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nes (1) n'étaient que des ignorans qui n'étaient pas capables de l'en informer. Le cardinal de Richelieu, qui leur succéda, fit, pour parler ainsi, un fonds de toutes les mauvaises intentions et de toutes les ignorances des deux derniers siècles, pour s'en servir selon ses intérêts. Il les déguisa en maximes utiles et nécessaires pour établir l'autorité royale; et la fortune secondant ses desseins, par le désarmement du parti protestant en France, par les victoires des Suédois, par la faiblesse de l'Empire, par l'incapacité de l'Espagne, il forma, dans la plus légitime des monarchies, la plus scandaleuse et la plus dangereuse tyrannie qui ait peut-être jamais asservi un état. L'habitude qui a eu la force en quelques d'accoutumer les hommes au feu, nous a endurcis à des choses que nos pères ont appréhendées plus que le feu même. Nous ne sentons plus la servitude qu'ils ont détestée, moins pour leur propre intérêt que pour celui de leurs maîtres, et le cardinal de Richelieu a fait des crimes de ce qui faisait autrefois des vertus. Les Miron, les Harlay, les Marillac, les Pibrac et les Faye, ces matyrs de l'État qui ont le plus dis

pays

(1) Charles d'Albert, duc de Luynes, connétable en 1621, mort la même année.

sipé de factions par leurs bonnes et saines maximes que l'or d'Espagne et d'Angleterre n'en a fait naître, ont été les défenseurs de la doctrine, pour la conservation de laquelle le cardinal de Richelieu confina M. le président de Barillon à Amboise; et c'est lui qui a commencé à punir les magistrats pour avoir avancé des vérités pour lesquelles leur serment les obligeait d'exposer leur propre vie.

Les rois qui ont été sages et qui ont connu leurs véritables intérêts, ont rendu les parlemens dépositaires de leurs ordonnances, mais particulièrement pour se décharger d'une partie de l'envie et de la haine que l'exécution des plus saintes et même des plus nécessaires produit quelquefois. Ils n'ont pas cru s'abaisser en s'y liant eux-mê¬ mes; semblables à Dieu qui obéit toujours à ce qu'il a commandé une fois. Les ministres, qui sont toujours assez aveuglés par leur fortune, pour ne pas se contenter de ce que les ordonnances permettent, ne s'appliquent qu'à les renverser; et le cardinal de Richelieu, plus qu'aucun autre, y a travaillé avec autant d'imprudence que d'application.

Il n'y a que Dieu qui puisse subsister par lui seul; les monarchies les mieux établies et les monarques les plus autorisés ne se soutiennent que

par l'assemblage des hommes et des lois; et cet> assemblage est si nécessaire, que les unes ne peuvent se maintenir sans les autres. Les lois, sans le secours des armes, tombent dans le mépris; les armes, qui ne sont point modérées par les lois, tombent bientôt dans l'anarchie. La République romaine ayant été anéantie par Jules César, la puissance dévolue, par la force de ses armes, à ses successeurs, subsista autant de temps qu'ils purent eux-mêmes conserver l'autorité des lois. Aussitôt qu'elles perdirent leur force, celle des empereurs s'évanouit par le moyen de ceux-mêmes qui, s'étant rendus maîtres de leurs sceaux et de leurs armes, par la faveur qu'ils avaient auprès d'eux, convertirent à leur propre substance celle de leurs maîtres, qu'ils sucèrent, pour parler ainsi, à l'abri de ces lois anéanties. L'Empire romain mis à l'encan, et celui des Ottomans exposé tous les jours au cordeau, nous marquent, par des caractères bien sanglans, l'aveuglement de ceux qui ne font consister l'autorité que dans la force.

Mais pourquoi chercher des exemples étrangers où nous en avons tant de domestiques? Pepin n'employa, pour détrôner les Mérovingiens, et Capet ne se servit, pour déposséder les Carlovingiens, que de la même puissance que les mi

nistres prédécesseurs de l'un et de l'autre s'étaient acquise sous le nom de leurs maîtres : et il est à observer que les maires du palais et que les comtes de Paris se placèrent sur le trône des rois, justement et également par la même voie par laquelle ils s'étaient insinués dans leur esprit, c'est-à-dire, par l'affaiblissement et le changement des lois de l'état, qui plaît toujours d'abord aux princes peu éclairés, parce qu'ils s'imaginent y voir l'agrandissement de leur autorité, et qui, dans les suites, servent de prétexte aux grands, et de motifs aux peuples pour se soulever.

Le cardinal de Richelieu était trop habile pour ne pas avoir toutes ces vues; mais il les sacrifia à son intérêt. Il voulut régner selon son inclination, qui ne se donnait point de règles, même dans les choses où il ne lui eût rien coûté de s'en donner; et il fit si bien, que, si le destin lui eût donné un successeur de son mérite, je ne sais si la qualité de premier ministre qu'il a prise le premier, n'aurait pas pu être, avec un peu de temps, aussi odieuse en France, que l'ont été par l'événement celles de maire du palais et de comte de Paris. La Providence y pourvut au moins en un sens, le cardinal Mazarin, qui prit sa place, n'ayant donné ni pu donner aucun ombrage à l'Etat, du côté de l'usurpation, Comme ces deux

ministres ont beaucoup contribué, quoique différemment, à la guerre civile, je crois qu'il est nécessaire que je vous en fasse le portrait et le parallèle.

Le cardinal de Richelieu avait de la naissance. Sa jeunesse jeta des étincelles de son mérite. Il se distingua en Sorbonne : on remarqua de fort bonne heure qu'il avait de la force et de la vivacité dans l'esprit. Il prenait d'ordinaire très-bien son parti. Il était homme de parole où un grand intérêt ne l'obligeait au contraire; et en cela il n'oubliait rien pour sauver les apparences de la bonne foi. Il n'était pas libéral, mais il donnait plus qu'il ne promettait, et il assaisonnait admirablement ses bienfaits. Il aimait la gloire beaucoup plus que la morale ne le permet; mais il faut avouer qu'il n'abusait qu'à proportion de son mérite, de la dispense qu'il avait prise sur le point de l'excès de son ambition. Il n'avait ni l'esprit ni le cœur au-dessus des périls; il n'avait ni l'un ni l'autre au-dessous; et l'on peut dire qu'il en prévint davantage par sa sagacité qu'il n'en surmonta par sa fermeté. Il était bon ami; il eût même souhaité d'être aimé du public; mais quoiqu'il eût la civilité, l'extérieur et d'autres parties propres à cet effet, il n'en eut jamais ce je ne sais quoi qui est encore en cette matière plus re

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