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soit encore un superflu, et ils pouvoient remplir tous les devoirs de la charité : car, selon l'expression de saint Augustin, «les moines, qui semblent se passer >> du reste des hommes, ne peuvent se passer de les

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A mesure que les établissemens religieux se perfectionnèrent, ils se rapprochèrent des villes, et des rapports plus immédiats s'établirent entr'eux et le monde : ce fut alors que leurs travaux et leurs services devinrent plus importans. Qui peut ignorer ce que doit aux moines la civilisation? Qui ne sait que, lors de l'invasion des peuples du Nord, ils recueillirent tous les monumens des beaux génies de l'antiquité; qu'ils cultivoient les sciences, les lettres et même les beaux-arts, quand le reste des hommes étoit plongé dans l'ignorance la plus profonde; et qu'enfin, ces lumières dont nous sommes si fiers, et dont nous avons fait contre la religion un si funeste usage, s'étoient réfugiées au fond des cloîtres?

Les auteurs de l'ouvrage dont nous parlons entrent dans des développemens que les bornes étroites de cet article ne nous permettent pas de suivre : ils nous montrent les religieux édifiant l'Eglise par l'exemple de leurs vertus, la soutenant par leur constance à éclaircir les mystères de la théologie, à maintenir la doctrine chrétienne dans toute sa pureté, à combattre les hérésies, enfin par leur zèle à propager les lumières de l'Evangile; ils nous les représentent servant l'Etat par des travaux d'une autre nature. Des congrégations se forment pour se consacrer à des professions dont quelques-unes semblent même incompatibles avec la vie religieuse de ce nombre sont les ordres militaires, tels que les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, depuis chevaliers de Malte, les Tem

la

pliers, les religieux de l'ordre Teutonique, ceux de Saint-Jacques et d'Alcantara en Espagne. D'autres communautés, qu'il seroit même trop long de nommer, se partageoient entre les pratiques du cloître et les soins de la charité, soit en rachetant les chrétiens captifs des Musulmans, soit en se vouant au service des hôpitaux, soit en ouvrant des asiles aux pauvres et aux orphelins. Mais parmi tant de bienfaits que société a reçus des moines, la France ne devoit-elle pas voir avec reconnoissance les soins qu'ils donnoient à l'éducation de la jeunesse? Avons-nous oublié que de tant de grands hommes dont nous avons admiré le génie, et dont nous honorons la mémoire, la plupart étoient sortis de leurs écoles? Voilà pourtant ceux que nous avons proscrits comme ennemis de toute institution sociale. On les a tous exterminés ou chassés; on s'est emparé de leurs dépouilles : en avonsnous été plus riches et plus heureux? Y avons-nous même gagné des idées plus libérales ?

Mais quoi, dira-t-on, faut-il donc rétablir les corporations religieuses? Eclairés et civilisés comme nous le sommes, ne devons-nous pas regarder la mission des moines comme terminée parmi nous? Long-temps dépositaires des monu nens des sciences et des lettres ils ont administré ce précieux héritage de l'antiquité comme des tuteurs habiles et intègres mais nous sommes enfin sortis d'une enfance qui a duré tant de siècles; nous connoissons le prix des biens qu'ils nous ont conservés, donnons des éloges à leur zèle et à leur patience; mais ne leur demandons plus des travaux dont nous n'avons plus besoin.

:

Une pareille objection seroit bien légère, si les intérêts de l'Eglise étoient mis dans la balance; mais à ne considérer que le bien de l'Etat, sans parler même

que

des devoirs de la charité, si mal remplis par la froide bienfaisance, quelle ample matière les lettres et l'instruction publique n'offriroient-elles pas au zèle des religieux? Que de découvertes à faire, que d'obscurités à éclaircir dans la littérature ancienne, dans l'histoire moderne, dans celle des peuples du Nord, et dans nos propres annales? La raison et l'expérience démontrent les sciences d'érudition sont le partage exclusif des moines. Les gens du monde ne peuvent se livrer avec assez d'ardeur à des travaux arides qui ne leur promettent ni gloire ni fortune. La seule suppression de la savante congrégation de Saint-Maur prive les lettres de plusieurs grandes entreprises, de plusieurs collections importantes auxquelles ce corps tra→ vailloit dans le silence de la retraite, et que nous n'avons plus d'espérance de voir terminer.

Et qui sait jusqu'à quel point l'esprit humain auroit rétrogradé, s'il avoit suivi long-temps encore la funeste impulsion qui lui étoit donnée depuis vingt aus? Déjà les premiers symptômes de la barbarie s'étoient déclarés: un nouvel Attila menaçoit l'Europe entière; chaque jour le caractère et les moeurs nationales s'altéroient visiblement encore une génération écoulée sous l'influence d'un pareil régime, et nous perdions peut-être tout ce que l'imprimerie ne nous conservoit pas. Quelle reconnoissance n'aurions-nous pas due alors à des hommes qui se seroient réunis pour sauver une seconde fois l'Europe d'un tel avilissement ! Pendant des temps si malheureux, quelques amis de la religion et des lettres ont entretenu parmi nous la tradition des mœurs de nos pères. Rendons grâce surtout à ceux qui ont veillé à l'éducation de la jeunesse. Mais en louant leurs efforts, observons les obstacles qui bien souvent se sont opposés à leurs succès.

y a gées par

Ne pent-il pas être permis de faire remarquer ce qu'il nécessairement de défectueux dans les études dirides laïcs isolés, et même par les ecclésiastiques séculiers, qui ne sont point astreints à une règle commune; voyons enfin quels avantages elles ont perdu, lorsque les écoles ont cessé d'être soumises à des corps. Cette question sera peut-être de quelque intérêt, et pourra mériter l'attention du gouvernement, dans un moment où l'on veut réparer les erreurs du passé. Déjà on a remarqué avee intérêt que dans la chambre des Députés, un orateur judicieux, après avoir fait l'éloge d'un de ses confrères, ancien doctrinaire, a émis son vœu pour le rétablissement de ces anciennes congrégations formées au nom de la religion, et qui, consacrées à l'éducation, n'étoient pas moins utiles à l'Etat qu'à l'Eglise. Nous pourrons une autre fois donner quelques idées sur ce sujet.

Assurément l'abbé de Torné n'étoit ni prophète ni enfant de prophète. Le ciel n'avoit pas, on peut le croire, favorisé de ce don merveilleux un homme dont on loua toujours plus les talens que la piété, et qui se déshonora depuis complétement par le rôle impie et abject qu'il joua dans la révolution. Il se livra avec fureur au parti dominant, se traîna dans les clubs, devint évêque constitutionnel du Cher, donna le premier, dans l'Assemblée législative, le scandale de renoncer au costume ecclésiastique, se maria enfin, et se souilla de toute la fange révolutionnaire. Il fut trouvé mort dans son lit, à Tarbes, le 12 mars 1797, étant alors gé de 70 ans; ce qui rend ses écarts plus ridicules et moins excusables encore. Tel est le prédicateur dont nous allons citer quelque chose. On pourra s'é

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tonner que nous allions fouiller dans ses écrits. Mais le passage que nous avons à rapporter de lui, nous a paru si précis, que nous avons cru pouvoir passer par-dessus l'opprobre dont l'auteur s'est couvert. On jugera de lui, si l'on veut, comme de l'ânesse de Balaam, que Dieu force à lui rendre un hommage étonnant et inattendu. Le passage en question se trouve dans le sermon du dimanche des Rameaux, sur l'humanité des souverains. Il y a plusieurs morceaux qui s'appliquent fort bien à l'ambitieux étranger qui dominoit sur nous il y a peu; mais la plupart de ces morceaux sont plutôt raisonnables et sensés que frappans. Nous nous bornerons donc à ce dernier, qui nous a semblé avoir ce dernier mérite.

« Ce n'est pas que je prétende ici justifier ces conquérans odieux qui sont nés pour le malheur de l'humanité, que la fureur d'étendre leur empire a rendus les fleaux de la terre, et qu'un amour ardent de la gloire a comme altérés du sang humain. Ce sont des monstres dans la religion, dans la saine politique et dans la nature. Si quelque nation, éblouie de leur fausse grandeur, se passionne pour leurs succès, et envie de tels maîtres, exaucez-la, ô mon Dieu, dans votre fureur. Mais puisse le Dieu protecteur de la France, préserver à jamais cet empire d'un souverain né avec une valeur bouillante, qui ne respire que les combats, qui ne désire que les conquêtes, qui n'aime que l'art de la guerre, dont l'ambition se trouve trop resserrée dans les limites de ce vasle empire, et dont l'impétuosité ne juge pas d'entreprise impossible! O ma patrie, je vous présage alors une foule de calamités. Ce règne belliqueux sera le règne des misères publiques (1)».

(1) Sermons de Torné, en 3 volumes, 1765, tomc........................., page 362.

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