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Mais bientôt les événements amènent la Grande-Bretagne à la contester, pour réclamer la ligne Cotingo-Tacutu réclamation toute neuve, qu'elle ne trouve pas dans le patrimoine hollandais, ni dans les archives de la colonie, mais qu'elle conçoit, la première, spontanément, sur le terrain, dans le parcours du territoire limité par la Serra Pacaraima et le Rupununi, à l'Est, le Tacutu et le Cotingo, l'Ouest; conception qui n'est ni d'un ministre de la métropole ni d'un gouverneur de la colonie, mais d'un explorateur, chargé de mission, non par un gouvernement, mais par une société savante, la Royal geographical Society de Londres, envoyé non pour tracer des limites ou faire de la propagande politique, mais pour «< étudier la géographie physique et astronomique de l'intérieur de la Guyane anglaise » (1), non pour continuer Raleigh, mais pour « relier les connaissances ainsi acquises avec celles de M. Humboldt », géographe et non modeleur d'Empire, ouvrier de science et non d'expansion, car il n'est même pas Anglais, hôte et non adversaire du Brésil, auquel lord Palmerston, pour lui, demande un passe-port (28 juin 1837) (2) et duquel il reçoit, au fort Saint-Joaquim, toutes facilités pour opérer. Et, tout d'abord, en effet, nul voyageur n'est plus correct que l'explorateur allemand Robert Schomburgk. Pour commencer, il n'est qu'un simple témoin de la frontière brésilienne au Rupununi (octobre 1835), mais lorsqu'il a visité Pirara (janvier-mars 1836) sur les bords du lac Amucu, région saine et peuplée, dans un site enchanteur, à proximité de métaux précieux, dans le couloir fluvial qui, par la Quatata, fait communiquer, du Rupununi au Tacutu, les deux bassins de l'Essequibo et de l'Amazone, il commence à changer d'attitude. En face de ces perspectives attrayantes, le géographe sent en lui s'éveiller le philanthrope, qui s'indigne du sort des Indiens exposés aux faits de traite des tropas de resgate et, trouvant la trace antérieure du passage d'un pasteur,

(1) Journal of the R. G. S., t. VI, 1836, p. 7; Sec. Mém, brés., Ann., I, p. 219. (2) Sec, Mém. brés., Ann., I, p. 28-29.

M. Armstrong (1), demande au lord-évêque de Barbade, pour eux, un missionnaire, le R. Youd, qu'au retour d'une longue exploration du Rupununi et du Haut-Essequibo il installe à Pirara (mai 1838). Puis tous deux, le géographe et le missionnaire, retirés chez les Brésiliens, au fort Saint-Joaquim, pendant la saison des pluies, s'émeuvent ensemble de l'arrivée, dans la région de Pirara, d'une expédition brésilienne qui, trop brutalement, recrute des Indiens pour la marine; Robert Schomburgk écrit de Saint-Joaquim, le 25 août 1838, à sir Th. Fowell Buxton, membre du Parlement, président de la Société de protection des aborigènes britanniques et étrangers, pour signaler à «<l'ami de l'humanité opprimée » les agissements des Brésiliens lettre curieuse, où l'admiration du géographe et l'indignation du philanthrope se combinent pour éveiller, dans son esprit, les premiers doutes sur le droit, primitivement reconnu, des Brésiliens. « Ces savanes n'ont jamais été en la possession réelle soit des anciens Portugais, soit des Brésiliens actuels. En tout cas, le partage des eaux entre les rivières tributaires de l'Essequibo, d'une part, et de l'Amazone, de l'autre, constituerait la frontière la plus naturelle » (2). Le R. Youd, qui veut sauver les Indiens de Pirara des exactions brésiliennes, n'hésite pas, dans l'intérêt de ses évangélisés et de la civilisation, à déclarer qu'il serait facile de faire d'eux des sujets anglais en traçant la ligne de partage dans une direction qu'il dira bientôt (8 oct.), et qu'en effet il fait bientôt connaître (6 nov.) aux autorités brésiliennes (3) : « il me semble désirable que le lac Amucu, sur les bords duquel se trouve situé Pirara, soit reconnu par les deux gouvernements actuels comme le point central d'où l'on tracerait une ligne vers les sources du Repunuri et de l'Essequibo, dans la direction du Sud, et vers les sources du Massorones, dans la direction du Nord, ce qui certainement est la limite la plus naturelle ». Mais aux lettres pressantes de Schomburgk et du R. Youd, transmises par le gouverneur Light, le marquis de Normanby (12

(1) Contre-mém. brit., p. 113-114; Trois. Mėm. brés., (2) Mém. brit., Ann., II, 1re partie, p. 8-12.

II, p.

257.

(3) Sec. Mem. brés., Ann., I, p. 42 et 44.

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mars 1839) (1) ne fait qu'une réponse évasive, demandant, pour agir, « un rapport complet, appuyé sur des preuves et des éclaircissements tirés des archives de la colonie ». Schomburgk, ayant cherché ces titres beaucoup moins dans les archives que sur le terrain (1838-1839) mais ayant appris, à Pirara, l'expulsion de Youd par les Brésiliens, ne doute plus maintenant que Pirara ne soit anglais. De retour à Georgetown, le 20 juin, il adresse au gouverneur Light un rapport (2) qui s'attarde peu sur les anciens droits des Hollandais, mais appuie sur l'intérêt du libre accès à l'intérieur « jusqu'à l'Océan Pacifique », sur les ressources d'un district minier, dont la structure géologique rappelle et par conséquent fait présumer les trésors de Minas Geraes, le plus riche du Brésil ; il propose donc la frontière suivante : « de la source de la rivière Tacutu, le long de sa rive droite, jusqu'à la jonction de la rivière Xuruma des Portugais, à la source de la rivière Cristaes ou Cotingo»; puis si ce point est contesté par les Brésiliens, en alléguant que la rivière Tacutu reçoit la rivière Mahu, venant du Nord-Est,avant la rivière Xuruma, et qu'en conséquence le principe de la formation d'une frontière au moyen de divisions naturelles est violé », « de la source du Cotingo, dans la direction du S.-E.-E. ou S.-S.-E. vers la source inconnue du Mahu, en suivant cette dernière rivière jusqu'à sa jonction avec le Tacutu, par 3° 30' 48" de latitude N., et delà le long de la rive droite du Tacutu jusqu'à ses sources », mais sans pousser plus loin, car « l'adoption de n'importe quelle autre ligne exclurait la Grande-Bretage de toute ingérence dans la savane à l'Ouest du Rupununi, et lui enlèverait la Sierra Conocou et un district bien peuplé ». Le géographe, de philanthrope, est devenu prospecteur de richesses et de débouchés ; s'écartant d'Humboldt pour se rapprocher de Raleigh, il est passé modeleur d'Empire. Du terrain, non de l'histoire, des perspectives de l'avenir, non des enseignements du passé, son imagination créatrice tire et décalque, sur les richesses et les débouchés, les contours de la colonie britannique.

(1) Sec. Mém. brés., Ann., I, p. 52; Mém. brit., Ann., II, 1, p. 13.
(2) Sec. Mem. brés., Ann., I, p. 56-67; Mém. brit., Ann, III, p. 86 et s.

A défaut de renseignements, qui, de l'avis du gouverneur Light (15 juillet 1839), manquaient dans les archives, le Colonial et le Foreign Offices, adoptant les suggestions de Schomburgk, se cherchent titre 1o en ordonnant, d'après les indications de Schomburgk, le levé d'une carte de la colonie, qui, accompagnée d'un mémoire explicatif, serait communiquée aux gouvernements du Vénézuéla, du Brésil et des Pays-Bas ; 2o en demandant qu'entre temps des commissaires anglais fussent envoyés pour élever des bornes sur le terrain ; 3° en exigeant que le gouvernement brésilien, par qui le R. Youd avait été prié de cesser d'enseigner « aux Indiens de Pirara la paix éternelle », fût mis à son tour en demeure d'évacuer Pirara. Manœuvre hardie, par laquelle le gouvernement britannique, considérant toute la région comme vacante et sans maître, forçait le Brésil à prendre le rôle de demandeur et à faire la preuve de son droit.

Pour lever la carte et poser les bornes, R. Schomburgk n'est plus le géographe privé « dont le but est simplement de faire des découvertes dans le territoire inexploré qui forme la frontière » (1), mais le commissaire mandaté, chargé de déterminer cette même frontière qu'après avoir reconnue, puis contestée, il se propose de fixer conformément à sa contestation même. En 1837, lord Palmerston demande pour lui un passeport. Le 20 février 1841, M. Ouseley, représentant britannique à Rio, annonce officiellement sa nomination comme commissaire chargé de déterminer la frontière (2). Des idées qui avaient inspiré Schomburgk, l'idée philanthropique se retrouve dans l'information simultanée que le gouverneur de la Guyane « avait des ordres pour résister à toute invasion dans le Pirara ou dans des territoires qui ont été jusqu'ici occupés par des tribus d'Indiens indépendants », et l'idée géographique dans un mémorandum au ministre brésilien des affaires étrangères, M. Aureliano de Souza e Oliveira Coutinho « sur l'état actuel des limites de la Guyane » dont la conclusion, calquée sur le rapport de Schomburgk de 1839, est que « les

(1) Lord Palmerston à M. Galvâo, 28 juin 1837, Sec. Mém. brės., Ann., I, p. 28. (2) Sec. Mém. brės., Ann., I, p. 149; Mém. brit., Ann., II, 1, p. 26.

frontières les plus probables de la province de la Guyane britannique semblent être à l'Ouest, les rivières Anaua [Mahu] et Tacutu; au Sud, les sources de l'Essequibo, en opposition aux prétentions brésiliennes, qui fixent la frontière aussi bas que l'embouchure du Rupununi, à 3° 50' de latitude Nord, et de là s'étendent vers l'Est dans la direction du Corentyn ». Ainsi, conformément aux suggestions de Schomburgk, la prétention anglaise se révèle dans la correspondance diplomatique. Ensuite, elle s'affirme sur le terrain. Le gouverneur Light, après avoir prévenu le commandant de Saint-Joaquim de la nécessité d'évacuer Pirara (1er février 1841), charge l'inspecteur général de police de la Guyane britannique, M. W. Crichton (1), d'en avertir, à Pirara, le capitaine Leal et le missionnaire catholique P. José dos Santos Innocentes, qui, du Brésil même, reçoivent l'ordre d'évacuer Pirara, pour éviter tout conflit (Instruction du 5 mai 1841) (2). L'évacuation faite, Light annonce la prochaine occupation de Pirara par les Anglais (18 décembre 1841) (3). Le 14 février 1842, le lieutenant Bingham, accompagné d'un fort détachement, occupe le village, où déjà l'avait précédé la mission Schomburgk, et prévient le commandant de Saint-Joaquim que « toute tentative pour s'opposer à l'occupation anglaise rencontrerait la résistance la plus déterminée » (4). Le P. José et le capitaine Leal, revenus en hâte à Pirara, proposent aux autorités anglaises d'y rester concurremment avec elles jusqu'à la décision du gouvernement brésilien. Mais, devant des ordres formels, ils doivent se retirer en déclarant à Bingham, par une protestation écrite, qu'ils ne cèdent qu'à la force (27 février 1842) (5). Pendant que ces événements s'accomplissent, le gouvernement brésilien, déjà prévenu par l'Angleterre, à Londres et à Rio, de leur préparation, proteste contre eux : à Londres, par une note énergique de M. Lisboa (10 novembre 1841); à Rio, par un long mémorandum (8 janvier 1842) où le ministre des

(1) Sec. Mém. brés., Ann., I, p. 71.

(2) Sec. Mém. brẻs., Ann., I, p. 75-76.

(3) Sec. Mém. brės., Ann., I, p. 79; Mém. brit., Ann., II, 1, p. 39. (4) Sec. Mém. brés., Ann., I, p. 81; Mém. brit., Ann., II, 1, p. 41. (5) Sec. Mém. brés., Ann., I, p. 88; Mém. brit., Ann., II, 1, p. 48.

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