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investi de la consistance et des pouvoirs nécessaires pour maintenir la sûreté et l'existence d'un grand peuple, attachées à la súreté, à l'existence de son chef.

⚫ Mais ce juri national ne suffit pas encore pour assurer en même temps et votre vie et votre ouvrage, si vous n'y joignez pas des institutions tellement combinées que leur système vous survive. Vous fondez une ère nouvelle; mais vous devez l'éterniser : l'éclat n'est rien sans la durée.

› Nous ne saurions douter que cette grande idée ne vous ait occupé, car votre génie créateur embrasse tout, et n'oublie rien; mais ne différez point.

› Vous êtes pressé par le temps, par les événemens, par les conspirateurs, par les ambitieux; vous l'êtes dans un autre sens par une inquiétude qui agite tous les Français. Vous pouvez enchaîner le temps, maîtriser les événemens, mettre un frein aux conspirateurs, désarmer les ambitieux, tranquilliser la France entière en lui donnant des institutions qui cimentent votre édifice, et prolongent pour les enfans ce que vous fites pour les pères.

› Citoyen premier consul, soyez bien assuré que le sénat vous parle ici au nom de tous les citoyens : tous vous admirent et vous aiment; mais il n'en est aucun qui ne songe souvent avec anxiété à ce que deviendrait le vaisseau de la République s'il avait le malheur de perdre son pilote avant d'avoir été fixé sur des ancres inébranlables. Dans les villes, dans les campagnes, si vous pouviez interroger tous les Français l'un après l'autre, il n'y en a aucun qui ne vous dit, ainsi que nous :- Grand homme, achevez votre ouvrage en le rendant immortel comme votre gloire! Vous nous avez tirés du chaos du passé; vous nous faites bénir les bienfaits du présent; garantissez-nous l'avenir.

>> Dans les cours étrangères la saine politique vous tiendrait le même langage. Le repos de la France est le gage assuré du repos de l'Europe.

» Telles sont, citoyen premier consul, les observations que le sénat a cru devoir vous présenter. Après vous avoir exprimé ce vœu national, il vous répète, en son nom et au nom du peu

ple français, que dans toutes les circonstances, et aujourd'hui plus que jamais, le sénat et le peuple ne font qu'un ayee vous.

› Signé : CAMBACÉRÈS, second consul, président; Morard de GALLES et.JOSEPH CORNUDET, secrétaires. >

--Le premier consul promit de refléchir sur la demande du sénat. Il convoqua le conseil d'état, et sembla le consulter. Celuici consacra quatre séances à discuter la question de l'hérédité du pouvoir, à chercher le titre par lequel on désignerait cette autorité héréditaire, etc. Personne ne proposa le titre de roi, et, chose étrange, sur vingt-sept conseillers appelés à délibérer et à voter, sept opinèrent pour l'ajournement de la mesure; Berlier osa dire que c'était un pas rétrograde, que c'était manquer le but de la révolution; d'autres que c'était rouvrir la porte aux Bourbons. Il ne put y avoir de doutes sur l'avis des conseillers; car n'ayant pu tomber d'accord sur la rédaction des procès-verbaux, chacun fit le procès-verbal de son opinion.

Pendant que ces choses se passaient au conseil d'état, Lucien Bonaparte ouvrait chez lui des conférences et y appelait les personnages les plus influens du sénat, du tribunat et même du corps législatif, quoique celui-ci ne fût plus en session. Il fallait se hâter, y disait-on, si l'on ne voulait pas que l'armée prît l'initiative. Il était dangereux d'attendre; on ne devait pas oublier que le sénat romain avait perdu toute considération et toute autorité du jour où les légions s'étaient attribué l'élection des empereurs. Enfin on proposait le titre d'empereur.

En même temps on répandit le bruit que Murat contenait avec peine l'élan de la garnison de Paris; qu'elle avait résolu de saluer, à la première revue, le premier consul du titre d'empereur.

Près d'un mois s'écoula ainși en démarches et en intrigues ce toute sorte. Enfin le 3 floréal (23 avril 1804) un homme peu connu, le tribun Curée, déposa sur le bureau du tribunat une motion d'ordre tendant à ce que Napoléon Bonaparte actuellement premier consul, fût déclaré empereur des Français et à ce que la dignité impériale fut déclarée héréditaire dans sa famille. Cette

motion fut mise à l'ordre du 10, en séance extraordinaire. Alors, Bonaparte crut pouvoir répondre à l'adresse du sénat. Il le fit en ces termes :

Message du premier consul au sénat conservateur.-Saint-Cloud, lle 5 floréal an XII.

• Sénateurs, votre adresse du 6 germinal dernier n'a pas cessé d'être présente à ma pensée; elle a eté l'objet de mes méditations les plus constantes.

› Vous avez jugé l'hérédité de la suprême magistrature nécessaire pour mettre le peuple français à l'abri des complots de nos ennemis et des agitations qui naîtraient d'ambitions rivales. Plusieurs de nos institutions vous ont en même temps paru devoir être perfectionnées pour assurer sans retour le triomphe de l'égalité et de la liberté publiques, et offrir à la nation et au gouvernement la double garantie dont ils ont besoin.

» Nous avons été constamment guidés par cette grande vérité, que la souveraineté réside dans le peuple français en ce sens que tout, tout sans exception, doit être fait pour son intérêt, pour son bonheur et pour sa gloire. C'est afin d'atteindre ce but que la suprême magistrature, le sénat, le conseil d'état, le corps législatif, les colléges électoraux et les diverses branches de l'administration sont et doivent être institués.

› A mesure que j'ai arrêté mon attention sur ces grands objets, je me suis convaincu davantage de la vérité des sentimens que je vous ai exprimés, et j'ai senti de plus en plus que, dans une circonstance aussi nouvelle qu'importante, les conseils de votre sagesse et de votre expérience m'étaient nécessaires pour fixer toutes mes idées.

> Je vous invite donc à me faire connaître votre pensée tout entière.

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> Le peuple français n'a rien à ajouter aux honneurs et à la gloire dont il m'a environné; mais le devoir le plus sacré pour moi, comme le plus cher à mon coeur, est d'assurer à ses enfans les avantages qu'il a acquis par cette révolution qui lui a tant coûté

surtout par le sacrifice de ce million de braves morts pour la défense de ses droits.

› Je désire que nous puissions lui dire, le 14 juillet de cette année : Il y a quinze ans, par un mouvement spontané, vous courûtes aux armes; vous conquîtes la liberté, l'égalité et la gloire. Aujourd'hui ces premiers biens des nations, assurés sans retour, sont à l'abri de toutes les tempêtes; ils sont conservés à vous et à vos enfans: des institutions conçues et commencées au sein des orages de la guerre intérieure et extérieure, développées avec constance, viennent se terminer au bruit des attentats et des complots de nos plus mortels ennemis, par l'adoption de tout ce que l'expérience des siècles et des peuples a démontré propre à garantir les droits que la nation a jugés nécessaires à sa dignité, à sa liberté et à son bonheur.

› Le premier consul. - Signé, BONAPARTE. ›

- Le message du premier consul parvint le 6 floréal (26 avril 1804) au sénat. Il fut soumis à l'examen d'une commission, composée de dix membres dont voici les noms : c'étaient François de Neufchâteau, Fouché, Roederer, Lecouteux-Canteleu, Boissyd'Anglas, Vernier, Lacépède, Vaubois, Laplace et Fargues. Cette commission sembla cette fois être un moyen d'attermoyer une décision définitive. Elle ne précipita point son travail; elle y mit au contraire une sage lenteur. Le sénat voulait attendre pour connaître le parti que prendrait le tribunat.

Le 10 floréal, le tribunat s'assembla, et Curée monta à la tribune. Voici comment il termina son discours :

» Hâtons-nous, mes collègues, de demander l'hérédité de la suprême magistrature; car en votant l'hérédité d'un chef, comme disait Pline à Trajan, nous empêcherons le retour d'un maître.

» Mais en même temps donnons un grand nom à un grand pouvoir; concilions à la suprême magistrature du premier empire du monde le respect d'une dénomination sublime.

⚫ Choisissons celle qui, en même temps qu'elle donnera l'idée des premières fonctions civiles, rappellera de glorieux souvenirs, et ne portera aucune atteinte à la souveraineté du peuple,

T. XXXIX.

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Je ne vois pour le chef du pouvoir national aucun titre plus digne de la splendeur de la nation que le titre d'empereur.

› S'il signifie consul victorieux, qui mérita mieux de le porter? quel peuple, quelles armées furent plus dignes d'exiger qu'il fût celui de leur chef?

› Je demande donc que nous reportions au sénat un vœu qui est celui de toute la nation, et qui a pour objet :

› 1° Que Napoléon Bonaparte, actuellement premier consul, soit déclaré empereur, et en cette qualité demeure chargé du gouvernement de la République française;

» 2o Que la dignité impériale soit déclarée héréditaire dans sa famille;

› 3° Que celles de nos institutions qui ne sont que tracées soient définitivement arrêtées.

› Tribuns, il ne nous est plus permis de marcher lentement; le temps se hâte; le siècle de Bonaparte est à sa quatrième année ; et la nation veut un chef aussi illustre que sa destinée. »

-Vingt-quatre orateurs se levèrent aussitôt, et se succédèrent à la tribune pour appuyer la motion anti-républicaine. Arnould, Albisson, Carion-Nisas, Carret, Chabaud-Latour, Chabot, Costaz, Challan, Chassiron, Delaître, Delpierre, Duveyrier, Duvidal, Favard, Faure, Fréville, Gallois, Gillet, Grenier, Jaubert, Koch, Perrin, Sahuc et Siméon, lurent des discours préparés en faveur de l'hérédité. Ce concert d'opinions fut troublé par un seul homme; un seul homme osa parler contre ce qui semblait être l'avis unanime du tribunat : ce fut Carnot. Voici son discours:

Discours du tribun Carnot.

Séance du 11 floréal an XII.

(1er mai 1804).

› Citoyens tribuns, parmi les orateurs qui m'ont précédé, et qui tous ont appuyé la motion d'ordre de notre collègue Curée, plusieurs ont été au devant des objections qu'on pouvait faire -contre elle, et ils y ont répondu avec autant de talent que d'aménité : ils ont donné l'exemple d'une modération que je tâcherai d'imiter en proposant d'autres observations qui m'ont paru

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