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CHAPITRE PREMIER

DE LA PROPRIÉTÉ PRIVÉE EN CAS DE GUERRE MARITIME

Les lois de la guerre maritime. Les lois de la guerre continentale. Inviolabilité de la propriété privée sur terre. Violabilité de la propriété privée sur mer. - Illégitimité d'un tel état de choses. - Importance du commerce maritime. - Manifestations en faveur de la propriété privée sur mer.

De toutes les questions que présente le droit public des nations entre elles, de toutes les questions qui ont armé les peuples les uns contre les autres, il n'en est pas de plus graves et de plus controversées que celles qui se rattachent à la situation des Neutres, à leurs droits et à leurs obligations en temps de guerre maritime1.

En effet, tandis que, dans les guerres continentales, les progrès de la civilisation se faisaient sentir dès les âges les plus reculés; tandis que les règles protectrices des individus et de leurs biens planaient. au-dessus des belligérants et leur imposaient de la retenue; tandis que la guerre sur terre se trouvait peu à peu maintenue dans des limites précises, la

1. Casimir Périer. Du droit maritime à propos du différend anglo-américain. (Rev des Deux-Mondes, 15 janvier 1862).

guerre maritime était libre de toute entrave; tous les excès y étaient permis; le Droit ne pouvait la dominer les principes les plus clairs, les plus justes, ne parvenaient pas à s'établir. Semblables aux vagues de l'Océan, les lois de la guerre maritime paraissaient limpides, sages, régulières, et tout à coup elles sombraient dans la tempête, elles disparaissaient, s'anéantissaient sous les efforts répétés des puissances égoïstes, ou semblaient un mélange informe et tourmenté comme les flots secoués par l'orage, commé ces flots au-dessus desquels elles avaient la prétention de régler les conflits des hommes. De sorte que, comme s'il y avait deux raisons et deux justices, les choses étaient réglées par deux droits différents'.

Sur terre, il est de règle aujourd'hui de respecter les personnes et les sujets désarmés et inoffensifs; de ne saisir que les hommes qui portent les armes et de les retenir prisonniers en laissant aux autres. leur liberté, pourvu qu'ils ne se livrent pas contre la sûreté du vainqueur à des actes répréhensibles, et qu'ils se soumettent aux lois qu'il promulgue.

Le vainqueur, de son côté, a tout intérêt à respecter les habitants paisibles. S'il veut conserver le pays envahi, s'il veut le retenir pour affaiblir son adversaire, il est évident qu'il lui importe de ne pas ruiner une province qu'il veut conserver ou qu'il doit chercher à profiter de toutes les ressources dont l'ennemi sera privé. A quoi lui servirait de réduire au désespoir les personnes qui sont prêtes. à supporter sa présence ? de confisquer les biens? d'ameuter contre lui par des vexations inutiles une population que le désir de la vengeance pousserait

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Mémoires de Napoléon, t. III, p. 297-366. Edit. de 1830.

à prendre les armes et dont la révolte l'obligerait à immobiliser une bonne partie de ses troupes? D'ailleurs, sur terre, c'est contre l'Etat et non contre les particuliers que la guerre est dirigée; l'ordre public doit être respecté pour autant que les opérations militaires ne s'y opposent pas; par conséquent l'inviolabilité de la propriété privée est un des principes fondamentaux de la guerre. Souvent, il est vrai, ce principe reçoit des atteintes; elles ne doivent être que la conséquence de nécessités bien définies. Faut-il s'emparer d'une ferme, d'un village occupés par l'ennemi et dont la prise importe au succès de la journée ?.les boulets ne choisissent pas leurs victimes, et les maisons s'enflamment ou s'écroulent sur les défenseurs. Faut-il défendre une position, une ville forte? les arbres, les maisons qui gèneraient la défense seront abattus ou rasées. Les armées dans leurs divers mouvements traversent les coteaux et les plaines, foulant aux pieds les vignobles et les moissons. Mais ces diverses manifestations de la guerre n'infirment en rien le principe de l'inviolabilité de la propriété privée : ce sont les exceptions confirmant la règle.

De plus, les puissances belligérantes n'ont pas le droit de traiter en ennemis sur le théâtre de la guerre les ressortissants des Etats neutres; elles ne peuvent confisquer les propriétés qu'ils possèdent : elles ne peuvent les assujettir qu'aux mesures générales que la guerre nécessite.

Sur mer, toutes ces règles sont renversées. La propriété privée devient l'objet des recherches les plus ardentes: elle est capturée, emmenée, vendue pour le plus grand bénéfice du capteur.

La guerre maritime ne consiste pas seulement à détruire les flottes ennemies, les ouvrages de fortification et les établissements maritimes et militaires qui se trouvent sur le littoral de la partie adverse; à opérer des débarquements, à entreprendre et à conduire des opérations militaires de toute espèce; à défendre et à protéger les côtes nationales; elle a pour but l'abaissement de la puissance navale de l'ennemi dans le sens le plus absolu du mot. Le commerce maritime de la nation ennemie est donc enveloppé dans la guerre, qui, lorsqu'elle est engagée sur mer, a pour but principal de nuire à ce commerce et de le détruire'.

Sur mer, l'on a considéré de tout temps comme un des moyens les plus efficaces de nuire à l'ennemi, de le réduire à demander la paix, la capture des navires marchands, la prise et la détention des marins qui servent à leur bord, sous prétexte de le priver ainsi de ses plus indispensables ressources.

Le commerce maritime est pour les puissances qui s'y livrent une source féconde de richesses.

Ruiner ce commerce est un moyen efficace de nuire à l'ennemi. Un navire marchand est une propriété. privée très isolée, dont la perte n'est pas constatée immédiatement par toute une population. voisine; il est monté par un petit nombre d'hommes que l'on peut emmener en captivité sans soulever les protestations indignées des concitoyens absents; le navire capturé est une perte pour sa nation et devient un véritable gain pour l'ennemi qui peut s'en servir pour ses transports.

Ainsi, sur mer, les propriétés particulières sont

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Manuel de droit maritime international. (Traduction de L. Arendt).

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