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nomie singulière ses cheveux blancs prouvaient son âge; mais sur la peau du visage n'apparaissait pas la moindre ride. Cette femme me dit son secret: toute sa vie elle avait eu recours aux lotions les plus répétées. Le soir et le matin, et toutes les fois que quelques chagrins lui avaient fait verser des larmes, elle se jetait sur le visage un léger nuage de poudre de riz.

La peau est un thermomètre certain sur lequel se constatent les oscillations de la santé; lorsque tout se passe régulièrement dans notre être, le thermomètre est au beau; la transpiration insensible donne alors à la peau de la souplesse, des reflets chatoyants à tous les méplats du visage, du lustre à la chevelure; lorsque cet état se produit, on appelle cela être en beauté.

Commettez un excès, que l'estomac soit irrité, le pouls un peu fébrile, cette transpiration insensible se supprime, la peau devient sèche, perd son éclat, sa transparence, les cheveux n'ont plus de souplesse.

Cet état presque maladif de la peau, c'est l'état normal et continuel de la peau écailleuse du vieillard. Les vaisseaux capillaires les plus ténus de la peau du visage ne s'injectent plus instantanément chez les vieillards. D'abord la sensibilité qui produit cette rougeur fugitive et indiscrète lui manque, et, de plus, le réseau si ténu des vaisseaux capillaires du visage résisterait à ces légères ondées du sang artériel. Le vieillard ne rougit plus; il est doublement à l'abri de ces

colorations du visage qui trahissent les secrets du cœur de l'enfance et de la jeunesse.

On se préoccupe surtout dans un âge avancé des menaces d'apoplexie. L'apoplexie se produit dans toutes les constitutions les plus diverses; on est ou on n'est pas voué à l'apoplexie; et tous les excès qui peuvent la déterminer n'en sont que des causes occasionnelles. Un excès peut hâter une attaque; un excès peut même la retarder. L'apoplexie, comme toutes les maladies, est surtout héréditaire. C'est donc se créer d'inutiles et souvent de dangereux soucis que de s'en préoccuper.

Saint-Simon nous montre, dans la fin de madame de Montespan, les dangers de ces transes, de ces terreurs de la mort : « Belle comme le jour jusqu'au dernier moment de sa « vie, sans être malade, elle croyait toujours l'être et aller « mourir. Cette inquiétude l'entretenait dans le goût de « voyager, et, dans ses voyages, elle menait toujours sept ou huit personnes de compagnie. Elle était tellement tour« mentée des affres de la mort, qu'elle payait plusieurs ⚫ femmes dont l'emploi unique était de la veiller; elle cou

chait tous ses rideaux ouverts avec beaucoup de bougies « dans sa chambre, ses veilleuses autour d'elle, qu'à toutes « les fois qu'elle se réveillait, elle voulait trouver causant,

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joliant ou mangeant pour se rassurer contre leur as

«. soupissement.

«La dernière fois qu'elle alla à Bourbon, et sans besoin,

«< comme elle faisait souvent, elle paya deux ans d'avance « de toutes les pensions charitables qu'elle faisait en grand « nombre, presque toutes à de pauvre noblesse, et dou<< bla toutes ses aumônes. Elle avait toujours la mort

présente; dans une fort bonne santé, elle en parlait « comme prochaine; et avec toutes ses frayeurs, ses veil«<leuses et une préparation continuelle, elle n'avait jamais «< chez elle de médecins ni même de chirurgiens.

<< Madame de Montespan, dans une très bonne santé, se « trouva si mal une nuit que ses veilleuses envoyèrent éveil«<ler ce qui était chez elle. La maréchale de Cœuvre accou<< rut des premières, qui, la trouvant prête à suffoquer et la « tête fort embarrassée, lui fit à l'instant donner de l'émé«tique de son autorité, mais une dose si forte, que l'opéra«<tion leur en fit une telle peur qu'on se résolut à l'arrêter; « ce qui, peut-être, lui coûta la vie.

« Elle profita d'une courte tranquillité pour se confesser << et recevoir les sacrements. Les frayeurs de la mort, qui toute sa vie l'avaient si continuellement troublée, se dis

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sipèrent subitement et ne l'inquiétèrent plus. Elle ne s'oc« cupa plus que de l'éternité, quelque espérance de guéri<< son dont on la voulût flatter, et de l'état d'une pécheresse « dont la crainte était tempérée par une sage confiance en « la miséricorde de Dieu, sans regrets, et uniquement attentive à lui rendre son sacrifice plus agréable, avec une

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MÉMOIRES D'UN BOURGEOIS DE PARIS.

douceur et une paix qui accompagna toutes ses ac<tions. >>

Madame de Montespan mourut de la peur de mourir.

Pour conclusion de ce petit traité sur l'art de vieillir et de vivre longtemps, je vous dirai qu'il vous faut prendre la vieillesse sagement, mais hardiment, et même gaîment, si vous pouvez.

FIN DU PREMIER VOLUME.

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