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que les fonctions du jury seraient suspendues pendant le cours des ans xii et XIII dans tous les départemens pour le jugement des crimes de trahison, d'attentat contre la personne du premier consul, et autres contre la sûreté intérieure et extérieure de la République; que les tribunaux criminels seraient, à cet effet, organisés conformément aux dispositions de la loi du 23 floréal an x, sans préjudice du pourvoi en cassation. Ainsi une conspiration avortée contre l'état et son chef en faisait réussir une contre une institution qu'on avait accoutumé la nation à regarder comme une des plus fortes garanties de la sûreté personnelle!

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>> Les aveux de Lajolais, général de brigade, depuis long-temps attaché à Pichegru, jetèrent un grand jour sur cette affaire. Il savait depuis long-temps que ce général et Moreau étaient réconciliés. Moreau lui avait témoigné le désir d'avoir une entrevue avec Pichegru. Lajolais alla en Angleterre exprès pour le lui dire. Pichegru répondit qu'il saisirait la première occasion d'un rapprochement, Elle ne tarda pas à se présenter. Ils partirent ensemble d'Angleterre et arrivèrent en France sur le bâtiment du capitaine Wright, Lajolais quitta le général en route, pour le pré-céder à Paris. Pichegru le fit avertir de son arrivée dans cette ville; il logeait à Chaillot. A trois reprises eurent lieu des conférences entre Pichegru et Moreau : la première sur le boulevard de la Madeleine, la deuxième et la troisième dans la maison même de Moreau. Lajolais avait été l'intermédiaire des deux premières entrevues; et pour la troisième, Fresnières, secrétaire de Moreau, était allé chercher Pichegru, logé chez Rolland, et l'avait emmené dans le cabriolet de cet individu. Lajolais n'avait point assisté à ces entrevues; mais en revenant de la dernière, Pichegru dit d'un air mécontent, en parlant de Moreau : « Il paraît que ce » b...............-là a aussi de l'ambition et qu'il voudrait régner. Eh bien! >> je lui souhaite beaucoup de succès; mais, à mon avis, il n'est ⚫ pas en état de gouverner la France pendant deux mois. >> Pichegru et Georges s'étaient vus à Paris. Lajolais savait, par les affidés du chef de chouans, que son projet était de tuer le premier consul. Joyau, dit Villeneuve, aide-de-camp de Georges,

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avait fait sonder les dispositions de Moreau par Fresnières et n'en avait obtenu que des réponses évasives (1).

› Rolland convint d'abord qu'il avait logé chez lui Pichegru son ami, et sur tout le reste prétendit ne rien savoir (2); mais il finit par faire des aveux. Il avait été l'intermédiaire d'une entrevue entre ce général et Moreau. Comme ils n'étaient pas tombés d'accord, il alla le lendemain, de la part de Pichegru, demander à Moreau si décidément il voulait conduire un mouvement royaliste, ou, dans le cas contraire, et le mouvement se faisant, s'il voulait s'engager à mettre l'autorité en des mains légitimes. Le général répondit : « Je ne puis me mettre à la tête d'aucun mou⚫vement pour les Bourbons. Un essai semblable ne réussirait › pas. Si Pichegru fait agir dans un autre sens, et dans ce cas je > lui ai dit qu'il faudrait que les consuls et le gouverneur de Pa> ris disparussent, je crois avoir un parti assez fort dans le sénat » pour obtenir l'autorité : je m'en servirai aussitôt pour mettre › tout le monde à couvert, ensuite de quoi l'opinion dictera ce » qu'il conviendra de faire: mais je ne m'engagerai à rien par » écrit. » Il ajouta que depuis la première ouverture de Pichegru, il avait parlé à plusieurs de ses amis (3).

» Muni de tous ces renseignemens, le grand-juge retourna interroger Moreau. Un mandat d'arrêt avait été décerné contre Fresnières, son secrétaire. Le général le crut arrêté. Persistant dans son système de dénégation, il convint seulement que Fresnières, l'avait sondé de la part de quelqu'un pour savoir s'il ne prendrait pas d'engagement avec les princes français; mais qu'il avait repoussé cette ouverture comme une haute folie, et qu'on ne lui avait parlé ni de Georges, ni de qui que ce fût (4).

› Le 8 ventose, à trois heures du matin, Pichegru fut arrêté rue de Chabanais. Il était à Paris depuis le 4 pluviose; il avait souvent changé de maison. Plusieurs de ses gîtes lui avaient coûté

(1) » Interrogatoires des 25, 26, 27 et 30 pluviose.

(2) » Interrogatoire du 25.

(3) » Interrogatoire du 29 pluviose.

(4) » Interrogatoire du 29 pluviose.

douze ou quinze mille francs. Il fut trahi, dit-on, par un de ses anciens amis qui offrit de le livrer pour une somme de cent mille francs qui lui fut comptée (1). Six gendarmes d'élite et un agent de police entrèrent si brusquement dans sa chambre, qu'il fut surpris endormi dans le lit de Leblanc, un de ses amis et aide-decamp, qu'il n'eut pas le temps de faire usage des pistolets et du poignard qui étaient sur sa table de nuit. Il essaya cependant de se défendre. Sa présence à Paris n'était donc pas un roman. Son arrestation déconcerta un peu ceux qui avaient intérêt à jeter du doute sur l'existence de la conspiration. Interrogé par le conseiller d'état Réal!, Pichegru se renferma imperturbablement dans un système de dénégation des faits les plus avérés. Il nia savoir que Georges était en France, et s'étonna de voir accoler son nom à celui de cet homme-là. Il nia avoir vu Moreau, et s'étonna qu'on le crût réconcilié avec le général, quand ils ne s'étaient pas arrangés ensemble comme cela a lieu entre militaires. Enfin il donna pour motif de son retour en France que, fatigué d'un éloignement aussi prolongé de son pays, des calomnies des journaux français sur son compte, qui disaient qu'il était à la tête, tantôt des armées de l'étranger, tantôt de ses conseils, il avait cru ne pouvoir mieux faire que de revenir en France (2). Singulier prétexte de la part d'un traître qui ne pouvait espérer un pardon !

› Le premier consul dit à Réal : « Revoyez Pichegru; avant de > faire une faute, il a servi et honoré son pays par des victoires. › Dites-lui que ceci n'est qu'une bataille perdue; je n'ai pas be» soin de son sang, mais il ne pourrait rester en France. Causez › avec lui sur Cayenne; que pourrait-on faire de cette colonie? › Je me fierais à lui, et il y serait sur un bon pied. Mais ne pro› mettez rien, ne vous engagez à rien. >>>

› Dans une conversation avec Pichegru, Réal jeta des insinuations sur cet objet. Le général les reçut fort bien, sans cependant montrer une grande confiance dans cette perspective flatteuse. Il

(1) » O'Meara, t. I, p. 419.

(2) » Interrogatoire du 8 ventose.

traita la question de Cayenne en homme qui avait étudié le pays. Cette communication n'eut aucun résultat.

› Georges, le plus audacieux des conjurés, et plusieurs de ses complices, avaient échappé jusqu'alors à l'activité de la police. En vain elle avait renouvelé l'ordre aux citoyens qui auraient des étrangers logés chez eux, de les déclarer dans les vingt-quatre heures de leur arrivée. Le gouvernement crut devoir effrayer les réceleurs par une mesure extraordinaire. Il présenta au corps législatif un projet de loi portant que le recèlement de Georges et des soixante brigands actuellement cachés dans Paris ou les environs, soudoyés par l'Angleterre pour attenter à la vie du premier consul et à la sûreté de la République, serait jugé et puni comme le crime principal.

› Le projet définissait le délit de recèlement, sa peine, et promettait à ceux qui se conformeraient à la loi dans le délai prescrit qu'ils ne seraient point poursuivis.

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› Le président Fontanes, en répondant à la communication de ce projet de loi, le proclama une véritable mesure de salut public. ⚫ Il fut unanimement adopté par le tribunat et par le corps législatif, Siméon en fut le rapporteur. Écoutons tonner alors contre les conspirateurs un homme qui ne passait ni pour enthousiaste ni pour révolutionnaire : « Jusqu'à quand, dit-il, souffrirons-nous » de si épouvantables outrages? et parce que le ciel veille sur › nous, négligerons-nous les moyens qu'il a mis en notre pou› voir? On veut nous arracher le chef que nous nous sommes > donné... Une poignée de vils assassins est jetée au milieu de > nous; de nous, Français, accoutumés à couvrir de notre corps ⚫ notre ennemi que l'on voudrait frapper sans défense; et des » scélérats lâchement armés contre notre bienfaiteur, contre » notre vengeur, contre notre chef enfin, trouveraient des asiles ! › Combien nous est nécessaire cette vie que nos ennemis trouvent › trop longue avant même qu'elle ne soit à son midi! Ah! qu'elle > soit défendue de toute la force d'une nation qui s'honore et › s'aime elle-même dans son chef, de toute la majesté des lois qui › consacrent le magistrat suprême comme l'image de la Divinité

>> et qui punissent ceux qui élèvent contre luides mains parricides, › comme d'impies sacriléges; qu'elle soit conservée par cette pro» vidence qui fit luire le 18 brumaire et les jours de restauration › qui l'ont suivi. C'est pour nous tous, pour le salut de la France › entière, que nous la remercierons, l'implorerons et lui deman› derons d'achever ses desseins et de protéger son ouvrage. ›

» Informé par le corps législatif que le projet venait d'être adopté, le tribunat, sur la proposition de Gary, émit le vœu que cette loi fût promulguée dans le jour et qu'on l'envoyât porter au premier consul par une députation,

>> Des factionnaires furent placés le long des murs de Paris; personne ne pouvait de nuit passer par les barrières. Le jour, des officiers de police, des adjudans de police et des gendarmes vérifiaient les passeports, et reconnaissaient tous les individus sortans, pour s'assurer que les assassins ne s'échapperaient pas. Le signalement de Georges Cadoudal et de ses complices fut affiché (1).

» La loi portée contre les recéleurs produisit son effet; ils prirent l'épouvante; les conjurés furent obligés d'errer pour ainsi dire sans pouvoir trouver un asile. Un officier de paix, Petit, avait découvert qu'un cabriolet devait, le 18 ventose, vers sept heures du soir, aller chercher Georges et quelques autres individus de sa bande. Il disposa ses inspecteurs de police et suivit ce cabriolet depuis le pont des Tuileries jusque vis-à-vis du Panthéon. Comme le cabriolet allait extrêmement vite, il ne put arriver qu'avec Destavigny, son collègue, et trois de ses agens. Au moment même, Georges se précipita dans le cabriolet avec Léri

(1) « Cinq pieds quatre pouces, extrêmement puissant et ventru, épaules larges, d'une corpulence énorme, tête remarquable par sa prodigieuse grosseur. Cou très-court, poignet fort, doigts courts et gros, jambes et cuisses peu longues. Le nez écrasé et comme coupé dans le haut, large du bas; yeux gris dont un sensiblement plus petit que l'autre; sourcils légèrement arqués et séparés. Cheveux châtain clair, assez fournis, coupés très-court, ne frisant point, excepté le devant où ils sont plus longs. Teint frais, blanc et coloré; joues pleines et sans rides. Bouche bien faite, dents très-blanches, barbe peu garnie, favoris presque roux, assez fournis, ni larges ni longs, menton renfoncé. Marchant en se balançant, les bras tendus, les mains en debors. Sans accent, voix douce,

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