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« étaient incapables d'obéissance aux lois, à cause de leur bar« barie indisciplinable, jugeant qu'il ne fallait point toucher << aux lois sans lesquelles la république cesserait d'être république, il avait pris le parti de chercher la gloire en con« sacrant les forces des Goths à rétablir dans son intégrité, « à augmenter même la puissance du nom romain, afin » qu'au moins la postérité le regardât comme le restaurateur « de l'empire, qu'il ne pouvait transporter. Dans cette vue, << il s'abstenait de la guerre et cherchait soigneusement la paix 1... »

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Ces idées élevées de gouvernement par les lois, cet amour de la civilisation, dont l'empire romain était alors l'unique modèle, furent conservés, mais avec plus d'indépendance, par les successeurs d'Ataülf. Leur cour de Toulouse, centre de la politique de tout l'Occident, intermédiaire entre la cour impériale et les royaumes germaniques, égalait en politesse et surpassait peut-être en dignité celle de Constantinople. C'étaient les Gaulois de distinction qui entouraient le roi des Visigoths, quand il ne marchait pas en guerre; car alors les Germains reprenaient le dessus. Le roi Eurik avait pour conseiller et pour secrétaire l'un des rhéteurs les plus estimés dans ce temps, et se plaisait à voir les dépêches, écrites sous son nom, admirées jusqu'en Italie pour la pureté et les grâces du style. Ce roi, l'avant-dernier de ceux de la même race qui régnèrent en Gaule, inspirait aux esprits les plus éclairés et les plus délicats une vénération véritable, non cette crainte servile qu'excitaient les rois franks ou cette admiration fanatique dont ils furent l'objet après leur conversion à la foi orthodoxe. Voici des vers confidentiels écrits par le plus grand poëte du cinquième siècle, Sidonius Apollinaris, exilé de l'Auvergne, son pays, par le roi des Visigoths, comme suspect de regretter l'empire, et qui était venu à Bordeaux solliciter la

• Ex lib. VII Pauli Orosii, cap. 43; apud script. rerum francic., t I, p. 598. ⚫ Sepone pauxillulùm conclamatissimas declamationes, quas oris regii vice conficis, quibus ipse rex inclytus.... per promotæ limitem sortis, ut populos sub armis, sic frænat arma sub legibus. (Ex Apollinaris Sidonii, lib. VIII. Epistola ad Leonem Eurici consiliarum; apud script. rerum francic., t. I, p. 800.)

fin de son exil. Ce petit morceau, malgré sa tournure classique, rend d'une manière assez vive l'impression qu'avait faite sur l'exilé la vue des gens de toute race que l'intérêt de leur patrie respective rassemblait auprès du roi des Goths:

« J'ai presque vu deux fois la lune achever son cours, et n'ai « obtenu qu'une seule audience: le maître de ces lieux trouve « peu de loisirs pour moi; car l'univers entier demande aussi « réponse et l'attend avec soumission. Ici, nous voyons le « Saxon aux yeux bleus, intrépide sur les flots, mal à l'aise « sur la terre. Ici, le vieux Sicambre, tondu après sa défaite, <«< laisse croître de nouveau ses cheveux. Ici, se promène l'É<«<rule aux joues verdâtres, presque de la teinte de l'Océan, << dont il habite les derniers golfes. Ici, le Burgonde, haut de « sept pieds, fléchit le genou et implore la paix. Ici, l'Ostrogoth « réclame le patronage qui fait sa force et à l'aide duquel il « fait trembler les Huns, humble d'un côté, fier de l'autre. « Ici, toi-même, ô Romain, tu viens prier pour ta vie; et quand le Nord menace de quelques troubles, tu sollicites le « bras d'Eurik contre les hordes de la Scythie; tu demandes « à la puissante Garonne de protéger le Tibre affaibli '. »

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Si, de ce tableau ou de celui de la cour du roi goth Theodorik II, tracé en prose par le même écrivain 2, on passe aux récits originaux du règne de Clovis, il semble que l'on s'enfonce dans les forêts de la Germanie: et cependant, parmi les rois franks de la première race, Clovis est l'homme politique. C'est lui qui, dans la vue de fonder un empire, mit sous ses pieds le culte des dieux du Nord, et s'associa aux évêques orthodoxes pour la destruction des deux royaumes ariens. Mais, instrument plutôt que moteur de cette ligue, malgré son amitié pour les prélats, malgré l'emploi qu'il fit, dans ses diverses négociations, de Romains, auxquels la tradition attribuait une finesse à toute épreuve, il resta sous l'influence des

Ex Apollinaris Sidonii, lib. VIII, epist. IX; apud script. rerum francic., t. 1, p. 800.

Ibidem, p. 783.

3 Voyez dans les Gestes des rois Franks, ouvrage du septième siècle, composé en partie sur des traditions populaires, le détail des ambassades d'Aurélien

mœurs et des idées de son peuple. L'impulsion donnée à ces mœurs par l'habitude de la vie barbare et une religion sanguinaire, ne fut point arrêtée par la conversion des Franks au christianisme. L'évêque de Reims eut beau dire à ses néophytes: « Sicambre adouci, courbe la tête, adore ce que tu as « brûlé, » l'incendie et le pillage n'épargnèrent pas les églises, dans les expéditions entreprises vers la Saône et au midi de la Loire.

Il ne faut pas d'ailleurs s'imaginer que cette fameuse conversion ait été soudaine et complète. D'abord il y eut scission politique entre les partisans du nouveau culte et ceux de l'ancien; la plupart de ces derniers quittèrent le royaume de Chlodowig pour se retirer au-delà de la Somme dans celui de Raghenaher, dont la ville principale était Cambray 1. De plus, il resta auprès du roi beaucoup de gens qui gardèrent leur croyance, sans renoncer à leur vasselage. Les légendes attestent que non seulement le premier roi chrétien, mais encore ses successeurs, furent souvent obligés de s'asseoir à table avec des païens obstinés, et qu'il y en avait un grand nombre parmi les Franks de la plus haute classe. Voici deux anecdotes qui n'ont été racontées par aucun historien moderne, et cependant elles méritaient de l'être : car il ne faut pas que la crainte de paraître dupe des miracles du moyen âge fasse négliger des détails de mœurs, sans lesquels l'histoire est vague et presque inintelligible.

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«En retournant vers Paris, où il avait résolu de fixer sa résidence, le roi Chlodowig passa par Orléans, où il s'arrêta « quelques jours avec une partie de son armée. Pendant son séjour dans cette ville, l'évêque de Poitiers Adelphius lui << amena un abbé nommé Fridolin, qu'on regardait comme «saint, et que le roi souhaitait beaucoup de connaître. Les « deux voyageurs arrivèrent au quartier des Franks, le soli«taire à pied et l'évêque à cheval, comme il convenait. Le roi

auprès du roi Gondebald, et de Paternus auprès du roi Alarik. (Script. rerum francic., t. II, p. 548 et 465.)

Multi de Francorum exercitu necdum ad fidem conversi, cum regis parente, Raganario, ultrà Sumnam fluvium aliquandiù degerunt. (Ex vitâ S. Remigii, apud script. rerum francic., t. III, p. 377.)

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vint lui-même au-devant d'eux, entouré de beaucoup de monde, leur fit un accueil respectueux et amical; et après << s'être entretenu familièrement quelques heures avec eux, « il ordonna qu'on servit un grand repas. Pendant le dîner, le << roi se fit apporter un vase de jaspe, transparent comme du « verre, décoré d'or et de pierres précieuses : l'ayant rempli « et vidé, il le passa à l'abbé qui le prit, quoiqu'il s'en fut ex«< cusé, disant qu'il ne buvait pas de vin. Mais au moment où << Fridolin prenait la coupe, il la laissa échapper par accident, « et le vase tomba sur la table, puis de la table à terre, où il « se brisa en quatre. Un des échansons ramassa les morceaux « et les plaça devant le roi qui paraissait chagrin, moins à «< cause de la perte du vase, que pour le mauvais effet que cet << accident pourrait avoir sur les assistants, parmi lesquels beaucoup étaient encore païens. Toutefois, il reprit son air gai, et dit à l'abbé : « Seigneur, c'est pour l'amour de toi « que j'ai perdu ce vase; car s'il fût tombé de mes mains, il « ne se serait pas brisé. Vois donc ce que Dieu voudra faire « pour toi en faveur de son saint nom, afin que ceux d'entre « nous qui sont encore adonnés à l'idolâtrie ne diffèrent plus « de croire au Dieu tout-puissant. » Alors Fridolin prit les « quatre morceaux du vase, les réunit, et les tenant serrés <«< dans ses mains, la tête inclinée vers la table, il se mit à prier « Dieu en pleurant et en poussant de profonds soupirs. Quand « sa prière fut achevée, il rendit le vase au roi, qui le trouva << parfaitement restauré, n'y pouvant reconnaître aucune trace « de brisure. Ce miracle ravit les chrétiens, mais plus encore «<les infidèles, qui se trouvaient là en grand nombre. Au « même moment le roi et tout le monde se levant de table et « rendant grâces à Dieu, tous ceux des assistants qui parta"geaient encore les erreurs du paganisme, confessèrent leur « foi en la sainte Trinité, et reçurent de la main de l'évêque «<les eaux du baptême 1. >>

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Qualis laus à cunctis hoc videntibus, non solùm à christianis, sed etiam ad ipsis paganis (quorum magna cohors inibi aderat.) Deo persolveretur, non est necesse loquendum. (Ex vitâ sancti Fridolini, apud script. rer. francic., t. III, p. 338.)

« Après la mort du roi Chlodowig, son fils Chloter s'étant « établi dans la ville de Soissons, il arriva qu'un certain Frank « nommé Hozin l'invita à un banquet, conviant aussi parmi « les courtisans de sa suite le vénérable Védaste (saint Vaast), évêque d'Arras. Le saint homme accepta cette invitation « dans le seul but de donner quelque enseignement salutaire « à la foule des conviés, et de profiter de l'autorité du roi « pour les attirer au saint baptême. Étant donc entré dans la

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maison il aperçut un grand nombre de tonneaux rangés par << ordre, tous remplis de bière. Ayant demandé ce que c'était « que ces tonneaux, il lui fut répondu que les uns étaient des<< tinés aux chrétiens, tandis que les autres avaient été consa«< crés suivant les rites des Gentils, à l'usage de ceux des conviés qui professaient le culte des idoles. Ayant reçu cette explication, le vénérable Védaste se mit à bénir chacun des « vases indistinctement au nom du Christ et par le signe de la « croix. Au moment où il fit sa bénédiction sur les tonneaux « consacrés à la manière des païens, tout à coup les cercles et « les liens se brisèrent, donnant passage à la liqueur dont le « pavé fut inondé. Cet événement ne fut pas inutile au salut « de ceux qui étaient présents; car un grand nombre furent « amenés par là à demander la grâce du saint baptême, et à se « soumettre au joug de la religion '. »

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Si vous parcourez les documents relatifs à l'histoire du sixième et du septième siècle, vous y trouverez une foule de traits qui prouvent que le paganisme durait toujours parmi les Franks, quoiqu'il s'éteignit par degrés. L'historien byzantin Procope raconte avec horreur qu'en l'année 539 les soldats de Theodebert, roi des Franks orientaux, à leur entrée en Italie, où ils marchaient contre les Goths, tuèrent des femmes et des enfants de cette nation, et jetèrent leurs cadavres dans le Pô, comme prémices de la guerre qui s'ouvrait 2. Un siècle après,

* Quæ causa multis qui aderant profuit ad salutem. Nam multi ex hoc ad gratiam baptismi confugerunt, ac sanctæ religioni colla submiserunt. (Ex vitâ S. Vedasti, apud script. rerum franc., t. III, p. 372 et 373.)

Ex Procopii historiis, lib. II de Bello Gothico, cap. XXV; apud script. rer. francic., t. II, p. 57.— Il ajoute la réflexion suivante: Nàm ità christiani sunt isti barbari, ut multos priscæ superstitionis ritus observent, humanas hostias aliaque impia sacrificia divinationibus adhibentes. (Ibid.)

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