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et repoussées par les législations, avaient mal compris l'exemple sur lequel ils s'appuyaient. Il citait, à ce sujet, un discours dans lequel sir Robert Peel avait dit, en parlant de l'Angleterre, et après avoir énuméré avec orgueil toutes les causes qui constituaient sa supériorité industrielle : « Est-ce << qu'un tel pays peut redouter la concurrence de l'étran« ger? » Un autre ministre anglais, disait M. Lanyer, avait, en 1835, lors de la discussion du droit de sortie sur les houilles, prononcé ces paroles : « Toute nation qui, pour «< travailler, aura besoin de la houille anglaise, sera vassale « de l'Angleterre. » La Commission concluait de l'examen de la situation économique de l'Angleterre qu'il y avait des objets fondamentaux, éléments premiers de toute grandeur nationale, que la France, dans un intérêt de conservation, supérieur à tout autre intérêt, devait s'appliquer à produire, quand bien même il en résulterait pour elle la nécessité d'une protection indéfinie, ou du moins jusqu'à ce qu'elle pût, comme l'Angleterre, défier la concurrence étrangère.

Passant en revue quelques-unes des principales industries de la France, le rapporteur était d'avis que les droits sur les houilles et les fers étrangers avaient été suffisamment réduits; que, relativement aux céréales, l'échelle mobile avait

faute. Elle admettait, comme on l'a vu, un droit de 10 pour 100, lequel, se cumulant avec les frais de transport, de déchet, d'intermédiaires, etc., aurait représenté une protection d'environ 15 à 20 pour 100.—Quant à la législation, elle n'avait jamais eu à s'expliquer à ce sujet en France, la liberté illimitée n'y ayant jamais été proposée formellement. D'un autre côté, l'Assemblée constituante s'était rapprochéc autant que possible de ce système, et l'on sait pourquoi il fut depuis abandonné par la Convention. Appartenait-il d'ailleurs à la Commission de dire qu'il n'y avait nulle parité entre la situation économique de la France et de l'Angleterre, et que l'Association du libre échange s'était appuyée sur un exemple mal compris? L'Angleterre avait, dans ces dernières années, au moyen des ressources que lui fournissait l'impôt sur le revenu, supprimé tous les droits d'entrée non-seulement sur les céréales, les bestiaux, les viandes salées, mais encore sur toutes les matières premières de l'industrie, telles que les cotons, les laines, les fers de Suède et autres, les bois, etc., etc. Il est évident qu'elle se trouvait, par suite de ces réformes, dans une situation privilégiée relativement à la France, surtout dans les marchés étrangers. N'était-il donc pas naturel que celle-ci demandât, pour pouvoir soutenir la lutte industrielle, que toutes les matières premières, alimentaires et autres, fussent exemptées de droits d'entrée, comme elles venaient de l'être en Angleterre?

encore plus d'avantages que d'inconvénients, et que si, grâce à la protection dont elle jouissait, l'industrie des machines était arrivée au point de lutter pour les prix avec les machines anglaises, elle avait néanmoins toujours besoin d'être avantagée. En ce qui concernait les tarifs qui protégeaient l'agriculture, les filatures de coton, de laine, de lin et de chanvre, de même que les industries de la quincaillerie, des verreries, du cuivre, etc., la Commission ajoutait qu'ils n'étaient susceptibles d'aucune modification, et qu'elle aurait combattu toutes les mesures qui auraient eu pour objet de les réduire. En résumé, la Commission se montrait opposée à la réduction des divers droits, de même qu'à la suppression de la plupart des prohibitions proposées par le gouvernement. La seule chose qui importât, suivant elle, c'était d'améliorer les voies de communication. A ses yeux, toute la question industrielle était là. D'un autre côté, le rapporteur blàmait magistralement le ministre du commerce d'avoir dit, dans l'exposé des motifs, que si la liberté illimitée du commerce était l'exagération d'un principe généreux, la prohibition en était l'exagération opposée. C'était là, d'après le rapport, une hérésie qui n'aurait pas dû trouver place dans une communication officielle. La Commission concluait, en outre, à l'unanimité, qu'il fallait, 1° maintenir fermement le système protecteur; 2o encourager et développer notre marine par tous les moyens que la loi, le Trésor et la politique pouvaient fournir aux Chambres et au gouvernement.

Or, maintenir fermement le système protecteur, et repousser, conséquemment à ce principe, comme le proposait la Commission, l'admission en franchise des matières premières nécessaires à la construction des navires, c'était aussi maintenir forcément notre marine dans cet état d'infériorité relative que tout le monde déplorait. A la vérité, la loi, la politique, et, en fin de compte, le TRÉSOR étaient là.

Ainsi, d'une part, l'exagération du système protecteur faisait payer aux consommateurs le fer et la houille à un prix plus élevé que si les produits similaires étrangers avaient été admis en France, sinon en franchise, du moins à des droits

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modérés qui eussent rendu la concurrence possible; et, d'autre part, le Trésor, c'est-à-dire les mêmes consommateurs, devaient venir en aide à la marine marchande, dont l'importance comparative décroissait chaque année, grâce à l'élévation de nos tarifs. Telle était la justice distributive de la Commission 1.

Quoi qu'il en soit, déposé vers la fin de la session, son rapport, véritable manifeste en réponse aux conclusions beaucoup trop absolues, il est vrai, de l'Association pour la liberté des échanges, ne pouvait pas être, et ne fut pas discuté. Quelque temps auparavant, deux membres de la Chambre des députés, MM. Blanqui et Léon Faucher, se fondant sur la cherté des céréales, cherté telle que l'abandon momentané de la législation qui protégeait les blés de l'intérieur était devenu indispensable, avaient demandé que, jusqu'au 1er janvier 1848, les bestiaux fussent admis à un droit fixe de 25 centimes par tête, et que les viandes, soit fraîches, soit salées, fussent reçues au même droit par cent kilogrammes; mais cette proposition n'avait pas été adoptée. Peu de jours après, MM. d'Harcourt et Anisson-Dupéron appuyèrent vivement, sans plus de succès, une proposition analogue dont la Chambre des pairs avait été saisie par voie de pétition. Ils exposèrent l'un et l'autre avec beaucoup de force, comme l'avaient fait MM. Faucher et Blanqui dans l'autre Chambre, qu'en présence de l'élévation excessive du prix des blés, il paraissait de toute justice d'ouvrir temporairement nos frontières aux bestiaux étrangers, afin que la diminution du

La Commission prétendait, il est vrai (p. 198), que « nous étions tous à la « fois producteurs et consommateurs, chacun de nous apportant à la société son << tribut, en échange des avantages qu'il en obtient, l'un son travail, l'autre son << capital, celui-ci le produit de sa terre, petite ou grande, celui-là le produit << de son industrie, manuelle ou intellectuelle. » En admettant, pour un moment, que tous les citoyens d'un pays puissent être considérés comme des producteurs, il est facile de voir que les tarifs ne protégent pas tous les producteurs au même degré. Convient-il d'ailleurs au gouvernement d'intervenir à ce point dans la répartition des bénéfices sociaux ? Est-ce là son rôle, sa mission? N'y a-t-il pas à craindre que d'inflexibles logiciens ne finissent par l'entraîner un jour, si on leur concédait ce principe, à des conséquences qui seraient la négation même de toute société ?

prix de la viande compensât, au moins pour les départements frontières, l'augmentation du prix du pain, si onéreuse à l'immense majorité des populations. Tout en demandant le rejet de cette proposition, le ministre du commerce avait pourtant consenti à ce que la pétition fût renvoyée au gouvernement. La Chambre des pairs ne voulut pas même donner cette modeste satisfaction aux partisans de la réforme commerciale, et la pétition fut tout simplement déposée au bureau des renseignements.

Ces discussions furent les dernières qu'occasionna la lutte des deux systèmes économiques sous la monarchie de juillet. A quelque temps de là, cette monarchie disparaissait. Les temps des rudes expériences étaient revenus. On s'était, pendant de longues années, complu dans cette idée que la main et l'intervention incessante du gouvernement étaient indispensables à la bonne direction et à l'harmonie des intérêts industriels; on avait attaqué et présenté comme des ennemis du peuple, des missionnaires de l'Angleterre, les professeurs salariés de cette science, qui conseille avant tout de substituer l'activité et la responsabilité privées à l'irresponsabilité de l'administration; on avait enfin vu le mal où il n'était pas, et méconnu le péril réel, imminent. Triste et fatale erreur! Au surplus, le vœu le plus cher du Comité de la prohibition avait été exaucé, car la chaire d'économie politique du Collège de France venait d'être brisée. D'un autre côté, pendant que, sous le titre de Malthusiens, les économistes étaient, chaque matin, dénoncés aux colères du peuple, les adversaires naturels et logiques de l'économie politique, les partisans de l'intervention absolue et universelle de l'Etat tenaient leurs assises au Luxembourg et signaient des décrets. Le socialisme était au pouvoir.

CONCLUSION.

I.

Les faits principaux résultant des pages qui précèdent sont faciles à résumer.

En 1650, c'est-à-dire onze ans avant d'arriver au pouvoir, Colbert se déclarait partisan de la liberté commerciale dans un mémoire que le cardinal Mazarin lui avait demandé au sujet de l'interruption du commerce entre la France et l'Angleterre.

<< La Providence, disait-il, a posé la France en telle si«<tuation, que sa propre fertilité lui serait inutile et sou<< vent à charge et incommode sans le bénéfice du com<«<merce qui porte d'une province à l'autre, et chez les étran«gers, ce dont les uns et les autres peuvent avoir besoin 1. »

Trois ans après son entrée au ministère, Colbert supprime

1 D'autres protestations en faveur de la liberté commerciale avaient précédé celle-là. Vers la fin du seizième siècle, un penseur éminent, Jean Bodin, avait fait la même profession de foi. On ne sera pas fâché de trouver ici cette déclaration de principes, véritablement remarquable par la grandeur des vues, surtout si l'on a égard au temps auquel elle remonte:

« .....

Quant à la traite des marchandises qui sortent de ce royaume, il y a << plusieurs grands personnages qui s'efforcent de la retrancher du tout, s'il << leur estoit possible, croyant que nous pouvons vivre heureusement et à grand << marché sans rien bailler ni recevoir de l'estranger; mais ils s'abusent à mon << advis, car nous avons affaire des estrangers et ne sçaurions nous en passer. « Je confesse que nous leur envoyons blé, vin, sel, safran, pastel, pruneaux, « papier, draps et grosses toiles. Aussi avons-nous d'eux en contre-échange: « 1° tous les métaux, hormis le fer; nous avons d'eux or, argent, estain, cuivre, < plomb, acier, vif argent, alun, souphre, vitriol, couperoze, cynabre, huiles, << cire, miel, poix, bresil, ébène, fustel, gaïac, yvoire, maroquins, toiles fines, « couleurs de cochenil, escarlate, cramoysi, drogues de toutes sortes, épiceries, « sucres, chevaux, saleures de saumon, sardines, maquereaux, molues, bref < une infinité de bons livres et excellens ouvrages de main.

« Et quand bien nous pourrions nous passer de telles marchandises, ce qui « n'est possible du tout, et que nous en aurions à revendre, encore devrions-nous

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