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sur les marchés étrangers toutes les espérances pour un plus large débit de nos produits agricoles ou manufacturés, tandis que les autres, au contraire, s'exagérant la part de sacrifices que doivent raisonnablement s'imposer les consommateurs pour l'encouragement ou la sécurité de la production nationale, réclamaient avec instance une répulsion à peu près entière de tous les objets dont notre sol et notre industrie sont appelés à produire les similaires. M. de Saint-Cricq exposait ensuite avec détail les considérations invoquées par les partisans d'une troisième opinion, lesquels soutenaient qu'une théorie immuable et absolue, quelle qu'elle fût, ne saurait utilement diriger des intérêts aussi variables et aussi distincts entre eux que l'étaient ceux de l'industrie d'un grand royaume; que le travail national, soit qu'il s'appliquât à l'agriculture ou aux fabriques, ne devait pas demeurer sans défense devant les industries étrangères; que son premier et son plus sûr marché serait toujours celui du pays, mais que ce marché ne saurait lui suffire, et qu'il avait besoin aussi d'écoulement au dehors. Un tarif généralement protecteur leur paraissait donc indispensable. Le ministre trouvait d'ailleurs qu'on s'était montré généreux, peut-être même prodigue, dans la mesure de protection temporairement réclamée par un certain nombre de branches du travail national, susceptibles de prendre en France de larges et profondes racines; mais, pour le bien même de ces industries, de même que pour être juste envers celles qui, fortes de leur propre supériorité, n'avaient rien ou que fort peu à demander aux tarifs, telles, par exemple, que les vins, les eaux-de-vie, les soieries, il estimait qu'on devait élargir le plus possible les bases de notre commerce extérieur et maritime. La part de protection qu'il avait été sage de faire aux premières n'excédait-elle pas, par suite des progrès obtenus sous l'empire de la législation en vigueur, la limite des besoins réels? N'y en avait-il pas, enfin, qu'il serait sage de soumettre à la concurrence de l'industrie étrangère, afin d'indiquer ainsi, à la satisfaction des autres peuples, comme à celle de plusieurs classes de nos producteurs, la ferme in

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tention où était la France de ne rien exagérer et de donner successivement à la liberté des transactions tout ce qu'elle peut raisonnablement obtenir? Telles étaient les questions que se posait M. de Saint-Cricq, et il terminait en disant que «< cette << dernière doctrine était celle qui, dans sa conviction person<< nelle, convenait le mieux à la situation agricole, indus<«<trielle et commerciale de la France, telle que l'avaient faite « les événements accomplis depuis trente années'. »

La Commission d'enquête se réunit, mais son travail n'eut pas les conséquences espérées. Ce résultat n'est, d'ailleurs, que trop facile à expliquer. Les lois de douanes votées depuis 1814 avaient, en effet, sensiblement modifié les conditions d'un grand nombre de propriétés et d'usines. Les unes avaient été vendues ou affermées à des prix bien supérieurs à ceux de l'époque antérieure; les autres, notamment les usines destinées à la fabrication du fer, avaient absorbé des capitaux considérables. Fallait-il porter le trouble dans ces nouveaux intérêts? La Commission n'osa pas entrer dans cette voie, et ceux-là mêmes, parmi ses membres, qui, quelques années auparavant, avaient blâmé le plus vivement l'élévation des droits à l'entrée sur les bestiaux et les fers étrangers, furent d'avis que, la situation étant donnée, ce que le gouvernement avait de mieux à faire, c'était de laisser aux industries que l'on avait cru devoir protéger contre la concurrence étrangère le temps de s'organiser, de manière à pouvoir lui résister. Le 21 mai 1829, M. de SaintCricq fit connaître à la Chambre des députés le résultat des travaux de la Commission d'enquête. L'année précédente, il avait exprimé le désir que le tarif fût l'objet d'une révision sérieuse; au lieu de cela, il venait, en s'appuyant sur les conclusions de la Commission, soumettre à la Chambre le maintien du régime en vigueur, sauf, en ce qui concernait les fers, qu'il proposait de réduire le droit de deux dixièmes, mais seulement dans dix années, c'est-à-dire

1 Rapport au Roi pour la formation d'une Commission chargée de faire une enquête sur le système de douanes (Moniteur du 6 octobre 1828).

en 1858. Les droits de quelques articles, notamment des tapis, devaient même être augmentés.

L'enquête commerciale avait porté principalement sur deux points, les droits à l'entrée des fers, et, à propos des sucres, le régime colonial, dont la conservation, fortement combattue quelques années auparavant, fut alors généralement réclamée. En ce qui concerne le système commercial, la Commission d'enquête avait, par l'organe de M. Pasquier et de M. d'Argout, ses rapporteurs, émis, à l'unanimité, l'avis qu'un régime qui régularise par des taxes les rapports des peuples entre eux, était une conséquence obligée de leur séparation politique et de la différence de leurs antécédents respectifs; que, dans ce système sagement appliqué, se trouvait la garantie de la fortune publique et des fortunes privées; que toute prohibition non nécessaire était un mal, mais que certaines prohibitions pouvaient être indispensables; que la prohibition résultant des taxes était donc habituellement préférable à celle résultant des prohibitions formelles; qu'au reste, il existait des droits partout où il existait des intérêts créés sous la protection des lois, et que, dans l'état de l'industrie en France, en présence des intérêts qui s'y trouvaient engagés, on devait s'en tenir à un système raisonné de protection, c'est-à-dire, d'une part, protéger efficacement le travail du pays, et, de l'autre, étudier soigneusement, pour chaque industrie, la quotité de la protection nécessaire, en ayant égard aux dommages que pourrait créer une protection excessive. En portant ces faits à la connaissance de la Chambre des députés, M. de Saint-Cricq ajouta que, lui aussi, il était d'avis « qu'on devait tendre vers la liberté com«<merciale, non point telle que l'entendaient les hommes « moins occupés de faits que de théories, mais telle que la «< permettrait successivement le progrès de nos arts et de nos <«< industries; telle que l'entendait et la pratiquait, en cessant « de défendre ce qu'elle avait cessé d'avoir besoin d'empêcher «< et en réduisant la protection de ce qui se protége déjà soi« même, cette Angleterre, dont la nouvelle marche économi«< que, habile aujourd'hui comme elle l'était quand elle se

« manifestait par des actes d'une nature contraire, avait été, << en France, l'objet de tant de faux jugements'. »

Le désappointement des amis de la liberté commerciale fut extrême. Comme ils avaient, tant par suite du vœu exprimé dans l'adresse de 1828, que de la formation d'une Commission d'enquête et des vues exposées à cette occasion par le gouvernement lui-même, conçu l'espoir de voir s'opérer enfin quelques réformes un peu importantes, ils ne purent maîtriser l'impression de leur mécontentement. Leurs doléances furent donc très-vives. Ils firent observer, d'une part, que, d'après l'enquête elle-même, la fabrication de la fonte ne s'était pas améliorée depuis qu'elle était protégée par des droits prohibitifs; d'autre part, que les droits mis sur les fers et les fontes avaient élevé le prix du bois et encouragé sa culture aux dépens des céréales ou d'autres denrées; que les plus mauvaises terres à boulé autres avaient pu être plantées en bois avec avantage, et qu'elles n'avaient pu être remplacées que par le défrichement de terres inférieures, dont la culture plus ingrate avait élevé la valeur réelle et le prix courant des denrées. D'un autre côté, certaines terres, propres à la culture dés céréales, des vignes, des mûriers, des prairies artificielles, etc., étaient restées en nature de bois, parce que la prime avait contrarié les effets naturels d'un accroissement de population qui appelait ces terres à d'autres cultures. En résumé, disaient-ils, la taxe sur les fers, qui semble favoriser uniquement le maître de forges, n'a été utile qu'au propriétaire de bois 2.

Quoi qu'il en soit, un projet de loi de douanes, déposé au mois de mai 1829 par le ministre du commerce, ne fut pas discuté. On touchait à la fin de la session, et la première moitié de l'année suivante fut remplie par les phases diverses de la crise dans laquelle le gouvernement de la Restauration succomba.

1 Exposé des motifs et projet de loi concernant le tarif et la législation des douanes, présenté à la Chambre des députés, le 21 mai 1829.

2 Examen de l'enquête commerciale sur les fers et sur les sucres, par M. Anisson-Dupéron. Paris, 1829.

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CHAPITRE VII.

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La Chambre des députés et le gouvernement de Louis-Philippe en matière de tarifs de douanes. Doctrines exposées en 1832 par M. le comte d'Argout, au nom du gouvernement, au sujet d'une révision du tarif.—Coup d'œil rétrospectif sur les tarifs de la Restauration. - Rapport de M. de Saint-Cricq sur le projet de loi présenté par M. d'Argout. - Nouveau projet de loi présenté en 1834 par M. Thiers. Proposition de réduire les droits sur les bestiaux. Motifs invoqués à ce sujet. - Le projet de loi n'arrive pas à discussion.- Le gouvernement manifeste l'intention de supprimer les prohibitions.. Circulaire et intentions libérales de M. le comte Duchâtel à ce sujet.-Enquête de 1834.Réponses des Chambres de commerce du royaume.-Singuliers manifestes de la Chambre de commerce et des fabricants de Roubaix. Le projet de supprimer les prohibitions est abandonné. - Projets de lois de douanes présentés en 1836 par MM. Duchâtel et Hippolyte Passy. Remarquable rapport de M. Théodore Ducos. La discussion des deux projets de loi remplit dix-sept séances à la Chambre des députés. Discours de MM. Charles Dupin, Thiers, Passy, Duchâtel. — Une révision de quelques articles du tarif est proposée en 1840. — Contradictions économiques de M. Martin (du Nord ). · Union douanière allemande. Détails sur sa formation. - Ses conséquences économiques. Tentatives faites en France pour établir une union douanière avec la Belgique. - Principaux articles d'un projet d'union. - Les négociations y relatives sont abandonnées en 1842.- D'importantes discussions sur le tarif des douanes marquent la session de 1845.- Traités avec la Belgique et la Sardaigne. Augmentation des droits sur la graine de sésame. Le gouvernement, la Commission et l'amendement de M. Darblay. Une discussion des plus intéressantes a lieu à la Chambre des pairs, à la suite d'un rapport de M. Passy. — Les coalitions jugées par M. d'Harcourt, à l'occasion du vote sur le sésame.- MM. Charles Dupin, Pelet de la Lozère, Passy, Barthélemy, etc., insistent sans succès pour l'adoption d'un droit modéré. — Résumé des réformes économiques opérées en Angleterre par sir Robert Peel.— Formation de la ligue pour l'abolition de la loi sur les céréales. - Détails sur son organisation. Son triomphe après une lutte de huit années. - Association française pour la liberté des échanges. — Déclaration de principes. Mouvement économique en France et en Europe de 1846 à 1848. - Les masses n'y prennent aucune part. Constitution, à Paris, d'un Comité pour la défense du travail national. — Étrange lettre qu'il adresse au Conseil des ministres. Placards expédiés dans les manufactures contre l'Anglais et les libre-échangistes. - Habile manifeste publié par le Comité de la prohibition. - Il est réfuté d'une manière remarquable par M. Léon Faucher. — Projet de loi de douane présenté en 1847 par le gouvernement. Intentions libérales de l'exposé des motifs. - Les principales dispositions du projet de loi n'obtiennent pas l'assentiment de la Commission nommée par la Chambre des

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