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l'organisation de la société semble l'avoir emporté de beaucoup sur l'esprit pratique et la recherche des améliorations réelles. Il est étrange qu'un ordre de choses artificiel, aspirant à une régularité chimérique, qu'on serait tenté de croire le produit d'un des philosophes législateurs de l'antiquité grecque, plutôt que celui de tribus encore barbares, ait abouti en dernier résultat au régime des clans; que ce régime, où l'on scrait volontiers porté à voir un développement de l'état patriarcal, se soit précisément constitué par la décadence de l'organisation la plus factice et la plus compliquée.

Beaucoup d'autres notions instructives et curieuses peuvent être recueillies dans ce premier travail de M. d'Arbois de Jubainville, on plutot dans les quatre mémoires distincts dont il est formé et dont la première publication a eu lieu dans la Nouvelle Revue historique de Troit français et étranger. Le peu qui précède suffit pour faire comprendre combien nos connaissances sur l'antiquité celtique ont à gagner à l'étude approfondie des monuments écrits de la vieille Irlande.

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Ces faits, qui appartiennent à des périodes différentes, séparées par un intervalle d'un siècle et demi, ne sont pas étroitement reliés entre eux l'un a pour théâtre la Ligurie; l'autre la Grande Grèce; les Nordmen étaient payens et parlaient le norrain; les Normands étaient chrétiens et avaient pour langue maternelle le français; ceux-ci, tout en ayant conscience de leur communauté d'origine avec ceux-là et connaissant peut-être, comme leurs frères de Neustrie, les aventures de Hasting, ne se donnaient pas comme ses héritiers; leurs moyens étaient d'ailleurs bien différents; pendant cinquante ans, ils ne surent combattre que sur terre, tandis que les Nordmen étaient les premiers navigateurs de leur temps. Les deux parties de l'ouvrage ne sont pas seulement étrangères l'une à l'autre, elles sont en outre fort disproportionnées: la première ne comprend qu'un chapitre et un appendice concernant le væring Harald Hardrâdé. De l'aveu de l'auteur, c'est là un hors d'œuvre comme le prologue; il aurait donc 'pu sans inconvénient laisser de côté aussi bien les vikings (pirates scandinaves) que les værings (Scandinaves au service de l'empire d'Orient); en s'aventurant à leur suite, il entre sur un terrain qui n'est pas le sien et où il n'a pas le pied sûr; il traduit par exemple Palleskia (Polotzk) par Pskow ou Pleskow, et il explique upplænding par habitant des environs d'Upsala, tandis que dans ce cas il s'agit certainement des propres compatriotes de Harald Hardrâdé, les montagnards des Uppland ou hauts plateaux de la Norvège. Mais c'est trop s'arrêter à l'accessoire, passons de suite au principal, qui est l'histoire des Normands des deux Siciles.

La conquête des États situés en deçà et au delà du Phare par des chevaliers Normands n'est pas seulement un intéressant épisode de l'histoire universelle, c'est aussi la première grande manifestation extérieure de la vitalité de la France capétienne; la seconde, plus importante encore, la conquête de l'Angleterre, aura également pour auteurs des Normands; elle ressemble à la prêcédente et aux suivantes qui sont les Croisades et la fondation du royaume de Portugal par une dynastie bourguignonne, en ce qu'elle a propagé au loin l'influence, la langue et la littérature françaises; mais elle en diffère notablement en ce qu'elle n'a pas eu pour objet l'extension du catholicisme. Les fils de Tancrède de Hauteville, ces précurseurs des Croisés, reléguèrent pour toujours l'église grecque au delà de l'Adriatique et expulsèrent les Sarrasins de la Sicile, et c'est grâce à eux que la Papauté rétablit sa domination spirituelle sur 1 Italie méridionale. Il ne leur fallut pas trois générations pour aboutir à ces magnifiques résultats, obtenus en grande partie dès 1073, date à laquelle s'arrête notre auteur. Il nous fait espérer qu'il n'en restera pas là et qu'il ajoutera au moins un second volume à cette histoire. Dès maintenant son œuvre est beaucoup plus volumineuse que celles de MM. Gaultier d'Arc et de Bazancourt, quoiqu'elle n'aille pas aussi loin. Ses deux prédécesseurs français, dont il parle un peu trop dédaigneusement, avaient adopté une forme plus littéraire; leur récit plus rapide a plus de vivacité; leur style plus de brillant. En revanche, M. l'abbé Delarc a mieux creusé le sujet, et il a eu le mérite d'être le premier à uti liser des monographies et même des

documents inédits que ses émules ne pouvaient connaître ou qu'ils avaient négligés. Bien qu'il paraisse avoir ignoré le coup d'œil sur les émigrations de Normandie en Italie et sur les premières conquêtes de‹ Normands à Naples et en Sicile, par Fr. Schiern (dans Annaler for nordisk Oldkyndighed de la Société des Antiquaires du Nord, Copenhague, 1844-45, in-8°, p. 218-259), il est généralement bien au courant des travaux récents dont les Normands des deux Siciles ont été l'objet en Italie, en Allemagne et même en Russie et ailleurs. Il en a tiré un excellent parti, aussi bien pour son texte que pour ses notes érudites, qui remplis sent le tiers du volume et éclairent la plupart des points obscurs. La correction typographique laisse malheureusement fort à désirer: a est souvent confondu avec œ; des lignes entières ont été transposées, et l'on peut critiquer certaines assertions. Aimé du Mont-Cassin n'a pas « été induit en erreur par quelque Normand vantard, » (p. 470, note 1), lorsqu'il affirme que maintenant en cestui temps i croist vin assez » en Normandie. Ce passage est confirmé par ceux des anciens écrivains que M. Léopold Delisle a cités dans la Condition de la classe agricole en Normandie au Moyen áge (Evreux, 1851, p. 418-470) et que M. G. Gravier a relevés dans Bulletin de la Société normande de géographie, (1881, Rouen, in-4°, p. 277-280). Mais les erreurs typographiques ou autres dont il vient d'être question ne sont que de légères taches au milieu d'une foule de remarques neuves et profondes; elles étaient inévitables dans un travail de si longue haleine, et M. l'abbé Delarc n'en a pas moins élevé un solide monument à la gloire

des fondateurs du duché de Pouille

et Calabre et du grand comté de Sicile. Le récit est une mosaïque un peu disparate, où de longs passages, traduits des chroniques latines, by. zantines ou arabes, et surtout de celles d'Aimé du Mont Cassin, de Guillaume de Pouille, de Malaterra, de Léon de Marsi, des anonymes de Bari et de Bénévent, d'Anne Comnène, de Cedrenus, sont reliés entre eux par un exposé fort simple et sans prétention, qui jure parfois avec le style, tantôt poétique ou naïf, tantôt passionné ou imagé, des historiens des xie et xire siècles. Le procédé adopté par l'auteur nuira peutêtre à sa réputation littéraire, mais il a l'incontestable avantage de nous faire connaître tout à la fois les événements et les savoureuses narrations contemporaines qui nous les ont transmis.

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nous ait transmis sur la délivrance d'Orléans par la Pucelle. » Il nous fait connaître, d'abord, les deux manuscrits que l'on possède de la chronique anonyme publiée, en 1846, par M. Salmon dans la Bibliothèque de l'École des chartes, et, en 1849, par M. Quicherat, dans le cinquième volume de son beau recueil, le manuscrit du Vatican (p. 9-11) et celui de Saint-Pétersbourg (p. 11-20). L'histoire et la description des deux manuscrits,qui ont l'un et l'autre,comme le démontre parfaitement M. Boucher de Molandon, une origine orléanaise, sont suivies (p. 21-43) de la reproduction littérale en deux colonnes parallèles du texte du Vatican et du texte de Saint-Pétersbourg. Diverses observations philologiques accompagnent (p. 43-54) cette double édition d'un texte qui jamais encore n'avait été aussi fidèlement publié. L'habile critique fait ressortir ensuite le caractère essentiellement local du récit (p. 57-60), son esprit religieux (p. 61-63); il se livre enfin à d'ingénieuses recherches sur l'auteur présumé de la Chronique. Complétant et rectifiant ce que l'académicien F.de l'Averdy, à la fin du siècle dernier, et M. J. Quicherat, au milieu du nôtre, avaient écrit sur Jean de Mascon, docteur ès-lois et dignitaire du chapitre cathédral d'Orléans, appelé Jean Masson par le premier de ces érudits et Jean de Maçon par le second, il retrace (p. 64-85), d'après divers documents inédits quelques-uns reproduits in extenso aux Pièces justificatives,(p. 91,105), la biographie de ce personnage qui interrogea plusieurs fois Jeanne d'Arc pendant la durée du siège d'Orléans, et qui, dans sa mémorable déposition, rendit à la noble vierge un magnifique témoignage. M. Boucher de Molandon a mis en pleine

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lumière, avec un soin patriotique et pieux, ce « curieux incident resté jusqu'ici dans l'ombre. » Dans la recherche de la paternité de la Chronique il n'ose pas aller aussi loin que MM. Quicherat et Vallet (de Viriville) et attribuer formellement cette paternité à Jean de Mascon. Sa prudence nous semble excessive, et pour notre part, convaincus par sa propre discussion, nous n'hésiterions pas à regarder l'ami, le protecteur, le défenseur de Jeanne d'Arc comme l'incontestable auteur des pages qui nous ont conservé cette parole adressée par l'héroïne à Jean de Mascon luimême il n'est rien d'impossible à la puissance de Dieu.

T. DE L.

Essai sur le gouvernement de la dame de Beaujeu 1483-1491, par P. PÉLICIER, agrégé de l'Université, ancien éleve de l'Ecole des chartes, archiviste du département de la Marne. Chartres,imprimerie Edouard Garnier, 1882, grand in-8° de x-315 p.

M. Pélicier a voulu « jeter un peu de clarté sur la période de notre histoire comprise entre la mort de Louis XI et l'expédition d'Italie, tâche qui, comme il le fait justement remarquer (préface, p. vII), était assez difficile. Les témoignages des contemporains font défaut. Commynes est muet; le seul chroniqueur sérieux, Jaligny, ne nous est par venu que mutilé. On ne possède qu'un fragment des procès-verbaux du conseil de Charles VIII. Le personnage de ce temps qui devrait ètre le plus en lumière, continue le jeune érudit (p. vIII), est précisé ment celui que l'ombre nous cache davantage : nous ne savons rien ou presque rien de la sœur de Charles

VIII, de celle qui a réellement gouverné la France durant les premières années du règne nominal de ce prince. A force de chercher, M. Pélicier a pourtant beaucoup trouvé, comme le montre tout d'abord son étude si précise et si curieuse sur les sources consultées (p. 1-31). Cette étude, partagée en trois sections: 1° pièces officielles; 2° chroniques et pièces diverses du xv siècle; 3 histoires du xvIe siècle et travaux postérieurs, abonde non seulement en indications, mais encore en appréciations, et nous citerons, parmi ces appréciations, celles qui regardent le recueil de la Trémoille: Correspondance de Charles VIII et de ses conseillers (p. 4), le Journal des Etats généraux de Tours, par Jean Masselin (p. 9), les Euvres de Robert Gaguin (p. 14), la Chronique de Guillaume de Jaligny (p. 15-16), la Chronique de Jean de SaintGelais, seigneur de Monlieu (p. 17), l'Histoire anonyme de Louis, duc d'Orléans (p. 18-19), etc. M. Pélicier, tirant un excellent parti des imprimés et des manuscrits, s'occupe successivement des Beaujeu sous Louis XI, du Commencement du règne de Charles VIII, des Etats généraux de 1484, des affaires de Bretagne, de la Guerre folle, de la Guerre avec Maximilien d'Autriche, de la Campagne de Guyenne et de la Guerre de Bretagne, de la Pragmatique Sanction de Bourges sous le gouvernement de la dame de Beaujeu. En tous ces chapitres on remarque des renseignements nouveaux. Hommes et choses sont éclairés d'une lumière que l'on chercherait vainement dans les précédents historiens. Anne de Beaujeu surtout nous apparaît telle qu'il faut la voir, femme supérieure au point de vue politique, mais en

qui le caractère n'était pas à la hauteur de l'esprit, et déjà, du reste, admirablement bien jugée par Brantôme en cette phrase que M. Pélilicier aurait pu donner pour épigraphe à son livre: Fine femme et delliée s'il en fut onq, et vray image en tout du roy Loys son père. »

Les pièces justificatives sont fort importantes. Enumérons, parmi ces pièces (p. 217-282): Procès-verbaux du conseil de Charles VIII (marsjuillet 1484); Douaire de la reine Charlotte de Savoie; Ordonnances de Charles VIII (de Tours, 8 mars 1484 et de Rouen,4 mai 1485); Lettres de Robert Gaguin à l'évêque de Langres (1er août 1484 et 16 septembre de la même année); Lettre de Louis d'Orléans à Charles VIII (14 janvier 1485) et Réponse de Charles VIII à Louis d'Orléans (20 janvier 1485); Lettres de Charles VIII à la tille de Reims (20 juin 1486 et 30 mars 1487), et à l'archiduc Maximilien (30 août 1486), Extrait du Journal de Jehan Foulquart, procureur syndic de la ville de Reims; Lettre d'Anne de France à Charles VIII (4 décembre 1488), etc. A la suite de des pièces tirées de la Bibliothèque nationale, des Archives nationales, des Archives municipales de Lyon,de Reims et de Troyes, des Archives départementales de la Côte-d'Or, de la Bibliothèque de Bourgogne ( à Bruxelles), on trouve un travail excessivement bien fait, l'Itinéraire de Charles VIII (du 1er septembre 1483 au 19 décembre 1491), dressé d'après divers documents imprimés ou manuscrits (p. 25-308). Signalons enfin la notice bibliographique (p. 312-315), qui renferme la formidable liste des principaux ouvrages consultés par l'auteur.

Afin de bien marquer notre estime

pour un livre où ceux qui connaissent le mieux l'histoire de la fin du xv siècle trouveront beaucoup à s'instruire, nous dirons que ce livre, dédié à M. A. Geffroy (de l'Institut) par un de ses meilleurs élèves, est vraiment digne de paraître sous d'aussi honorables auspices.

T. DE L.

Saint Vincent de Paul et les

Gondi, d'après de половаих documents, par R. CHANTELAUZE.

Paris, Plon, 1882, in-8° de 424 p.

Je suis très en retard avec ce volume, et le suffrage de l'Académie m'a devancé. M. Chantelauze me pardonnera quand j'aurai dit combien ce suffrage est mérité.

La vie de saint Vincent de Paul a été souvent écrite depuis Abelly jusqu'à M. Loth, en passant par Collet et l'abbé Maynard. Ce dernier surtout, par la variété de ses découvertes et par l'habileté de la mise en œuvre, semblait avoir dit le dernier mot sur un si riche sujet. Si Abelly nous avait fait goûter de près l'affable simplicité, la candeur angélique du saint apôtre, M. l'abbé Maynard nous avait fait apprécier à leur juste valeur les immenses services de toute sorte rendus à la société française et à l'humanité tout entière par ce grand homme de bien. Les lettres du bon M. Vincent récemment publiées par les PP. Lazaristes ont apporté depuis une preuve encore plus évidente de l'influence considėrable qu'il exerça sur son siècle et mis en lumière plus vive ce qu'il y avait en lui d'inépuisable tendresse chrétienne pour les misérables. Tout n'était pas dit cependant; et M.Chantelauze, en étudiant les Gondi à l'occasion de ses monographies sur

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