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fluences qui s'agitaient près du souverain pontife. Il s'occupait très-peu des intérêts de l'Église de France, et sans le cardinal Fesch, cette Église n'aurait peut-être

rien obtenu.

L'Empereur eût mieux aimé que Sa Sainteté parùt quelquefois à la cour; mais il comprenait les motifs d'une réserve inséparable du rang suprême qu'occupait Pie VII, et ne le contrariait pas. Ce vénérable pontife recevait chaque semaine. Dans les premiers jours de janvier, plus de quinze cents personnes vinrent baiser sa mule ou son anneau. Des paroles tour à tour encourageantes et flatteuses accueillirent celles qu'il connaissait: Raynouard, dont la tragédie des Templiers venait d'avoir un grand succès, Delille, Esménard et madame de Genlis furent particulièrement distingués par le vénérable pontife, qui ne reçut pas avec moins de bienveillance mesdames Tallien, Hamelin et la nourrice de l'Empereur, Camilla Ilari, qui excitait très-vivement alors la curiosité parisienne. Napoléon l'avait fait venir exprès, l'entretenait souvent et s'amusait de ses naïvetés. « La pauvre femme, dit Meneval, pleurait de joie en revoyant son glorieux nourrisson. L'Empereur me chargea de pourvoir à ses besoins et à ses plaisirs. Elle ne savait pas un mot de français. Elle passa trois mois à Paris dans un enchantement continuel. Tout en parlant de sa tendresse pour le fils de son lait, elle ne négligeait pas ses intérêts. Elle ne parut pas fachée de retourner en Corse pour y faire parade des cadeaux et de l'argent dont l'Empereur l'avait comblée. Peu de temps après qu'elle fut revenue à Ajaccio, il lui fit une donation de la meilleure partie de son héritage paternel'. >>

1 Napoléon et Marie-Louise, t. Ier, p. 188-189.

C'était l'époque des faveurs, des actes de munificence et de générosité. Chaque jour le Moniteur enregistrait quelque création d'emploi, quelque dignité nouvelle ou quelque marque distinctive, et le Moniteur ne disait pas tout. Le général Caffarelli fut nommé gouverneur du palais des Tuileries; le général Dessole, gouverneur du palais de Versailles; le général Loison, gouverneur du palais de Saint-Cloud; le général Gudin, gouverneur du palais de Fontainebleau; le général Suchet, gouverneur du palais de Laken; M. de la Luzerné, gouverneur du palais de Stupinis. Des noms anciens, les Turenne, les Bouillé, les Tournon, les Bondy, les Canisy, les Villoutreys, les Béarn, les de Croy, les Mercyd'Argenteau, vinrent se placer à côté de noms roturiers que leurs actions devaient bientôt ennoblir, et la cour prit un développement proportionné aux grandeurs de l'Empire.

Les apprêts du couronnement de l'Empereur commé roi d'Italie furent en rapport avec ceux du couronnement à Notre-Dame. On désigna pour accompagner Leurs Majestés: un colonel général de la garde; le grand maréchal du palais; le grand écuyer de l'Impératrice; sa première dame d'honneur; deux évêques, l'abbé de Pradt, alors évêque de Poitiers, et l'abbé de Broglie, évêque d'Acqui; quatre dames du palais; les aides de camp Caffarelli et Lemarrois; six écuyers ordinaires; quatre chambellans; deux préfets du palais; trois adjoints du grand maréchal; un aumônier ordinaire; Meneval, secrétaire particulier; Deschamps, secrétaire des commandements de l'Impératrice; le ministre de l'intérieur; plusieurs conseillers d'État; le maréchal Moncey; des maîtres d'hôtel, des huissiers, des valets de chambre et des femmes de chambre; huit pages conduits par l'abbé Gandon, leur

directeur; quantité de gens attachés au service. Une troupe d'opéra et de comédie, Gardel et sa femme, Vestris et mademoiselle Bigotini étaient aussi du voyage.

L'Empereur et l'Impératrice quittèrent Saint-Cloud le 31 mars pour se rendre à Fontainebleau. Le voyage de Leurs Majestés et le retour du pape en Italie devant s'exécuter simultanément, voici l'ordre dans lequel fut fixé ce double itinéraire :

Itinéraire de Leurs Majestés.
Le 12 germinal (2 avril), à Troyes.
Les 13 et 14, séjour.

Le 15, à Semur.
Le 16, à Châlons.

Le 17, à Mâcon.

Les 18 et 19, séjour.
Le 20, à Bourg.
Le 21, séjour.
Le 22, à Lyon.

Les 23, 24 et 25, séjour.

Le 26, à Chambéry.
Les 27 et 28, séjour.
Le 29, à Lamlebourg.
Le 30 (30 avril), à Stupinis.

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Sa Sainteté, partie du pavillon de Flore un jeudi, à huit heures du matin, devait célébrer à Troyes le dimanche des Rameaux, et faire ses pâques à Mâcon. Il y eut partout un pieux enthousiasme autour de Pie VII. Les autorités étaient à leur poste, et, favorisées par un soleil de printemps, les populations stationnant le long des routes, ainsi que sur les places et dans les temples, répandaient à pleines mains des fleurs et des feuillages sous ses pas. On eût dit que, par une attention délicate, l'Empereur évitait les rencontres qui auraient pu amoindrir l'élan des populations vers le chef de l'Église jusqu'aux frontières de France, il fut véritablement l'hôte de Pie VII. Leurs Majestés Impériales

sortaient de Lyon, comblées d'honneurs, lorsque Sa Sainteté vint y recevoir des honneurs plus grands encore, et des témoignages indicibles de respect. Le monarque du monde chrétien et Napoléon se rencontrèrent à Turin, dînèrent ensemble, et se séparèrent pour ne se revoir qu'en 1813, à Fontainebleau, dans des dispositions bien différentes. Avant de quitter Turin, Pie VII avait exigé, conformément aux prescriptions du concordat, que l'archevêque de cette ville se démît du siége qu'il occupait.

Pendant dix jours Napoléon habita le château de Stupinis. Occupé de l'Italie, de son organisation et de ses destinées politiques, il n'en exerçait pas moins un contrôle minutieux sur les actes des puissances continentales, et faisait l'application de cette maxime, qu'un souverain qui possède la clef du trésor de France doit savoir tout ce qui se passe dans les cabinets de l'Europe'. L'expédition d'Angleterre lui semblait en d'heureuses conditions de réussite; il espérait demeurer maître pendant cinquante jours de la mer des Antilles, et comptait sur la jonction ultérieure de Villeneuve avec Ganteaume, mouvement qui devait débloquer Brest, Rochefort, après avoir assuré la conquête de Saint-Vincent, d'Antigoa, de la Grenade, de la Barbade, de la Trinité et de Tabago. « Faites connaître au prince de la Paix, écrivait l'Empereur à Decrès, que les plus heureux résultats pour les deux nations seront le prix de ses efforts; qu'il ne faut point s'endormir; qu'il faut tenir les Anglais dans une alarme et une incertitude perpétuelles, et leur porter à l'improviste des coups terribles partout où se porteront nos escadres. Vous lui parlerez du cas que je fais de lui, et de la confiance que j'ai dans son activité et dans son zèle pour la cause commune..... Tenez secret le départ 1. Cette idée est de Napoléon.

des escadres; faites mettre dans les journaux hollandais qu'une escadre française a débarqué en Égypte dix mille hommes; que l'amiral a manœuvré avec beaucoup d'habileté pour tromper Nelson; qu'il a feint de passer le détroit, mais que pendant la nuit il l'a repassé et est allé sur la côte d'Afrique; que l'amiral Nelson, averti que l'escadre française était destinée pour l'Égypte, s'était d'abord dirigé sur la Sicile; que le 20 germinal il était arrivé à Palerme, mais qu'il avait été instruit que l'escadre avait passé le détroit; qu'il s'était à l'instant mis à sa poursuite, et était arrivé devant Gibraltar comme l'escadre française passait le cap Bon et naviguait sur Alexandrie. Faites mettre dans le journal de Francfort, que les rapports sur la sortie de l'escadre francaise sont des plus contradictoires; qu'on prétend que cette escadre a trompé plusieurs fois Nelson par de fausses manœuvres, et qu'en dernière analyse elle a été rencontrée se dirigeant sur l'Égypte. Faites dire aux journaux que de grandes nouvelles sont arrivées des Indes, que les affaires des Anglais vont fort mal.... Ces petits moyens sont d'un effet incalculable sur les hommes qui épousent les alarmes et les préjugés de leur coterie '. » Voilà comment l'Empereur entendait le journalisme politique, et comment la presse devenait l'auxiliaire utile de ses combinaisons. Il voulait qu'avec dix mille hommes Villeneuve occupât les principales îles du Vent, qu'il levât des contributions dans les colonies anglaises, vendit une partie de leurs noirs, s'emparât de l'artillerie, ruinât les comptoirs, et consacrât à cette expédition cinq mois, dont deux et demi seraient passés aux Antilles. Il devait, en conséquence, se rallier aux escadres de Ganteaume et de Magon, et faire en sorte de se présenter

1 Lettres en date du 23 et du 24 avril 1805.

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