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Les Anglais s'étaient empressés de signer cette capitulation car la saison des glaces allait arriver et ils ne se souciaient pas d'avoir leur affaire du Texel. Mais, peu respectueux des termes de la capitulation, ils offrirent au Roi de Suède, qui n'y consentit pas, de garder la Séeland; puis ils détruisirent ou brûlèrent tout le matériel de la marine danoise qu'ils ne purent charger sur leurs navires, et quittèrent le théàtre de leur perfidie et de leur honte.

Avant le passage du Sund par la flotte anglaise, le 3 août, Napoléon avait chargé M. de Talleyrand d'écrire au Cabinet de Copenhague pour lui faire sentir qu'il était temps de prendre un parti, que la cause de la France était la sienne car la France ne luttait contre l'Angleterre que pour la question des Neutres, et la question des Neutres était une question d'existence pour toutes les Puissances navales, surtout pour les plus petites, habituellement les moins ménagées par la suprématie britannique.

L'expédition anglaise facilita cette entente.

Le 14 Septembre, Napoléon écrivait au Roi de Hollande :

«Je vous prie de me faire connaître si, sans délai, plusieurs divisions de chaloupes canonnières peuvent se mettre en mouvement pour se rendre de vos ports en Danemark et y aller seconder les opérations du Prince Royal.... Réitérez les ordres pour que les communications avec l'Angleterre soient fermées de la manière la plus stricte. Il faut que les bâtiments qui viendraient d'Angleterre, au lieu d'être renvoyés, soient confisqués. Dans ce moment où tout le monde est indigné contre l'Angleterre il serait d'un très mauvais effet que l'on pût penser que les Anglais sont traités avec plus de

ménagements dans les ports de Hollande ou de France.

Les nouvelles de Copenhague ont porté au plus haut point l'irritation à Saint-Pétersbourg. »

Le 9 Novembre, à M. Decrès :

« Dans les circonstances actuelles, la navigation offre toutes sortes de difficultés. La France ne peut regarder comme neutres des Pavillons sans considération. Celui d'Amérique, quelque exposé qu'il soit aux avanics des Anglais, a une sorte d'existence, puisque les Anglais gardent encore quelque mesure à son égard et qu'il leur en impose. Celui du Portugal et celui du Danemark n'existent plus. Celui des petites villes allemandes dont les noms sont à peine connus est soumis par les Anglais à telle législation qui leur convient. L'Angleterre ne le laisse entrer dans les ports de France que parce qu'il est dans sa dépendance et qu'il ne navique que pour son intérêt. Il faut proposer un projet de décret pour déclarer que les bâtiments portant ces pavillons, qui entrent, ne peuvent sortir et qu'ils doivent être soumis à toutes les rigueurs du blocus. »

Le 28, à l'Empereur de Russie pour lui proposer de faire une déclaration commune au sujet de Copenhague.

Le 30, au Prince Royal de Danemark :

« J'ai reçu la lettre de V. A. Royale du 12 Septembre. J'ai pris et je prends une part sincère aux malheurs que vient d'éprouver le Danemark. Il est à regretter qu'à force de ruses et de mauvaise foi le Gouvernement anglais ait donné le change aux Ministres du Danemark sur les véritables dangers du moment; car si une partie de l'armée de V. A.

Royale se fût trouvée à Copenhague les choses eussent tourné bien autrement. Mais le passé est sans remède. Je compte sur Son énergie et la bravoure de la nation. Je seconderai volontiers V. A. Royale dans tout ce qu'elle entreprendra pour rentrer dans Son pays. J'ai fait donner à cet effet des pleins pouvoirs à mon Ministre pour conclure et signer toute Convention à cet égard' ».

Le 30 Octobre, il ratifiait le Traité de Fontainebleau par lequel le Danemark donnait son adhésion au système continental, concluait une alliance offensive et défensive, et autorisait l'envoi de troupes françaises dans les îles de Fionie et de Séeland pour fermer le Sund, le passer sur la glace, et envahir la Suède au moment où les Russes entreraient en Finlande.

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1. Correspondance de Napoléon. No 13201. - Fontainebleau.

CHAPITRE XI

ANGLETERRE ET RUSSIE

Impression produite en Russie par l'affaire de Copenhague. - Modération du Czar. Perfides propositions de l'Angleterre. Déclaration du Czar contre l'Angleterre. L'ambassade anglaise quitte Saint-Pétersbourg. Contre-déclaration du Gouvernement britannique. Appréciations.

En Russie l'expédition de Copenhague ne fut pas ressentie moins vivement. D'abord on craignit pour Cronstadt le sort de Copenhague. Puis, quand l'Amiral Gambier eut repassé le Sund, le Czar ne se plaignit à l'Angleterre qu'en termes modérés; il protestait encore de son amitié et employait des moyens dilatoires avec l'Ambassadeur qui cherchait à pénétrer les secrets de Tilsitt. Mais, quand pour arriver à son but, Lord Gower lui eut demandé de s'interposer pour apaiser le Prince Royal de Danemark, lui proposer une indemnité pour la flotte et le matériel naval à la condition qu'il s'engagerait à observer la neutralité la plus parfaite, le Czar, duquel d'ailleurs l'Ambassadeur de France réclamait l'exécution du Traité, le Czar fit remettre à Lord Lewison Gower la Déclaration suivante qui était une véritable déclaration de guerre :

Plus l'Empereur attachait de prix à l'amitié de S. M. Britannique, plus il a dû voir avec regret que ce monarque s'en éloignait tout-àfait.

Deux fois l'Empereur a pris les armes dans une cause où l'intérêt le plus direct était celui de l'Angleterre ; il a sollicité en vain qu'elle coopérât au gré de son propre intérêt; il ne lui demandait pas de joindre ses troupes aux siennes ; il désirait qu'elle fit une diversion; il s'étonnait de ce que, dans sa propre cause, elle n'agissait pas de son côté. Mais, froide spectatrice du sanglant théâtre de la guerre qui s'était allumée à son gré, elle envoyait des troupes attaquer Buénos-Ayres. Une partie de ses armées qui paraissait destinée à faire une diversion en Italie quitta finalement la Sicile où elle s'était assemblée. On avait lieu de croire que c'était pour se porter sur les côtes de Naples; l'on apprit qu'elle était occupée à essayer de s'approprier l'Egypte.

Mais ce qui toucha sensiblement le cœur de S. M. I., c'était de voir que, contre la foi et la parole expresse et précise des traités. l'Angleterre tourmentait sur mer le commerce de ses sujets et à quelle époque ? lorsque le sang des Russes se versait dans les combats glorieux qui retenaient et fixaient contre les armées de S. M. I. toutes les forces militaires de S. M. l'Empereur des Français, avec qui l'Angleterre était et est encore en guerre!

Lorsque les deux Empereurs firent la paix, S. M., malgré ses justes griefs contre l'Angleterre, ne renonça pas encore à lui rendre service; Elle stipula dans le traité même qu'Elle se constituerait médiatrice entre elle et la France; ensuite Elle fit l'offre de sa médiation au Roi de la Grande-Bretagne; Elle le prévint que c'était afin de lui obtenir des conditions honorables. Mais le Ministère britannique, apparemment fidèle à ce plan qui devait relâcher et rompre les liens de la Russie et de l'Angleterre, rejeta la médiation.

La paix de la Russie avec la France devait préparer la paix générale; alors l'Angleterre quitta subitement cette léthargie apparente à laquelle elle s'était livrée; mais ce fut pour jeter dans le nord de l'Europe de nouveaux brandons qui devaient rallumer et alimenter les feux de la guerre qu'elle ne désirait pas voir s'éteindre.

Ses flottes, ses troupes parurent sur les côtes du Danemark, pour y exécuter un acte de violence dont l'histoire, si fertile en exemples, n'en offre pas un seul de pareil.

Une puissance tranquille et modérée qui, par une longue et inaltérable sagesse, avait obtenu, dans le cercle des monarchies, une dignité morale, se voit saisie, traitée comme si elle tramait sourdement des complots, comme si elle méditait la ruine de l'Angleterre : le tout, pour justifier sa totale et prompte spoliation.

L'Empereur, blessé en sa dignité, dans l'intérêt de ses peuples,

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