Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

pond le mieux aux idées que les cantons nouveaux se sont faites de la liberté et du bonheur; concilier dans les cantons anciens les institutions consacrées par le temps avec les droits restitués à la masse des citoyens, tels étaient les objets qu'il fallait soumettre à l'examen et à la discussion. Leur importance et leur difficulté nous ont décidés à entendre nous-mêmes dix députés nommés par les deux partis, savoir: les citoyens d'Affry, Glutz, Jauch, Monnot, Reinhart, Sprecher, Stapfer, Ustery, Vatteville et Vonflue; et nous avons conféré le résultat de leurs discussions tant avec les différens projets présentés par les députations cantonnales qu'avec les résultats des discussions qui ont eu lieu entre ces députations et les sénateurs-commissaires. Ayant ainsi employé tous les moyens de connaître les intérêts et la volonté des Suisses, NOUS, en qualité de médiateur, sans autre vue que celle du bonheur des peuples sur les intérêts desquels nous avions à prononcer, et sans entendre nuire à l'indépendance de la Suisse, STATUONS Ce qui suit. »

Suivent les dix-neuf constitutions et l'acte fédéral qui réglait que la présidence de la fédération appartiendrait annuellement à un canton. Suivaient encore divers arrêtés du premier consul: l'un nommait le canton directeur pour 1803, et le landaman de la Suisse pour 1802; l'autre réglementait tout ce qui était relatif à la dette publique, aux créances et aux biens nationaux. Cet acte de médiation fut généralement bien accueilli en Suisse ; il fut mis partout à exécution sans résistance. Quelques mois auparavant, le Valais avait été détaché de la Suisse et érigé en république indépendante. C'est ainsi qu'on prépara l'incorporation de cette contrée au territoire de l'empire français.

La session du corps législatif de l'an xi fut ouverte le 2 ventose (21 février 1805). On y vota un grand nombre de lois dont nous allons mentionner les plus importantes. Nulle opposition, nulle discussion même, ne troubla la tranquille uniformité des séances du tribunat. On y entendit seulement des discours apologétiques. Il semblait que les membres de ce corps se fussent entendus pour démontrer que leur coopération à la formation

[ocr errors]

des lois était une pure affaire de formes, et par conséquent leurs fonctions une superfétation dans un gouvernement aussi bien conduit que celui possédé alors par la République. Cette réflexion ressortait d'autant plus naturellement de l'examen des séances, que l'on savait avec quel soin les projets étaient étudiés dans le conseil d'état et par le premier consul lui-même. Quoi qu'il en soit, on vota sans bruit beaucoup de lois administratives utiles. On organisa l'exercice de la médecine; on rétablit les examens et les réceptions. On décréta l'organisation du notariat. On régla les formalités à suivre pour changer de nom et de prénom, mesure rendue nécessaire par le désir qu'éprouvaient beaucoup de personnes de se débarrasser de leurs prénoms empruntés au calendrier républicain ou à l'histoire romaine. On établit des chambres consultatives pour les manufactures, les arts et les métiers. On décréta l'ouverture de nouvelles routes et de quelques canaux. On établit l'administration forestière, le martelage pour le service de la marine, les gardes champêtres particuliers, etc. On ordonna la levée de cent mille conscrits pris sur l'an xi et l'an xII (loi du 6 floréal-26 avril 1803). Une loi régla la solde des retraites, le régime des invalides, les traitemens de réforme et les secours alloués aux veuves et orphelins des militaires. On créa des camps de vétérans. On accorda à la banque de France de nouveaux priviléges. On s'occupa du budget. Les recettes de l'an XI devaient s'élever à 589 millions. Comme on prévoyait la guerre, on les fixa (le 4 germinal) à la même somme pour l'an XII; mais on ouvrit au gouvernement un crédit de 400 millions. On alloua au premier consul, une liste civile de 6 millions, et à chacun des deux autres consuls une indemnité de 600,000 francs. Enfin, le corps législatif adopta le titre préliminaire et les onze titres suivans formant le premier livre du code civil.

La session de l'an XI fut close le 8 prairial (28 mai 1805) mais sous des auspices sombres. Dans la séance du 30 floréal précédent, le gouvernement annonça que l'ambassadeur d'Angleterre venait d'être rappelé, et que l'ambassadeur de France était éga

lement sorti de Londres. Le traité d'Amiens était rompu ; on allait commencer cette guerre qui ne devait se terminer qu'à la restauration. Mais on était loin alors de prévoir un tel ayenir. On croyait que l'on n'aurait à combattre que la seule Angleterre, et non l'Europe entière acharnée contre nous. L'Angleterre ne devait pas l'espérer non plus. Aussi est-on en droit de s'étonner de la voir s'engager seule contre une puissance telle que la République. Ce fut chez eux une affaire de lutte parlementaire et d'opinion publique, le résultat du triomphe obtenu dans les chambres par le parti aristocratique sur le parti populaire, des tories sur les wigs, plutôt que la suite de dissentimens diplomatiques insurmontables.

Quoi qu'il en soit nous allons donner sur cette guerre, qui eut une si grande influence sur les destinées de notre patrie, les documens qui en expliquent les causes ou les prétextes. Nous les trouvons réunis dans un discours qui fut prononcé au tribunat. Le voici :

Rapport sur les pièces relatives au traité d'Amiens et à sa rupture, fait au tribunat, par Daru, organe d'une commission spéciale.

Séance du 3 prairial an x1 (23 mai 1803).

<Tribuns, lorsque vous avez entendu un cri de guerre-retentir dans l'Europe, vous avez regardé autour de vous : vous avez vu l'Europe pacifiée, le Nord tranquille, l'empire d'accord sur son organisation, l'Autriche en possession de ses nouveaux états, la Suisse reprenant son ancien gouvernement et sa liberté, le SaintSiége relevé, le royaume de Naples évacué par nos troupes, la maison d'Espagne assise sur les trois trônes que les traités lui ont assurés, les républiques d'Italie organisées, l'Angleterre établie dans ses conquêtes; et, jetant ensuite les yeux sur vos alliés, vous avez dû croire qu'eux seuls avaient à se plaindre. La république Batave attendait encore la restitution du cap de BonneEspérance; l'empire Ottoman celle de l'Égypte; vous mêmes celle de Malte à l'ordre qui en est le souverain; et cependant ce n'était ni de la Hollande, ni de la Turquie, ni de la France que 2

T. XXXIX.

s'élevait ce cri de guerre ; c'était de chez ce peuple qui seul donnait un juste sujet de plainte en retenant encore ces importantes possessions.

› Vous avez su qu'il y avait une négociation ouverte, quoiqu'il ne parût pas qu'il y eût de nouveaux intérêts à discuter ; et vous venez d'apprendre que le seul résultat de cette négociation est une provocation offensante de la part de la puissance qui a différé l'exécution des traités, et qui s'y refuse aujourd'hui formellement.

› Vous avez sous les yeux les pièces originales d'une si importante négociation; et quoique le délai de quelques heures soit insuffisant à un orateur pour en développer toutes les conséquences, il ne l'est pas pour que vous ayez déjà médité les grands intérêts dont je viens vous entretenir.

› Je vais vous présenter l'analyse de la négociation, l'exposé des griefs de l'Angleterre et de la France, l'examen des conditions proposées, et les résultats probables de la guerre par rapport aux deux états.

› Lorsque la nation française, réunie pour la première fois en assemblée vraiment représentative, entreprit l'examen de son ancienne charte constitutionnelle, et ressaisit les droits imprescriptibles qui appartiennent à tous les peuples civilisés, on commença à concevoir quelques craintes sur les dispositions du cabinet anglais. Son ambassadeur, témoin oculaire de ces grands événemens, s'empressa d'assurer l'assemblée nationale du désir › ardent que le ministère anglais avait d'entretenir (1) l'amitié, > l'harmonie qui subsistáient entre les deux nations. ›

› Pour ôter aux étrangers tout prétexte de prendre part à nos discussions intérieures, les représentans du peuple proclamèrent l'amour de la nation pour la paix, sa renonciation à tout projet de conquête, son respect pour l'indépendance de tous les gou

vernemens.

> Quels projets d'agression aurait-on pu supposer à un peuple

(1) « Lettres de M. le duc de Dorset, ambassadeur d'Angleterre, des 26 juillet ét 5 août 1789. »

qui luttait avec effort contre son gouvernement, contre deux classes privilégiées, contre tant de préjugés ou d'habitudes; à un peuple divisé en plusieurs partis, agité dans ses villes, dans ses campagnes mêmes, épuisé dans ses finances, et égaré jusqu'à abolir précipitamment des impôts déjà insuffisans, quoique odieux ; à un peuple enfin dont les armées n'avaient jamais été si faibles, et qui les voyait commandées par des chefs ennemis de sa révolution?

» Un politique ordinaire pouvait dès lors prédire au peuple français: vous allez avoir toute l'Europe à combattre ; une guerre civile dévastera le tiers de la France; un grand nombre de vos citoyens ira se joindre à vos ennemis; vos flottes, vos places fortes, vos colonies seront livrées par la trahison; les factions vont vous déchirer; le sang coulera au dedans comme au dehors, et la famine atteindra ceux qu'épargnera la hache ou l'épée,

» Mais où est le génie qui eût osé ajouter : Français, ne désespérez point de votre indépendance; que les citoyens restent fermes à leur poste; qu'un million de soldats se précipite vers les frontières ; il est de grands hommes dans ces rangs obscurs ! La constance des gens de bien triomphera du désordre et des factions; ils resteront inébranlables à l'aspect des têtes sanglantes, comme vos soldats devant les bataillons ennemis ; les meilleures troupes, les plus fameux généraux de l'Europe fuiront devant vous; la gloire de la nation effacera, adoucira ses malheurs; vous vous élancerez au delà de toutes vos frontières; vous porterez vos armes en Afrique et en Asie; un homme paraîtra qui viendra terminer tout ce qui restait indécis, calmera les factions, éteindra jusqu'aux haines; l'Europe vous respectera; les rois deviendront vos amis, et les peuples se presseront autour du faisceau de la République...

> Si quelqu'un eût osé tenir ce langage, on l'aurait traité d'insensé ; je n'ai fait cependant que vous raconter votre histoire : ce qu'il n'était pas permis au génie de prévoir, le peuple français l'a accompli; mais il ne pouvait pas le prévoir lui-même.

› Ses ennemis étaient si loin de croire à la probabilité de tels

« ZurückWeiter »