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tion de cette Convention des restrictions qui devaient nuire à l'alliance elle-même. Ce que Napoléon désirait par dessus tout c'était le concours le plus absolu, le plus complet de la Russie contre l'Angleterre, et cependant le préambule de la Convention remettait à une entente ultérieure les nouvelles déterminations à prendre, les nouveaux moyens d'attaque à diriger contre l'Angleterre, leur ennemie commune et l'ennemie du Continent. Néanmoins par l'Article Ier ils renouvelaient l'alliance conclue entre eux à Tilsitt, s'engageaient non seulement à ne faire avec l'ennemi commun aucune paix séparée, mais encore à n'entrer avec lui dans aucune négociation et à n'écouter aucune de ses propositions que d'un commun accord. Cependant, pour frapper l'Europe par une démarche pacifique, ils résolurent de faire auprès de l'Angleterre des tentatives publiques et de nommer des plénipotentiaires pour traiter de la paix avec cette Puissance dans la ville du Continent qu'elle désignerait.

Ces plénipotentiaires devaient agir constamment avec le plus parfait accord et ne rien approuver de ce qui pourrait être favorable à une seule des deux Puissances. La base du Traité avec l'Angleterre devait être l'uti possidetis. Une condition absolue de la paix devait être aussi la reconnaissance de la Finlande, de la Valachie et de la Moldavie comme parties intégrantes de l'Empire russe.

L'ordre de choses établi par la France en Espagne serait également reconnu. Or, ce qu'il y avait de curieux dans ces engagements c'est qu'ils étaient basés sur des hypothèses puisque, loin d'être maître de l'Espagne, Napoléon ne faisait qu'y commencer ses épreuves; que la Finlande n'était point complète

ment conquise et que l'espoir d'Alexandre de s'adjuger les deux provinces danubiennes ne reposait que sur les révolutions et les changements qui agitaient l'Empire ottoman et qui ne laissaient aucune possibilité de donner et par conséquent aucune espérance d'obtenir des garanties suffisantes pour les personnes et les biens des habitants de la Valachie et de la Moldavie. Néanmoins Napoléon reconnaissait la dite réunion et portait sur la carte de l'Europe jusqu'au Danube les limites de l'Empire russe. Mais, dans la honte d'une telle trahison envers un Gouvernement qui avait autrefois tant aidé la France et qui, dans les dernières années, lui avait donné, grâce à Sebastiani, de si importantes preuves de bonne volonté, Napoléon voulut que le secret le plus profond fut gardé sur son adhésion au démembrement de l'Empire ottoman et que l'on cherchât par une négociation à obtenir la cession amiable des deux provinces. Il redoutait d'ailleurs que la Turquie ne se jetàt aussitôt dans les bras de l'Angleterre. Aussi, poussant encore plus loin les restrictions que lui inspirait cet acte de spoliation auquel il prenait part, stipula-t-il que, si la Porte refusait la cession et si la guerre se rallumait, il n'y prendrait aucune part et se bornerait à employer ses bons offices auprès de la Porte Ottomane. Mais si l'Autriche ou quelque autre Puissance faisait cause commune avec l'Empire ottoman contre la Russie, si d'autre part l'Autriche se mettait en guerre contre la France, dans le premier cas Napoléon agirait avec la Russie, et, dans le second, Alexandre se déclarerait contre l'Autriche et agirait avec la France. Par une bienveillance particulière pour l'Empire ottoman les deux Empereurs daignaient s'engager à maintenir l'intégrité des autres

possessions de cet Empire. Puis, après s'être ainsi faits les arbitres du Continent, ils se promirent de se revoir l'année suivante pour s'entendre sur les opérations de la guerre commune et sur les moyens de la poursuivre avec toutes leurs forces et toutes leurs ressources.

Cette nouvelle alliance, greffée sur celle de Tilsitt et remplie de nombreuses restrictions, ne devait donner de résultats positifs ni d'un côté ni de l'autre. Chacun des signataires se retira mécontent de ce qu'il avait donné et de ce qu'il n'avait pas reçu, et cette entrevue qui avait pour but de resserrer l'alliance n'eut d'autre résultat pratique que de la relâcher jusqu'au moment où le génie infidèle de Napoléon le conduisit, comme par la main, de fautes en fautes, jusqu'aux champs glacés sous lesquels s'endormirent pour toujours sa puissance et ses soldats et où s'éteignirent sous un ciel sombre les rayons de sa splendide étoile.

Les prévisions contenues dans la Convention et concernant l'Autriche ne devaient pas tarder à se réaliser. Menacée en Espagne, l'Angleterre avait su entraîner de nouveau cette Puissance contre Napoléon, et la Russie, appelée à coopérer à la guerre, ne l'avait fait que très mollement, ce qui ne l'avait pas empêchée de s'agrandir aux dépens de son ancienne alliée de 1805 comme elle s'était agrandie, en 1807, aux dépens de la Prusse.

Appelé d'autre part à coopérer au Blocus Continental, Alexandre avait lancé, le 1er Août 1809, un Ukase relatif aux bâtiments neutres qui entraient dans les ports russes. En cette occasion encore son concours à Napoléon fut limité, car au lieu de prendre contre les faux Neutres les mesures énergiques

que réclamait son puissant allié, il se contenta d'édicter des mesures pour éviter les fraudes, en prescrivant les documents à fournir et en n'ordonnant la confiscation des marchandises chargées que si la moitié de la cargaison provenait de l'ennemi.

Ainsi, moins d'une année après sa conclusion, la Convention d'Erfurt, si elle n'avait pas reçu d'atteintes quant à son texte, en avait reçu de graves quant à son esprit, et la défiance allait succéder à la tendre amitié.

Deux questions contribuèrent puissamment à opérer ce changement: celles du mariage et de la Convention relative à la Pologne.

Déjà, à Tilsitt, Napoléon qui songeait à divorcer, avait jeté les yeux sur une sœur d'Alexandre. Mais des difficultés familiales avaient paru insurmontables à Alexandre. A Erfurt, par l'entremise de Talleyrand, la question avait été de nouveau abordée et les difficultés avaient été reconnues moins insurmontables. Après la campagne de 1809, Napoléon ayant résolu de divorcer fit demander à Alexandre une réponse définitive. Il s'agissait d'obtenir de l'Impératrice mère et de l'Archiduchesse Catherine un consentement formel à l'union de l'Archiduchessc Anne avec Napoléon. Alexandre et surtout M. de Romanzoff voulurent profiter de la circonstance pour lier cette question du mariage à celle du rétablissement de la Pologne au sujet duquel jusqu'alors Napoléon n'avait pas voulu s'engager formellement.

Ils firent donc traîner en longueur la solution de la question du mariage espérant que dans son impatience à s'allier à une maison souveraine Napoléon, fils de la Révolution, et parvenu grâce à elle aux plus hautes destinées, finirait par se laisser entrainer

à donner à la fois deux signatures: l'une pour consacrer le triomphe de la Révolution sur la Royauté; l'autre, le triomphe des Souverains contre la volonté des peuples.

Mais, tandis qu'en Russie on remettait de dix jours en dix jours la réponse définitive à la demande de Napoléon, l'Autriche intriguait à Paris en faveur de l'Archiduchesse Marie-Louise; et Napoléon, fatigué des lenteurs de Saint-Pétersbourg, espérant s'attacher l'Autriche et décidé à mettre dans son lit une fille de sang royal, choisissait l'Autrichienne.

Il fallut naturellement expliquer par des raisons aussi valables que possible l'espèce d'affront que l'on allait faire essuyer à la Russie pour se venger des blessures d'amour propre qu'avaient causées ses lenteurs. On fit alors remarquer que la Princesse Anne n'était pas encore réglée; que quelquefois les filles restaient deux années entre les premiers signes de nubilité et la maturité; que les délais pour la réponse de la Russie étaient expirés depuis longtemps; que l'Empereur ne pouvait concevoir comment, quand I'Impératrice mère avait donné son consentement, quand l'opinion de la Princesse Catherine était favorable, l'on n'avait pas répondu de suite et positivement, et que ces délais avaient contrasté singulièrement avec l'empressement de l'Autriche; que, sans doute, à Erfurt, il avait été question de la Princesse Anne, mais que Napoléon se croyait suffisamment libre, non d'un engagement puisqu'il n'y en avait jamais eu, mais d'une obligation de tacite honnêteté que lui imposait son amitié pour le Czar Alexandre, par le délai d'un mois qu'il avait mis à répondre à une question si simple.

C'est ainsi que, le 7 Février 1810, le Duc de Cadore

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