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sième projet se rapportait au mode de dissolution du corps législatif et du tribunat. Un quatrième proposait la réunion de l'île d'Elbe au territoire de la République, etc., etc. Tous les projets réglementaires furent convertis en sénatus-consulte et proclamés par le premier consul le 12 fructidor suivant. La liste des tribuns surtout fut arrêtée le 14, et le décret de réunion de l'île d'Elbe futrend u le 18.

Le 24 fructidor, un sénatus-consulte réunit au territoire de la République les départemens du Pô, de la Doire, de Marengo, de la Sezia, de la Stura et du Tanaro, c'est-à-dire tout le Piémont, et accorda à ces départemens dix-sept députés au corps législatif.

Le 28 fructidor, le premier consul nomma membres du sénat Abrial, ministre de la justice; Dubelloy, archevêque de Paris; le général Aboville; Fouché, ministre de la police générale, et Roederer, conseiller d'état. Comme la fonction de sénateur était incompatible avec le ministère ainsi qu'avec le conseil d'état, Abrial, Fouché et Roederer se trouvèrent en réalité destitués et fort mécontens. Cependant on sut calmer leur mauvaise humeur. On donna à Fouché 1,200,000 francs sur la caisse des jeux, et de plus on ménagea son amour-propre. Il ne fut pas remplacé à la police; ce ministère fut provisoirement supprimé. Nous ignorons quels furent exactement les motifs de ces destitutions. Quoi qu'il en soit, Bonaparte semblait prendre à tâche de reconnaître la faveur dont on venait de l'honorer par un redoublement d'activité.

Cependant, il se formait une opposition dans l'armée. Elle se groupait autour de deux hommes qui se tenaient en dehors de la cour consulaire, Moreau et Bernadotte. Moreau vivait retiré à la campagne, affectant dans ses manières et son costume une simplicité qui contrastait avec la dignité et le luxe de Bonaparte. Il ne dissimulait pas son mécontentement; il refusa d'assister au Te Deum chanté à l'occasion du concordat. Bernadotte alla plus loin. Nommé commandant en chef de l'armée de l'Ouest, il prépara à Rennes, son quartier-général, le plan d'une insurrection militaire. Il fut dénoncé. On arrêta Simon son chef d'étatmajor, et Marbot, son aide-de-camp. Quant à lui, on se borna à le

destituer; on respecta dans sa personne le beau-frère de Joseph Bonaparte. Cette espèce de pardon ne séduisit pas Bernadotte. De retour à Paris, il s'entoura de nouveau de mécontens, et accueillit tous ceux qui craignaient l'ambition de Bonaparte ou étaient jaloux de sa fortune. On le soupçonna, injustement sans doute, d'avoir eu connaissance d'un complot contre la vie du premier consul, pour lequel furent arrêtés le général Donadieu, le colonel Fournier et quelques autres. Le général Delmas s'échappa. On cacha avec soin toutes ces tentatives, qui pouvaient en exciter d'autres. On savait qu'en ces sortes d'affaires, l'insuccès n'est point toujours un motif de découragement, que les conspirations sont des maladies contagieuses; et d'ailleurs on craignait de faire soupçonner aux citoyens que l'armée était moins affectionnée qu'ils ne le pensaient. Toutes ces tentatives déjouées n'empêchaient pas Bernadotte de prêter l'oreille aux opposans. Il allait souvent chez madame de Staël qui avait cessé d'aimer Bonaparte dès qu'elle n'avait plus eu à le protéger. « Il se formait autour de Bernadotte, dit madame de Staël (1), un parti de généraux et de sénateurs qui voulaient savoir de lui s'il n'y avait pas quelques résolutions à prendre contre l'usurpation. Il proposa divers plans qui se fondaient tous sur une mesure législative quelconque, regardant tout autre moyen comme contraire à ses principes. Mais, pour cette mesure, il fallait une délibération au moins de quelques membres du sénat, et pas un d'eux n'osait souscrire un tel acte. >

Le général Lannes faisait aussi de l'opposition, mais dans les salons des Tuileries. Il était commandant de la garde du premier consul. Celle-ci, successivement renforcée, se composait déjà de quatre bataillons d'infanterie et de deux régimens de cavalerie. Il était important qu'elle dépendît d'un homme sûr, On ne se défiait pas de Lannes; on le croyait trop loyal pour trahir la confiance qu'on avait en lui. Cependant, on profita d'un déficit qu'on trouva dans la caisse de la garde dont le soin lui appartenait

(1) Dix années d'exil.

pour se montrer irrité et pour l'éloigner; on l'envoya ambassadeur en Portugal.

La France ne savait rien de tous ces petits soins, de tous ces petits arrangemens de personnes qui préoccupaient la cour consulaire; elle ne voyait que les faits publics.

Cependant, le premier consul avait profité de la paix avec l'Angleterre pour poursuivre plusieurs expéditions maritimes. Nous parlerons d'abord de celle qui fut commencée et terminée en l'an x. Elle fut dirigée sur Alger. Depuis quelques mois, des armemens sortis des ports de cette régence parcouraient la Méditerranée, insultaient les pavillons des alliés de la République, osaient menacer nos côtes et arrêter quelques-uns de nos bâtimens. On fit faire des représentations; on räppela les termes du traité signé le 26 frimaire; Mustapha-Pacha, alors dey d'Alger, répondit en demandant qu'on lui payât une indemnité de 200,000 piastres. En conséquence, le contre-amiral Leissègues reçut ordre de se rendre avec une division navale devant la ville d'Alger, Il avait à bord le commandant Hullin, porteur d'une lettre de Bonaparte dont le style sévère et froidement menaçant était de nature à effrayer le dey. Celui-ci accorda tout ce qu'on lui demandait. Ilenvoya de plus un ambassadeur rendre hommage au représentant de la République, et il lui adressa des présens.

On était moins heureux dans une seconde expédition maritime commencée déjà depuis long-temps. Nous voulons parler de celle qui avait eu pour destination Saint-Domingue, et avait été chargée de faire rentrer cette colonie sous l'obéissance de la République.

Depuis long-temps, à Saint-Domingue, le règne des noirs et des hommes de couleur avait succédé à celui des blancs. Les colons avaient été chassés; leurs habitations étaient devenues la propriété de ceux qui les cultivaient, ou des chefs insurgés qui s'en étaient emparés. Cependant le drapeau tricolore flottait encore dans cette île; c'était celui de l'armée noire comme de l'armée mulâtre. On y reconnaissait la France comme la mère patrie; on avait repoussé les tentatives des Anglais; on s'y con

sidérait enfin comme Français; mais on craignait de se soumettre au gouvernement de la République, les uns, de peur de perdre une autorité qu'ils considéraient comme usurpée; les masses, par crainte du retour des colons et du rétablissement de l'esclavage.

Deux chefs régnaient à Saint-Domingue et se partageaient le territoire : l'un était le mulâtre Rigaud, qui, à la tête des hommes de sa couleur, occupait la partie sud; l'autre était le nègre Toussaint-Louverture, qui occupait la partie nord à la tête des noirs.

Le directoire avait envoyé à plusieurs reprises des agens chargés de réorganiser la colonie; ils avaient été accueillis avec des démonstrations de respect, mais ils n'avaient jamais obtenu la moindre obéissance. Toussaint-Louverture, auquel on s'était adressé particulièrement, n'avait cessé de protester de sa fidélité à la République. Il avait même envoyé ses deux fils en France', et les y faisait élever, les donnant ainsi en quelque sorte comme otages de sa foi, mais n'en agissait pas moins en chef indépendant. Le dernier envoyé du directoire fut le général Hédouville. Celui-ci chercha à raccommoder les deux chefs qui se disputaient l'île; il ne réussit point. Sur ces entrefaites, Toussaint-Louverture entra en négociations avec les Anglais pour obtenir d'eux la cession de quelques points qu'ils occupaient sur la côte de l'île et qu'il n'avait pu leur arracher. Hédouville se plaignit; Toussaint répondit que cette affaire ne le regardait pas, et qu'en cette circonstance il agissait dans l'intérêt de l'intégrité coloniale. En effet les Anglais évacuèrent ces points, parce qu'ils leur coûtaient trop cher à garder. C'était le Port-au-Prince et le môle SaintNicolas. Cependant Hédouville s'embarqua pour la France, laissant à Rigaud des pouvoirs qui l'établissaient commandant de la partie sud, et donnaient à son autorité une légitimation que Toussaint ne possédait pas. Cette circonstance amena la guerre entre les hommes des deux couleurs : elle fut atroce et sanguinaire.

Les choses étaient en cet état lorsque le premier consul commença à s'en occuper. Il résolut de donner l'autorité au parti qui lui parut le plus fort, c'est-à-dire aux noirs. Il résolut de

rappeler en France le général Rigaud, et de nommer Toussaint général en chef. En conséquence, trois envoyés, Vincent, Raimond, homme de couleur, et le général Michel partirent de France et se rendirent auprès de Toussaint-Louverture. Celui-ci, qui ignorait le but de leur mission, les fit sous main arrêter dès qu'ils furent débarqués. On saisit leurs papiers; puis le général noir, feignant d'être étranger à leur arrestation, les fit mettre en liberté et leur donna audience. On pense bien que Toussaint ne repoussa point le surcroît d'autorité qu'on lui donnait. Il eut soin de faire connaître sa confirmation au grade de général en chef; mais il ne fit pas imprimer la proclamation du premier consul. Il en redoutait l'effet sur ses noirs. En effet, Bonaparte y rappelait que le peuple français était le seul qui reconnût leur liberté et l'égalité de leurs droits. Il promettait enfin que l'esclavage était à jamais aboli à Saint-Domingue. Cependant, Rigaud et ses mulâtres se soumirent aux ordres de la mère-patrie. Le premier s'embarqua pour la France, et Toussaint-Louverture alla occuper la partie espagnole de Saint-Domingue cédée à la France par le traité de Bâle.

Possesseur de l'autorité suprême, Toussaint convoqua une assemblée centrale qui fut chargée de rédiger une constitution. On y décida que tout homme, quelle que fût sa couleur, était admissible à tous les emplois ; que le pouvoir législatif serait exercé par l'assemblée centrale; que l'administration de la colonie serait confiée à un administrateur qui correspondrait directement avec le gouvernement de la métropole; que Toussaint était nommé gouverneur à vie, avec pouvoir de choisir son successeur; mais ce successeur devait être remplacé après cinq ans de pouvoir.

Vincent fut chargé de porter cette constitution au premier consul, et de la soumettre à sa sanction. Celui-ci ne put supporter l'idée qu'on voulût faire la loi à la France, et malgré les observations de Vincent, encouragé par les sollicitations des colons, il résolut l'expédition qui eut de si tristes résultats.

Le 30 brumaire an x (21 novembre 1801) une armée navale forte de trente-cinq vaisseaux de ligne et vingt-trois frégates

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