DE LA RÉVOLUTION DE FRANCE, PAR A. F. BERTRAND DE MOLEVILLE, TROISIÈME PARTIE, Comprenant les années 1793, 1794, 1795, 1796, CHEZ GIGUET ET MICHAUD, IMPRIM.-LIBRAIRES, AN XI. -(1803.) 1-31-27 14017 DE Histoire de la république depuis le nouvel ordre de choses introduit par la constitution de l'an 3, jusqu'à l'acte de tyrannie, connu sous le nom de journée de fructidor. LA constitution, marchant seule à la régénération de l'ordre, auroit obtenu peu à peu l'assentiment général, tant les perturbateurs eux-mêmes étoient las des déchiremens qu'ils avoient causés sans qu'ils en pussent recueillir pour eux-mêmes quelque avantage durable! Mais elle avoit à sa suite les deux décrets de fructidor, et les blessures de l'état qu'elle étoit destinée à guérir, en furent plus que jamais envenimées. Le bien qu'on gâte par système est plus nuisible que le mal qu'on fait naturellement : car alors les peuples ont à souffrir à la fois et de la maladie politique et du remède. La scène que nous allons parcourir présente une nouvelle décoration : ce n'est plus une démocratie ombrageuse et sans frein, qui, fière des trois pouvoirs qu'elle réunit, promène la faux de la mort indistinctement sur tout ce qu'elle peut atteindre; c'est une aristocratie populaire qui s'agrandit dans l'ombre, sollicitant auprès de l'opinion publique une surveillance qu'elle redoute, et prêchant une égalité à laquelle elle ne croit pas : divisée par le vice organique du code qui la constitue en deux classes essentiellement ennemies, le corps législatif qui fait des décrets et le directoire qui les exécute, on voit ces deux émanations, de l'antique monarchie, s'observer long-temps en silence, et quand une fois elles ont la conscience de leurs forces, se disputer les lambeaux de la souveraineté. Alors s'élève un combat à mort entre les deux puissances car le trône, même plébéien, est trop étroit aux yeux d'une ambition vulgaire, pour que deux concurrens puissent s'y as seoir bientôt l'épée tranche le noud gordien; le directoire triomphe des dépositaires des lois parce qu'il a dans sa main l'or et le fer, et un nouveau 31 mai s'exécute sous le nom de journée de fructidor. A trois ou quatre grands faits près, il règne pendant la majeure partie de ce période un vide dans l'administration intérieure de la France qui énerve les pinceaux de l'histoire mais la curiosité publique est dédommagée par les guerres du dehors; jamais la république ne présenta une attitude plus imposante devant les rois, que lorsque son gouvernement restoit dans l'inertie; elle trouvoit pénible de se régir elle-même, et elle commandoit l'admiration à l'Europe par l'éclat de ses victoires. " Parcourons ce période, en le dessinant à grands traits ne nous arrêtant que sur ceux qui sont dignes, par leur éclat factice ou réel, d'occuper la pensée, réunissant sous un seul point de vue les événemens que l'ordre futile des dates mor celle sans cesse, et préférant à la chronologia minutieuse des annales faites pár des bénédic tins, la marche imposante des histoires écrites par Xénophon, Tacite, David Hume ou l'abbé de Vertot. |