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LETTRE ADRESSÉE DE ROME PAR M. L'ÉVÈQUE

D'ORTHOSIA

A M. L'ARCHEVÊQUE DE RHEIMS.

MONSEIGNEUR,

8 mars 1815.

ha

Je n'ai reçu la lettre, dont votre excellence m'a ho¬ noré, du 29 janvier, que le 1er. mars, et encore par sard, car le roi de Sardaigne arrête les courriers de France, je ne sais sous quel prétexte, depuis six semaines, et nous étions dans une véritable peine d'être si long-temps sans lettres de France.

Vos lettres, monseigneur, sont pour moi une véritable satisfaction, car je n'en ai pas d'ailleurs. Nous attendons, avec impatience, réponse à la note que vous a portée M. le comte Jules de Polignac; pour moi, je crois qu'elle est facile à faire, car je suis invariable dans ma façon de penser; et je crois même qu'il n'y a que l'avis que j'ai eu l'honneur de vous manifester qui puisse arrêter un schisme tant à craindre; car personne n'a plus le mot à dire, en regardant comme non avenu le concordat de 1801, et rétablissant l'ancienne circonscription des diocèses. Il a échappé à M. de Sambucy de me dire qu'il vous avait donné le conseil de demander le nombre des évêques que le roi désire, et qu'on envoyât en même temps la nomination des sujets destinés à remplir les siéges que vous aurez conservés ; je lui ai répondu net qu'il avait donné un mauvais avis: car, si vous demandez seulement un certain nombre d'évêchés, ce

sera abandonner le principe, et ce sera une nouvelle création d'évêchés : l'ancien clergé de France, si illustre, si distingué, ne peut pas être sujet à de pareilles vicissitudes; et, si vous envoyez les sujets avant la bulle, on se permettra des réflexions sur lesdits sujets; on ira jusqu'à dire qu'on supplie le roi qu'il en nomme d'autres, si quelques-uns ne plaisent pas. On veut toujours s'éloigner du point de la question; il ne s'agit pas de créer, il ne s'agit pas d'innover, il s'agit de rendre à l'Église de France son lustre ; il s'agit que le roi conserve les droits de sa couronne. Rétablir les anciens diocèses dans leurs limites, c'est reconnaître le principe qu'ils n'ont dû jamais être détruits. Quand la bulle sera rendue, c'est alors que le roi verra, dans sa haute sagesse, ce qu'il y a à faire; c'est alors que S. M. daignera interroger le clergé de France, pour voir s'il est expédient de réunir quelques évêchés pour le bien de l'Église de France, comme plusieurs fois on a voulu le faire pour Grasse, Vence et Sénez.

Votre excellence présentera ensuite, dans la forme accoutumée, à S. M., les sujets dignes d'être évêques, ce qui demande les plus mûres réflexions, et ensuite on se présentera au pape dans les formés canoniques et usitées en France depuis François 1er. L'avis que M. de Sambucy avoue avoir donné, d'envoyer au pape la liste des sujets nommés avant la concession de la bulle, prouve évidemment à votre excellence qu'il s'est laissé influencer par les personnes qu'il voit ici, puisque c'est exac◄ tement ce qu'on a demandé au roi dans la note com

muniquée à votre excellence par le nonce du pape, en date du 16 septembre 1814, et dont vous avez bien voulu me donner copie. Je vous supplie, monseigneur, de vous en faire donner une seconde lecture; il y est dit : Sa Sainteté n'a pas lieu de douter que le roi se fera un plaisir de lui notifier confidentiellement les personnes qu'il a intention de nommer; innovation qui compromettrait les droits du roi ; et comment M. de Sambucy a-t-il pu se prêter à vous donner un pareil avis? Dans la dernière note, vous ne devez vous arrêter qu'à un seul article, celui où il est dit que Sa Sainteté consent à rétablir l'Église de France, et tous les évéchés que le roi jugera à propos de demander. Eh bien! que le roi daigne dire: Je les demande tous. J'ai entendu parler sur le bref, à l'évêque de Bâle : Ils voudraient l'anéantir, s'ils le pouvaient. Et une personne en place m'a assuré que monseigneur Testa, secrétaire à latinis, qui l'a rédigé, pourrait bien être disgracié.

Vous avez bien raison de dire que les raisons qu'on donne pour ne pas l'étendre à toute l'Église de France, sont bien futiles. Enfin il existe; s'il existe pour une Église, il existe pour toutes les autres; si on était inébranlable sur le projet que j'avais indiqué, et dans lequel je persiste, on obtiendrait : avec cette cour, il faut avoir de la ténacité, de la fermeté; on n'a jamais mis en avant une chose qui les ferait trembler : C'est le que concordat de 1801, ayant été fait sans le roi, il ne peut le lier en aucune manière; car pour qu'un acte lie, il faut qu'il ait été consenti par toutes les parties inté

ressées (1). Et le roi était furieusement intéressé à ce que son ancienne Église, si renommée, si belle, si illustre, ne fût pas bouleversée; le roi a beau jeu de s'en tenir à son avis; son droit est incontestable. Des trois commissaires qu'on nous a laissés, il n'y a que Fontana d'éclairé, mais il est de mauvaise foi; pourquoi l'ambassadeur ne dit-il pas à ce pape: Votre Sainteté m'a envoyé son pro-secrétaire d'état, pour me dire qu'elle traiterait avec moi ou avec le cardinal Pacca; d'après cela, je ne reconnais plus la commission; que Votre Sainteté la consulte si elle veut, mais nous ne la reconnaîtrons plus pour organe, mais seulement le cardinal pro-secrétaire d'état à qui Votre Sainteté a donné ordre de traiter avec nous, et dans le plus bref délai.

Oui, on dit ici en effet que Consalvi veut tout finir, et qu'il insinue des difficultés pour avoir le temps d'ar

river.

Le pape a accordé tout au dernier gouvernement, et tout ce qu'il a demandé, parce qu'il a dit, je veux, et été invariable dans ses demandes.

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Nous avons négocié, voilà notre tort; il fallait dire au pape : Je ne veux que le concordat fait avec mes ancétres et vos prédécesseurs, et je n'en veux pas d'autres ; je n'en reconnais pas d'autres, ou il n'y en aura point

(1) Faites l'application de ce principe à tout ce qui s'est passé en France pendant vingt-cinq ans, et vous verrez un beau désordre.

comme auparavant; et je vais assembler le clergé de mon royaume pour aviser aux moyens à prendre.

Une pareille détermination ferme les aurait fait trembler; ils seraient à vos genoux, et vous êtes aux leurs; car ils vous disent : Demandez, l'on vous donnera. Qu¡ est offensé, ici? c'est le roi.

Je connais cette cour (1), je connais les Romains ; il faut parler ainsi; mais, plusieurs me l'ont dit, vous ne finissez rien, parce que vous ne voulez pas, vous ne demandez pas avec énergie. Voilà ce que des gens bien pensant m'ont dit : Oui, monseigneur. L'insouciance, l'irréligion ont gagné ce pays-ci; on ne pense qu'au temporel. Et les Italiens qui ont été en France, avouent que le bon Dieu y est mieux servi qu'ici, où il y a une grande dissolution de mœurs. Croiriez-vous que, dans le carême, il n'y a que les mercredi, jeudi et samedi saints de maigre, et que les vendredis et samedis ordinaires on apprête tout au saindoux et au lard, sous le prétexte que l'huile est chère ! Il est vrai qu'on est mécontent ici; on a crié l'autre jour au pape, en sortant d'une église, et donnant sa bénédiction à l'ordinaire : Razionni, non benedizioni, du manger et non des bénédic tions, et en secouant leurs bras en l'air.

Votre excellence a bien raison de dire que la France a toujours été la première à venir au secours du pape, et même à présent c'est la plus fidèle. Voyez ce qui se fait en Allemagne, où la religion catholique n'a pas le

(1) Les philosophes n'ont jamais plus dit de la cour de Rome.

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