malheureusement il s'est trouvé, en France même, des historiens assez aveuglés par la haine qu'ils portent à l'ancienne monarchie pour écrire notre histoire sous la dictée de nos pires ennemis. C'est contre les Allemands et ceux qui en France font cause commune avec eux que M. Legrelle a protesté, au nom du patriotisme et surtout de la vérité historique. Les preuves qu'il a amassées sont si nombreuses et si rigoureusement déduites qu'elles doivent porter la conviction dans tout esprit impartial.

Les rapports de Strasbourg et de

la France sont très antérieurs au XVIIe siècle; cette ville et l'Alsace entière furent pour ainsi dire l'intermédiaire entre la France et l'Allemagne; ces relations ont été la cause première et l'origine lointaine de l'occupation définitive. Quant à nos droits sur Strasbourg, ils reposent sur les traités de Westphalie, de Nimègue, de Ratisbonne et de Ryswick. Aux négociations de Münster, dès 1646, la France demanda et obtint la cession de toute l'Alsace; il ressort même des récits des ambassadeurs vénitiens que la rive gauche du Rhin, dans toute cette partie de son cours, n'était considérée que comme le minimum exigé par la France; un Allemand illustre, Pufendorf, en fait l'aveu: « Ita defugere non poterant Cæsarei quin totam Alsatiam annuerent. » Le seul point qui fut véritablement mis en discussion fut de savoir si la France recevrait l'Alsace comme fief de l'Empire ou en pleine souveraineté. L'Empire préférait de beaucoup la première solution; et le négociateur français, Servien, l'acceptait, fidèle à la politique traditionnelle des Capétiens, parce que le Roi lui-même y avait avantage, devenant capable d'étre élu Empereur.» Mais ce n'était point le compte de la Maison d'Autriche qui, craignant par dessus tout de voir la France la supplanter dans la direction du corps germanique, sacrifia les intérêts allemands, et céda l'Alsace au roi de France en toute souve

[ocr errors]

raineté ; cette cession est l'objet des articles 73, 74, 79 du traité de Münster. Rarement pareil luxe de répétitions et de précautions donne à un transfert territorial plus de plénitude et de force. L'Empire et l'Empereur allaient jusqu'à s'interdire toute revendication future sur aucun des ter

ritoires ou villes de la Haute et de la Basse Alsace. Mais il existait un article 87 qui stipulait certaines exceptions en faveur de Strasbourg et des dix villes impériales cédées à la France. Cet article 87 était-il en contradiction avec les articles précédents? Etait-ce, comme l'ont prétendu les Allemands, sans se soucier de ce que cet aveu a d'humiliant pour l'honnêteté germanique, la reprise en détail de tout ce qui avait été accordé en gros? Pas le moins du monde, et les dernières lignes de l'article 87 le disent formellement. De telle façon toutefois que rien ne soit considéré comme distrait par cette déclaration de tout le droit de souverain pouvoir qui a été accordé plus haut. En réalité, ni l'Empire, ni la Maison d'Autriche ne pouvaient transmettre sur certains territoires des droits qu'ils n'avaient pas, et c'est précisément ce qu'exprime cet article 87 - d'ailleurs l'histoire des variantes par lesquelles a passé le texte de cet article le prouve surabondamment; l'article 87 maintenait les habitants de Strasbourg et de la Décapole impériale dans la jouissance de certains privilèges, dans la possession d'une autonomie relative que la langue du temps désignait sous le nom d'immédiateté impériale; tout historien de bonne foi est obligé de reconnaître que cet article n'a pas un sens plus étendu ; Droysen,qui n'est pas suspect de tendresse à l'égard de la France, écrit que par le traité de 1648 « la France avait gagné avec l'Alsace la rive gauche du Rhin supérieur et séparé en fait la Lorraine de l'Empire. » Mais pourquoi donc alors Louis XIV n'entra-t-il pas dans Strasbourg dès 1648? C'est que la Fronde éclata cette année même, c'est que les Alle

mands profitèrent de nos troubles pour commencer au sujet du traité de Westphalie une guerre de chicanes et de ruses qui devait durer bien des années, c'est que plusieurs villes d'Alsace portèrent devant la Diète des réclamations et des protestations qui furent accueillies avec empressement, c'est que Strasbourg, qui au fond voulait être libre à la façon de Bâle ou de Zurich, s'adressa à l'Allemagne contre la France comme elle s'était jadis adressée à la France contre l'Allemagne. Enfin, il ne faut pas se figurer les annexions d'autrefois comme celles d'aujour d'hui; à présent une province annexée est assimilée aux autres, et tout est dit; mais tant qu'il subsista des restes de la féodalité, il n'y eut souvent que substitution d'un suzerain à un autre, si bien qu'en fait le changement de domination est inappréciable. Ce ne fut que longtemps après le traité de Westphalie que l'on prit sérieusement possession de l'Alsace.

D'ailleurs, pendant toutes les années qui s'écoulèrent jusqu'à la signature de la paix de Nimègue,le roi de France rappela de temps à autre aux Strasbourgeois qu'il exerçait sur eux un certain protectorat; il y eut à Strasbourg un parti français très actif; des écoles françaises furent fondées; les idées françaises firent peu à peu leur chemin en Alsace, et, comme le dit Reuss, l'historien de l'église française de Strasbourg, < l'annexion politique fut précédée dans une certaine mesure et pour certaines couches sociales d'une annexion intellectuelle. »

Le traité de Nimègue confirma les droits que nous tenions du traité de Westphalie. Les plénipotentiaires français rejetérent absolument l'ar

« ZurückWeiter »