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pour Joséphine, le choix d'Eugène fut d'une importance des plus graves, et l'on suppose que le souverain pontife n'y demeura point étranger; car, en plaçant sur les marches du premier trône vacant un beau-fils, l'héritier d'un autre nom, l'Empereur semblait repousser toute idée de divorce et s'affranchir des exigences dynastiques, Joséphine triomphait. Dans un élan instinctif, les peuples applaudirent; et le lendemain, 18 mars, quand Napoléon crut devoir se disculper, au sein du sénat, du reproche d'ambition que lui feraient peut-être ses adversaires, les suffrages unanimes du soldat, du peuple et des grands durent témoigner qu'on l'avait compris :

« Sénateurs, dit-il, nous avons voulu, dans cette circonstance, nous rendre au milieu de vous pour faire connaître, sur un des objets les plus importants de l'État, notre pensée tout entière. La force et la puissance de l'empire français sont surpassées par la modération qui préside à toutes nos transactions politiques. Nous avons conquis la Hollande, les trois quarts de l'Allemagne, la Suisse, l'Italie tout entière; nous avons été modérés au milieu de la plus grande prospérité. De tant de provinces, nous n'avons gardé que ce qui était nécessaire pour nous maintenir au même point de considération et de puissance où la France a toujours été. Le partage de la Pologne, les provinces soustraites à la Turquie, la conquête des Indes et de presque toutes les colonies avaient rompu à notre détriment l'équilibre général. Tout ce que nous avons jugé inutile pour le rétablir, nous l'avons rendu, et par là nous avons agi conformément au principe qui nous a constamment dirigé, de ne jamais prendre les armes pour de vains projets de grandeur ni pour l'appât des conquêtes. L'Allemagne a été évacuée, ses provinces ont été restituées aux descendants de tant

d'illustres maisons qui étaient perdues pour toujours, si nous ne leur eussions accordé une protection généreuse. Nous les avons relevées et raffermies, et les princes d'Allemagne ont aujourd'hui plus d'éclat et de splendeur que n'en ont jamais eu leurs ancêtres. L'Autriche elle-même, après deux guerres malheureuses, a obtenu l'État de Venise. Dans tous les temps, elle eût échangé de gré à gré Venise contre les provinces qu'elle a perdues. A peine conquise, la Hollande a été déclarée indépendante. Sa réunion à notre empire eût été le complément de notre système commercial, puisque les plus grandes rivières de la moitié de notre territoire débouchent en Hollande; cependant la Hollande est indépendante, et ses douanes, son commerce et son administration se régissent au gré de son gouvernement. La Suisse était occupée par nos armées; nous l'avions défendue contre les forces combinées de l'Europe; sa réunion eût complété notre frontière militaire toutefois la Suisse se gouverne par l'acte de médiation, au gré de ses dix-neuf cantons, indépendante et libre. La réunion du territoire de la république italienne à l'empire français eût été utile au développement de notre agriculture; cependant, après la seconde conquête, nous avons, à Lyon, confirmé son indépendance; nous faisons plus aujourd'hui, nous proclamons le principe de la séparation des couronnes de France et d'Italie, en assignant pour l'époque de cette séparation l'instant où elle devient possible et sans danger pour nos peuples d'Italie. Nous avons accepté et nous placerons sur notre tête cette couronne de fer des anciens Lombards pour la retremper, la raffermir, et pour qu'elle ne soit point brisée au milieu des tempêtes qui la menaceront tant que la Méditerranée ne sera pas rentrée dans son état

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habituel. Mais nous n'hésitons pas à déclarer que nous transmettrons cette couronne à un de nos enfants légitimes, soit naturel, soit adoptif, le jour où nous serons sans alarmes sur l'indépendance, que nous avons garantie, des autres États de la Méditerranée. Le génie du mal cherchera en vain des prétextes pour remettre en guerre le continent; ce qui a été réuni à notre empire par les lois constitutionnelles y restera réuni. Aucune nouvelle province n'y sera incorporée; mais les lois de la république batave, l'acte de médiation des dix-neuf cantons suisses et le premier statut du royaume d'Italie seront constamment sous la protection de notre couronne, et nous ne souffrirons jamais qu'il y soit porté atteinte. Dans toutes les circonstances et dans toutes les transactions, nous montrerons la même modération, et nous espérons que notre peuple n'aura plus besoin de déployer ce courage et cette énergie qu'il a toujours montrés pour défendre ses légitimes droits. >>

Malgré l'étiquette, qui interdisait toute espèce de manifestation, d'unanimes applaudissements émanés des fauteuils sénatoriaux et des tribunes retentirent. Il y eut cercle à Saint-Cloud, parce que depuis huit jours les grandes salles des Tuileries subissaient une transformation presque entière pour la cérémonie du baptême du fils d'Hortense. Ce baptême fut célébré par le pape en présence de l'Empereur, de Madame mère, des princesses du sang, des grands de l'Empire et d'un grand nombre d'invités.

Les fêtes du couronnement, l'affluence des étrangers, l'inauguration des nouvelles dignités et des nouveaux pouvoirs, le séjour du souverain pontife, ayant répandu beaucoup d'argent dans Paris, on y entendait peu de plaintes contre le régime impérial; une police active les

TOME IV.

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eût d'ailleurs comprimées; mais il n'en était pas tout à fait de même du reste de la France. Napoléon s'en préoccupait; et, pour les appréciations morales, se fiant bien plus aux chefs du clergé qu'aux administrateurs civils, il chargeait Portalis, ministre des cultes, d'interroger les vicaires généraux. Entre autres lettres, voici, sur la seconde ville de France et sur le Midi, un témoignage autographe que nous avons sous les yeux : « Monsieur le ministre, il existe dans ce moment des murmures contre le gouvernement; mais la masse des citoyens est bonne, se repose sur Napoléon et sur sa fortune, et laisse dire les mécontents, les alarmistes. Ici, comme dans les autres contrées de la France, on affecte de faire courir des bruits sinistres sur la religion, sur les finances, sur la guerre, sur l'Empereur. Ils agitent, troublent, inquiètent, et puis ils se dissipent, et l'on n'en parle plus. Mais il est un sujet grave qui tient aux impositions, et contre lequel les réclamations des peuples méridionaux seront éternelles : c'est l'impôt sur le vin, qui nécessite la visite des caves. Cet impôt heurte trop directement la liberté du domicile pour qu'on ne le trouve pas beaucoup plus dur que tout autre. De plus, les particuliers ne sont pas bien aises que l'on connaisse au juste leurs récoltes. Outre la raison d'intérêt, il s'y joint quelquefois d'autres raisons d'économie domestique. Or ceci met au grand jour en quelque sorte la fortune de chacun, dévoile tout, et choque par là les amours-propres

individuels.

» Les prêtres sont vraiment ce qu'ils doivent être. Dans le confessionnal et en chaire, la cause de l'Empereur et celle de la religion sont pour eux inséparables. Les personnes que l'on appelle aristocrates se divisent en plusieurs classes dont aucune n'est dangereuse pour

le

repos

de l'Empire. Quant au commun des habitants, le repos est tout ce qu'ils désirent, la guerre tout ce qui les inquiète. L'Empereur sera pour eux le plus sage des hommes, le meilleur des empereurs, le jour où la paix sera publiée. Les nouvelles impositions les fatiguent, plus encore par leur nature et leur nouveauté que par leur valeur numérique. Les habitants des terres seront heureux également avec la paix, lorsque la conscription n'existera pas pour leurs enfants.... »

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