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activité prodigieuse dont les développemens nous furent jadis si glorieux et si funestes. Il rappela sous les drapeaux tout ce qui avoit quitté l'armée; il la rétablit sur ses anciennes bases, et redonna à chaque régiment, réduit à trois bataillons son complément d'origine.

Sa garde, entièrement réorganisée, se composa de vingt régimens d'infanterie, cinq régimens de cavalerie, de plusieurs corps de gendarmerie, d'artillerie, de génie et du train, offrant une masse de vingt mille hommes d'élite. Par différens rappels aux militaires pensionnés, en retraite, en congé ou en réforme, il porta l'armée de ligne réduite sous le ministère de Soult à quatre vingt-cinq mille hommes sous les armes, à deux cent mille combattans, presque tous anciens soldats. Les rapports minist ériels l'élevèrent à trois cent mille hommes, supputation févidemment exagérée, ai nsi que l'événement le prouvera plus tard.

Les bataillons de grenadiers et de chasseurs d'élite de la garde nationale, tous composés d'hommes de vingt à quarante ans, furent destinés aux garnisons des places fortes et aux réserves. On forma huit armées au corps d'observation, savoir: l'armée du Nord; l'armée de la Moselle; l'armée du Rhin; le corps d'obser

vation du Jura qui se réunit à Befort; l'armée des Alpes, rassemblée à Chambéry; le corps d'observation du Var, sous les murs d'Antibes; celui des Pyrénées à Perpignan et à Bordeaux, et l'armée de réserve réunie à Paris et à Laon. Les chevaux de la gendarmerie furent donnés aux troupes à cheval; et dans quelques provinces on vit se former une cavalerie volontaire.

Le service de l'artillerie réorganisé replaça en ligne cent batteries qui furent réparties aux différentes armées du nord, du nidi et de l'est. On acheta vingt mille chevaux du train et des équipages. Les travaux des arsenaux furent poussés avec la même activité. Dix ateliers d'armes employoient, dans Paris, six mille ouvriers. Ea deux mois, quatre-vingt mille fusils furent réparés; mais la fabrication des armes n'alloit point assez vite au gré de Napoléon.

Cent cinquante places fortes qui défendent les frontières furent armées ou approvisionnées en munitions de guerre, et vingt places dans l'intérieur furent mises en état de défense. On fortifia les villes ouvertes et les principales positions des frontières. Des ouvrages de campagne s'élevèrent dans la forêt de Mormale;

des retranchemens furent construits aux cinq passages des Vosges, et des ordres furent donnés pour la défense des défilés du Jura et de toute la frontière des Alpes. Des travaux poussés avec une extrême rapidité mirent Soissons, Laon, La Fère, Saint-Quentin, Guise, ChâteauThierry, Vitry et Langres, en état d'opposer une vive résistance. On travailla même à la défense de Châlons, Reims et Dijon, tandis que les Vosges, le Jura, l'Argone, déjà fortifiés par la nature, recevoient toutes les défenses de l'art. Paris et Lyon furent aussi destinés à résister aux plus grands efforts de l'ennemi,

Les ministres affirmoient, dans leurs comptes officiels que le total des forces françaises s'éleveroit à neuf cent mille hommes, dont plus de sept cent mille seroient déjà sous les drapeaux dans le courant de mai, le reste marchant avec célérité pour les joindre. Ce qui paroît le plus avéré dans ces amplifications ministérielles sur l'armée de Buonaparte, c'est l'énorme quantité d'officiers généraux qui y figuroient. Quatre cent quatre-vingt-douze étoient employés dans les états-majors, indépendamment de dix-sept cents adjudans-commandans et aides de camp, et de onze cent quatre-vingt neuf commandans d'armes. Les places-fortes reçurent des com

mandans et des gouverneurs. On employa deux cent trente colonels, quatre cent soixante chefs de bataillons, et quatre cent soixante adjudansmajors à la formation des bataillons d'élite de la garde nationale et à la création de trente-six bataillons de tirailleurs tant à Paris qu'à Lyon. Enfin, Napoléon crut achever de gagner l'armée en assurant à la classe des sous-officiers la moitié des sous-lieutenances vacantes, et en remettant en vigueur l'alternative de l'élection et de l'ancienneté.

Mais une armée aguerrie et formidable, une armée pleine d'ardeur ne suffisoit pas encore pour défendre l'usurpateur menacé par toute l'Europe, surtout quand cette armée n'avoit pour elle dans l'intérieur que l'appui de deux factions mal unies, et l'une toute prête à sacrifier un chef déchu de sa gloire. Dominé d'ailleurs par les révolutionnaires, Napoléon ne s'étoit attaché à la cause des peuples que dans l'impossibilité de se rallier à celle des rois. Il avoit reculé devant le sentiment de liberté qui sembloit s'exhaler de toute l'Entrop; c'est ce qui l'avoit conduit dans le piége d'une assemblée du Champ-de-Mai, et d'une réforme constitutionnelle.

Donner à la France un régime qui satisfit à

la fois les indépendans et le dictateur, étoit un problème insoluble. Napoléon n'aspiroit qu'à retenir le sceptre du pouvoir arbitraire. Ses ministres et ses conseillers les plus imbus des maximes révolutionnaires insistoient pour que l'assemblée du Champ-de-Mai fût véritablement constituante; c'est-à-dire, que les électeurs, comme représentans immédiats du peuple, eussent le privilége d'apporter des modifications au projet qu'on alloit leur soumettre. Les esprits spéculatifs s'évertuoient à forger des plans pour organiser en assemblée délibérante yingt-cinq mille citoyens ayant droit de voter. Des projets impraticables étoient gravement débattus dans le conseil; souvent même les observations de Napoléon étoient écartées. Il ne lui restoit que l'alternative de n'être que le chef méprisé d'un gouvernement fondé sur la licence et la révolte, ou de ressaisir avec audace la verge du pouvoir absolu. Las de tant de mortifications et d'entraves, des bruyans hommages d'une populace dont les cris de vive l'empereur! ne se faisoient plus entendre qu'en proportion d'un tarif que l'état des finances faisoit décroître chaque jour, sa patience s'épuisa; et le Buonaparte du 20 mars redevint l'empereur Napoléon. L'époque indiquée pour la tenue du Champ - de - Mai

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