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« Mais, dit Bluntschli, si sous le nom d'impartialité on entend que l'Etat neutre ne doit manifester aucune sympathie pour un des belligérants et ne doit rien blâmer de ce que fait l'autre, ou doit même garder l'attitude d'un juge impartial, cette manière de voir ne saurait être approuvée1. »

En résumé, il est assez difficile de donner une définition exacte de la neutralité. Cependant, pour y arriver et serrer le sujet d'un peu plus près, il est convenable sans doute de citer quelques faits.

Le 22 avril 1793, par une proclamation, Washington annonce que les Etats-Unis resteront neutres dans la guerre entre la France et l'Angleterre, et déclare que le devoir et l'intérêt des Etats-Unis sont de:

Conserver leur impartialité et leurs relations d'amitié avec les deux puissances belligérantes.

Il engage de plus tous les citoyens

A s'abstenir de tous actes d'hostilité envers l'une ou l'autre des parties.

Pris en particulier, les sujets des Etats neutres ne doivent pas manquer aux devoirs que la neutralité impose aux Etats dont ils sont les ressortissants; s'ils aident l'un des belligérants, l'autre a le droit de se plaindre à l'Etat souverain, de demander, d'exiger leur punition; si l'Etat refuse cette satisfaction, si, par une tolérance coupable, il laisse la fraude s'exercer sous ses yeux, il cesse d'être neutre, et peut se trouver surpris par des représailles et même par la guerre. Cela est d'autant plus juste que les ressortissants d'un Etat neutre ont le droit, pendant la guerre comme pendant la paix, de faire

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le commerce avec les ressortissants des Etats belligérants. L'état de guerre n'interrompt les relations commerciales qu'autant que les opérations militaires l'exigent. C'est ce que faisait très exactement ressortir S. M. Danoise aux Cours de Londres, Versailles et Madrid, dans sa note du 8 juillet 1780:

Si, disait-Elle, les devoirs de la neutralité sont sacrés, le droit des gens a aussi ses arrêts avoués par toutes les nations impartiales, établis par la coutume et fondés sur l'équité et la raison. Une nation indépendante et neutre ne perd point par la guerre d'autrui les droits qu'elle avait avant cette guerre, puisque la paix existe pour elle avec tous les peuples belligérants, sans recevoir et sans avoir à suivre les lois d'aucun d'eux. Elle est autorisée à faire dans tous les lieux (la contrebande exceptée) le trafic qu'elle aurait le droit de faire si la paix existait dans toute l'Europe comme elle existe pour elle.

De ce droit incontestable qui appartient à tout Etat neutre il n'est pas inutile de rapprocher quelques-uns de ses devoirs, entr'autres ceux qui ont été fixés dans les trois règles du Traité de Washington (Art. VI), à propos de l'affaire de l'Alabama.

Un gouvernement neutre est tenu :

a.— De veiller avec soin à ce que tout navire de guerre ou croiseur qui doit être considéré avec fondement comme destiné à la guerre avec une puissance amie ne soit pas équipé ni armé sur son territoire ;

b. De ne pas permettre ou tolérer que l'une des parties belligérantes use des ports ou des eaux de l'Etat neutre comme base de ses opérations maritimes contre son ennemi pour renouveler ou renforcer ses forces militaires ou pour lever des hommes;

C.

De pourvoir avec soin dans ses ports et dans les eaux dépendant de son territoire, comme aussi vis-à-vis de toutes les personnes séjournant dans son territoire, à ce que toute atteinte aux devoirs ci-dessus soit empêchée.

Manquer à ces devoirs ne servirait qu'à attirer sur lui la guerre puisqu'il aurait participé à celle-ci : car il ne suffit pas à un Etat de se dire neutre, il faut que sa neutralité soit effective, qu'elle existe

en fait. Il est arrivé malheureusement trop souvent qu'un Etat qui voulait rester neutre a vu son sol envahi par les deux belligérants. Trop faible pour faire respecter sa neutralité, pour résister aux forces de l'un des combattants, pour les empêcher de passer à travers son territoire ou de s'emparer des villes ou des ports, il subit, non sans luttes peut-être, la violence qui lui est faite. Mais alors sa neutralité n'existant plus en fait, l'autre belligérant pourra, si bon lui semble, user à son tour de violence; ne plus considérer comme neutres les ports, villes et territoire de cet Etat envahi, et porter sur ce territoire à la rencontre de celles de son ennemi ses propres forces.

C'est une violation des droits des neutres. Il y en a bien d'autres, comme on pourra le constater par la suite. Mais si les droits des neutres ont été ou peuvent être violés, ce qui est très fàcheux, du moins ces violations doivent-elles servir à mieux fixer les limites de la guerre comme aussi celles de la neutralité.

Désormais on pourra donc définir la neutralité : l'état d'une nation qui, faisant usage de sa liberté naturelle, de son indépendance, reste en paix lorsque d'autres nations se font la guerre; qui continue à entretenir avec les parties belligérantes les relations d'amitié, de commerce ou simplement d'humanité existantes avant l'ouverture des hostilités : et qui, pénétrée de ses droits et de ses devoirs, s'applique à interdire à elle-même comme à ses ressortissants toute participation directe ou indirecte à la guerre, et est prête à faire respecter ses volontés pacifiques par les belligérants.

CHAPITRE IV

DES NAVIRES

Deux catégories de navires.

Assimilation des navires au territoire: fausse pour les navires de commerce; vraie pour les navires de guerre. Autres différences en ce qui concerne la visite; l'extraterritorialité; les papiers de bord.

Lorsqu'un Etat neutre n'a ni côtes ni colonies, les manifestations de sa neutralité se trouvent généralement restreintes dans les limites de son territoire. Mais lorsque c'est un Etat maritime qui se proclame neutre, alors on se trouve aux prises avec des difficultés d'un autre ordre, et les droits et les devoirs de la neutralité sont exposés tous les jours, sur la surface des mers, à entrer en conflit avec les droits et les devoirs des belligérants, partout où peuvent aller les navires.

Il y a deux grandes catégories de navires : les vaisseaux de guerre et les vaisseaux marchands; les uns destinés au combat, les autres au commerce; les uns représentant la puissance, la force de l'Etat, les autres les intérêts, la fortune de la nation; les uns, enfin, comme tout ce qui appartient à l'Etat, susceptibles d'ètre confisqués, pris, capturés; les

autres, propriétés privées et pour lesquels on réclame une complète inviolabilité.

«Tout navire est une portion du territoire de la nation à laquelle il appartient'. »

Telle est, généralement, l'assimilation que l'on trouve dans les auteurs. Les navires y sont regardés comme des portions flottantes du territoire de l'Etat dont ils dépendent et dont ils sont autorisés à porter le pavillon. Il existe, en effet, entre le navire et le territoire de sa nation, un lien patriotique, naturel, ostensible: le pavillon est le signe, le symbole de cette dépendance. Néanmoins, pour les navires de commerce, il est difficile de les assimiler à une portion du territoire. Le territoire c'est l'Etat souverain; le navire de commerce est une propriété privée, considérée comme un meuble, malgré l'hypothèque qui peut la grever. Donc l'assimilation, juste pour les navires de guerre, ne l'est plus pour les autres bâtiments.

Cependant il ne faudrait pas, comme de Cussy, la pousser à l'extrême, car on arriverait à des conclusions extraordinaires :

« Un vaisseau de guerre, dit-il, en pleine mer emporte avec lui sur l'Océan une souveraineté ambulatoire incontestable; dans cette situation il a même une sorte de territoire autour de lui, une atmosphère propre qui a pour mesure la portée de ses canons, et si un navire se réfugie dans ce rayon il sera à l'abri des poursuites de l'agresseur, comme s'il était dans une rade ou dans un port neutre. » « Cette théorie, dit Perels, est arbitraire: elle

Revue des Deux-Mondes, 15 janvier 1843.
Phases et causes célèbres.

1. Pele' de la Lozere 2. De Cussy.

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