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merveilleuses richesses historiques, accumulées par la patience et l'intérêt des gouvernements, dans les volumineuses annexes qui servent de pièces justificatives à de non moins volumineux mémoires; mais il en est peu jusqu'ici qui paraissent s'en être doutés. Peut-être aussi les juristes vaincraient-ils leur appréhension d'une science minutieuse, infiniment attrayante, mais, en ces problèmes obscurs, infiniment compliquée, s'ils avaient le sentiment plus net des difficultés juridiques, qui s'y trouvent incluses mais telle sentence, qui compte plus de huit cents pages de motifs (1), les rebute, tandis qu'une autre écrite, sans motifs, en quelques lignes, leur fait croire, un peu trop rapidement, qu'en ces matières tout est d'expertise géographique et rien de droit. Des arbitrages territoriaux, deux disciplines, qu'ils intéressent également, la géographie et le droit, tendent ainsi, par une mutuelle indifférence, à détacher leur attention, et les jurisconsultes les ignoreraient totalement ou presque si, par la forme, en vertu de l'arbitrage, ils ne rentraient dans une institution essentiellement juridique, dont ils aiment à suivre le mouvement et le progrès.

Dire entre quels pays s'est élevé le litige, combien de temps il a duré, soit avant, soit pendant l'arbitrage, examiner les termes du compromis et, sur eux, préciser les pouvoirs de l'arbitre, fixer le degré d'indépendance nécessaire, en ces matières, à l'exercice de la fonction judiciaire, énumérer les contestés et mesurer, au mille carré, le pouvoir pacifique de l'arbitrage, tel a toujours été le rôle du juriste; mais ce rôle rempli, sa mission est par lui, toujours ou presque toujours, considérée comme terminée (2). Quand l'histoire des arbitrages internationaux qui, par tant de points échappe encore, sera minutieusement connue, l'on verra combien de questions strictement juridiques ont été négligées et quels problèmes de droit, curieux ou neufs, se sont trop longtemps perdus à l'om

(1) Sentence du Conseil fédéral suisse (France-Brésil), 1er décembre 1900, 1 volume de 850 pages.

(2) Voir notamment l'affaire de la frontière Nord-Est des États-Unis,10 janvier 1831, et la note doctrinale de M. ASSER dans notre Recueil des arbitrages internationaux, I (1798-1855), p. 385.

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bre des infiniment petits de la controverse géographique. Ce n'est pas par l'évolution de l'arbitrage, autrement dit par la forme - comme ils l'ont été presque toujours jusqu'ici c'est par l'évolution des lois relatives à la formation continentale et coloniale des États autrement dit le fond les grands litiges territoriaux doivent être abordés. A cet égard, l'histoire des frontières des États de l'Amérique offre à l'examen du juriste un champ d'exploration immense. Identité de la rivière Sainte-Croix (1798), frontière des îles de la baie de Fundy (1817), frontière Nord-Est (1831), frontière des lacs (1821-1827) (1), frontière d'eau de la baie de SaintJuan (1872) (2), enfin bornage de l'Alaska (1903) (3), presque toute la frontière des États-Unis est, vis-à-vis du Canada, l'œuvre de l'arbitrage. Au Sud du continent, des États américains entre eux la République Argentine et le Chili, la République Argentine et le Paraguay, le Costa-Rica et le Nicaragua, le Costa-Rica et la Colombie, la Colombie, l'Equateur et le Pérou, le Brésil et la République Argentine —, des États coloniaux pour leurs colonies respectives - la France et la Hollande pour leurs Guyanes, ou encore les premiers avec les seconds la Guyane anglaise avec le Vénézuéla, la Guyane française avec le Brésil, le Brésil avec la Guyane anglaise, y ont eu très souvent recours (4). En ces pays neufs, aux frontières incertaines, où les États se sentent les uns trop au large et les autres trop éloignés de leurs métropoles, tous mettent à leurs revendications territoriales plus de prudence conciliante et de sagesse pacifique qu'en Europe

(1) Notre Recueil précité, I, p. 5 et s., 291 et s., 311 et s., 318 et s., 355 et s. (2) DE MARTENS, Nouveau Recueil général de traités, XX, p. 775; H. La FONTAINE, Pasicrisie internationale, p. 150; MOORE, History and Digest of international arbitrations, I, p. 196 et s.

(3) Du Saint-Elie au Portland Canal, sentence du 20 octobre 1903 (commission mixte), United States Foreign Relations, 1903, p. 543; Archives diplomatiques, juillet 1904. Cpr. J.-B. MOORE, The Alaskan Boundary, dans la North American Review, 1899, II, p. 500, et TH. HODGINS, ibid., 1904, II, p. 684; ROBINS, The Alaskan Boundary, dans la Fortnigthly Review, novembre 1903; TH. W. BALCH, L'adjudication de la question de la frontière entre l'Alaska et le Canada, dans la Revue de dr. intern. et de législat. comp., 1904, p. 38 et s.; L. ROLLAND, Chronique, dans la Revue gén. de dr. internat. publ., 1904, p. 210 et s.

(4) Pour la plupart des ces arbitrages, v. infrà, notes.

ou même en Asie la guerre civile est fréquente, mais la guerre internationale est rare; de plus en plus, les contestés territoriaux tendent à se résoudre par l'arbitrage. Plus encore que dans l'Amérique du Nord, c'est dans l'Amérique centrale et surtout dans l'Amérique du Sud que s'en développe le rôle et s'en laisse apprécier l'emploi.

En effet, en passant d'une partie à l'autre du continent, l'arbitrage territorial, en même temps qu'il monte en pouvoir, s'élève en intérêt juridique. Aux États-Unis, malgré sa fréquence, il est plus intéressant par la forme, c'est-à-dire par la procédure, que par le fond, c'est-à-dire par le droit : dans l'affaire des îles de la baie de Fundy, le débat se réduit à l'interprétation d'une charte; dans celle de la rivière Sainte-Croix, à la lecture d'une carte; dans celle de la frontière Nord-Est, à la recherche sur le terrain d'introuvables limites; dans celle de la frontière des lacs, à la question du partage égal ou du partage par le chenal; dans celle de la baie de Saint-Juan, à l'identification d'un canal; dans celle de l'Alaska, au point de départ — sinuosités de la côte ou droite fermant les baies d'une limite conventionnelle intérieure de dix lieues marines, à compter du rivage. Donc, sauf peut-être en ce qui concerne la frontière Nord-Est, les débats cartographiques, bien que toujours minutieux, sont minces, et les problèmes juridiques, souvent contingents, toujours localisés, sont étroits. Seule une question de grande envergure se pose à propos du territoire de l'Orégon, successivement disputé aux États-Unis par l'Espagne jusqu'en 1819, par la Russie jusqu'en 1823, par l'Angleterre jusqu'en 1846, sur la base de la priorité de découverte ou d'occupation, mais, sans qu'aucune de ces controverses, et finalement la dernière, la plus importante de toutes, s'éteigne autrement que par traité, de sorte que les beaux problèmes de géographie et de droit que cette question renfermait n'appartiennent pas, directement, à l'arbitrage (1). Au Nord, l'arbitrage territorial est d'intérêt plutôt restreint, parce qu'une grande question celle de l'Orégon lui échappe; au Sud, au contraire, il recule son

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(1) Cpr. T. Twiss, The Oregon Question examinated, 1846, et infrà, §§ 2 et 3.

ambition, et, développant ses espèces, élargit ses perspectives. Bien que ce soient encore ici tous problèmes géographiques, il est déjà plus intéressant de rechercher, avec le tsar Alexandre III (1), quel est le cours supérieur du Maroni, ou, avec le Conseil fédéral suisse, quelle est, de l'Oyapoc ou de l'Araguary (2), la rivière Vincent Pinzon, que de déterminer, d'après la carte de J. Mitchell, quelle est, du Magaguadavic ou du Scoudiac, la rivière Sainte-Croix. Le problème géographique et juridique de la frontière des Andes par la ligne des sommets ou celle du partage des eaux (3) est d'une autre envergure que celui des highlands de la frontière Nord-Est. Mais, plus encore, le débat s'élargit quand, avec la réclamation par l'Argentine et l'Argentine et le Paraguay du Moyen Chaco (4), par l'Argentine et le Brésil du territoire des Missions (5), la dispute arbitrale porte sur l'occupation, la possession, l'usucapion ou la prescription, questions essentiellement juridiques, issues, dans le développement de l'histoire, du progrès même des connaissances géographiques et de leur application à la mise en œuvre, économique et politique, de la découverte. Alors l'histoire de la colonisation s'ouvre dans ses profondeurs, avec la variété de ses aperçus: les voyages, les explorations, les expéditions, l'implantation économique et morale des influences, la création juridique des souverainetés; toutes questions qui se résolvent sans trop de passion, chez les États sud-américains, mais qui s'avivent de toute l'ardeur d'un monroëisme sud-américain latent, lorsque la revendication territoriale est ouverte par un État d'Eudont l'intérêt, purement colonial, prétend refouler l'intérêt, proprement national, et partant plus élevé, de l'État sud-américain. Qu'il s'agisse de la Grande-Bretagne, refoulant

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(1) Sentence du 13-25 mai 1891; DE CLERCQ, Recueil des traités de la France, XIX, p. 100; DE MARTENS, N. R. G., 2o sér., XVIII, p. 100; LA FONTAINE, op. cit., p. 329; Moore, Intern. arbitr., V, p. 4869.

(2) Sentence du 1er décembre 1900, LA FONTAINE, p. 564.

(3) Sentence du 20 novembre 1902, Revue gén, de dr. intern. publ., 1903, p. 673. (4) Sentence du 12 novembre 1878, DE MARTENS, N. R. G., 2° sér., XII, p. 472 ; LA FONTAINE, p. 224; MOORE, op. cit., II, p. 1923-44.

(5) Sentence du 5 février 1895, U. S., Foreign Relations, 1895, p. 1; MOORE, II, p. 1962-2026; LA FONTAINE, p. 341.

le Vénézuéla (1), sans même vouloir, d'abord, lui donner l'arbi trage, et soudain le litige s'amplifie : non pas seulement au point de vue politique, par l'intervention des États-Unis, inventeurs et protecteurs du monroeisme, mais au point de vue juridique, par le soin avec lequel occupation, possession, prescription, depuis les auteurs espagnols des uns, hollandais des autres, jusqu'aux ayants cause actuels, tous les titres à la souveraineté s'examinent, dans la patience des recherches d'archives, et dans l'approfondissement du droit, devant un tribunal formé de juristes, dont quatre magistrats, deux Anglais, deux Américains, départagés par un internationaliste éminent, M. de Martens. Si, de ce tribunal, la sentence paraît, extérieurement, sans motifs -- car son texte n'en donne pas intérieurement, elle s'éclaire de multiples raisons pour qui ne redoute pas la lecture des onze volumes de débats, où le dialogue, à la mode anglaise, du juge et de l'avocat, jette, à de multiples moments, sa pénétrante lumière. Après la sentence arbitrale de Paris, dans l'affaire du Vénézuéla, l'arbitrage territorial compterait, peut-être, en 1899, son monument le plus important, si, comme une suite naturelle, un autre arbitrage, géographiquement voisin et juridiquement semblable, si proche que la sentence de Paris le débordait, en fait, sans le préjuger en droit (2), ne s'était présenté, qui, récemment tranché (6 juin 1904), n'est pas seulement aujourd'hui le plus actuel, mais semble être, au point de vue du fait et du droit, par son élaboration historique et sa construction juridique, le plus large, le plus intéressant, le plus suggestif (3), et, par

(1) Les pièces de l'arbitrage anglo-vénézuélien de Paris, du 3 octobre 1899, auquel nous aurons à recourir comprennent de la part de la Grande-Bretagne, Case et Appendix (8 vol.), Counter-case et Appendix (2 vol.), Argument (1 vol.), deux atlas et un Index; de la part du Vénézuéla, Case (3 vol.), Counter-case (3 vol.), Argument (2 vol.) et deux atlas. Les comptes-rendus des débats, Proceedings, ont été publiés : 11 vol.

(2) « Du_mont Roraima à la source du Cotingo, et par le thalweg du Cotingo jusqu'à son confluent avec le Tacutu, et par le thalweg du Tacutu jusqu'à sa source ». En fixant ainsi la frontière de la Guyane anglaise, le tribunal de Paris préjugeait la solution du présent litige dans le sens anglais.

(3) SOURCES: I. MÉMOIRES DU BRÉSIL : Premier Mémoire (Le droit du Brésil) et 6 vol. d'Annexes; Second Mémoire, t. I (La prétention anglaise), t. II (Notes sur la partie historique du Mémoire anglais), t. III (La preuve cartographique) et

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