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dans les guerres aristocratiques, où la noblesse combat contre les rois, dans les guerres religieuses, où le catholicisme est aux prises avec la réforme, enfin, dans les révoltes vainement essayées pour briser le lien d'union de l'Écosse et de l'Angleterre sous un même gouvernement. Cette espèce d'unité historique, qui ne se rencontre au même degré dans aucun autre pays, passant dans des scènes de détail en apparence détachées l'une de l'autre, a produit, en grande partie, le vif intérêt qui, pour la première fois, s'est attaché à des récits d'amour encadrés dans des scènes d'histoire nationale.

XI.

Sur l'histoire de la constitution anglaise, à propos de l'ouvrage de Henry Hallam, intitulé Constitutional history of England '.

M. Henry Hallam est l'auteur d'un ouvrage intitulé l'Europe au moyen âge, dont une traduction française a paru, il y a quelques années. C'est une de ces compositions historiques, fort à la mode en Angleterre, dans lesquelles on essaie de décrire d'une manière abstraite les variations du gouvernement et de la législation d'un pays. Ces sortes d'écrits, séduisants au premier aspect, sont loin de donner réellement l'instruction qu'ils semblent promettre. Ils ont un défaut essentiel, celui de supposer connue l'histoire civile et même l'histoire politique du pays dont ils traitent, et de présenter ainsi les actes législatifs, isolés des circonstances qui les ont fait naître, et dont le tableau fidèle peut seul fixer leur véritable sens. L'auteur d'une histoire constitutionnelle dirige toute son attention vers l'étude des lois et des documents administratifs; et, quant à la série des faits historiques, d'ordinaire il s'en rapporte au premier narrateur qui lui

Ce morceau publié en 1827, dans le premier numéro de la Revue trimestrielle, se compose de différentes notes que j'avais préparées pour la conclusion de mon Histoire de la Conquête de l'Angleterre par les Normands, et qui n'ont pu y trouver place.

tombe sous la main, sans soumettre les faits à une nouvelle critique, sans faire le moindre travail pour pénétrer, d'une manière plus intime, au fond de l'état social dont les révolutions ont amené les différentes phases de la constitution législative. C'est ainsi que M. Hallam écrivant, il y a dix ans, son Europe au moyen âge, dans la partie de cet ouvrage qui concerne la France, ne s'est guère élevé au-dessus de Velly et de ses continuateurs, qui lui ont paru donner une idée satisfaisante des mœurs nationales du peuple français, depuis le sixième siècle jusqu'au seizième 1. Les mêmes défauts, aussi remarquables dans les chapitres consacrés à l'empire d'Allemagne, à l'Italie et aux autres états de l'Europe, se font moins sentir dans ceux qui traitent de l'Angleterre. Dans cette partie de son travail, l'auteur, naturellement mieux informé de l'histoire de son propre pays, avait moins besoin d'études spéciales; aussi doit-on le féliciter d'avoir renoncé à son ancien plan et de s'être borné à continuer, depuis le seizième siècle jusqu'au milieu du dix-huitième, l'histoire constitutionnelle de l'Angleterre. La vaste érudition de M. Hallam, comme légiste, fait de son ouvrage le catalogue le plus complet et le mieux raisonné des lois et des actes du parlement d'Angleterre; mais les motifs réels de ces lois et de ces actes ne se laissent apercevoir que faiblement dans le petit nombre de faits historiques qui viennent se placer au hasard sous la plume de l'écrivain. On voit la constitution du peuple anglais à ses différents âges; mais le peuple n'apparaît jamais.

Le jugement que porte M. Thierry sur les ouvrages de M. Hallam nous semble un peu rigoureux, surtout mis en regard des éloges qui en ont été faits par MM. Daunou, Guizotet Michaud, qu'il faut aussi placer en première ligne lorsqu'il s'agit de science historique; et enfin pour mieux exprimer le regret de voir le savant publiciste anglais attaqué avec tant de force par un homme aussi distingué que l'auteur de l'Histoire de la Conquête de l'Angleterre par les Normands, nous citerons quelques lignes de l'examen de l'Europe au moyen áge, par M. Alloury:

« M. Hallam, dit-il, est sans contredit un des plus graves et des plus savants historiens qui « honorent aujourd'hui la patrie de Hume et de Robertson. Un de nos plus illustres historiens, « M. Guizot, nous a familiarisés avec l'histoire telle que la comprend et l'écrit M. Hallam. Ce a que M. Hallam demande à l'histoire, ce n'est ni l'intérêt du récit, ni le charme des tableaux « littéraires, c'est son enseignement politique et philosophique. C'est assez dire que l'étude des a lois, des mœurs, des institutions publiques et des gouvernements, est la tâche principale, on a pourrait dire la seule tâche que se propose l'historien.... Je ne sais si on a jamais, ainsi que «l'a fait M Hallam, étudié les ressorts des sociétés et des gouvernements européens avec un a coup d'œil plus pénétrant et plus sûr. On ne peut désirer ni un jugement plus droit et plus << ferme, ni une science plus nette, ni une plus saine et exacte érudition. »

(Note de l'Éditeur.)

C'est contre l'abstraction en fait d'histoire que s'est élevée principalement la nouvelle école, qui vient de commencer en France la régénération des études historiques. Cette école a frappé d'un coup mortel la version monarchique de l'histoire de France. Nous croyons qu'elle est destinée à porter d'aussi rudes attaques à la version constitutionnelle de l'histoire d'Angleterre. Déjà des écrivains français ont présenté, sous un jour nouveau, trois des principaux événements de l'histoire politique de la Grande-Bretagne, la conquête normande, la révolution populaire de 1640, et la révolution aristocratique de 1688. Certes, rien dans leurs ouvrages ne peut suppléer au volumineux travail de M. Hallam sur la législation anglaise; mais les écrits des historiens, rapprochés de celui du légiste, pourraient donner à cette vaste compilation la vie qui lui manque. Car, nous le répétons, l'entente des faits n'est pas le propre de M. Hallam; et, en général, cette qualité ne domine guère chez les écrivains anglais. Ce qu'il y a de caractéristique dans les différentes périodes de leur histoire nationale, est étouffé par eux sous une enveloppe de formules convenues et de locutions métaphysiques. Le mot de Parlement a fait plus de mal à l'histoire d'Angleterre que la chose elle-même n'a fait de bien au pays. Il a été la source d'une foule d'anachronismes de l'espèce la plus choquante, de ceux qui transportent d'une époque à l'autre, non les circonstances matérielles, mais les faits moraux et les situations politiques; c'est grâce à lui que la constitution anglaise prolonge son existence dans les écrits des historiens, depuis l'invasion de Guillaume-le-Conquérant jusqu'à nos jours. Et quant à cette invasion, l'événement le plus grave de toute l'histoire d'Angleterre, il ne figurait dans les récits modernes que comme un changement de succession faiblement contesté et promptement accompli, avant que Walter-Scott, dans une de ses fantaisies poétiques, se fût avisé de montrer, pour la première fois, à ses compatriotes, ce que c'était que la conquête normande.

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Histoire de la révolution d'Angleterre, par M. Guizot. Histoire de la contre-révolution en Angleterre sous Charles II et Jacques II, par M. Armand Carrel.

L'aspect faux sous lequel les historiens de l'Angleterre ont envisagé cette conquête ne nuit pas seulement à la vérité de leurs récits, dans le court espace de temps qui sépare la bataille de Hastings de la dernière insurrection saxonne; mais il frappe d'inexactitude les jugements portés sur la plupart des grands événements postérieurs. En effet, il est impossible qu'un pays, où il y eut réellement pendant plusieurs siècles deux nations distinctes et ennemies l'une de l'autre, quoique les étrangers les confondissent ensemble sous un même nom, n'offre pas dans ses révolutions politiques, quelque chose de particulier, quelque chose qui ne se rencontre point dans les États où la société est une et homogène. Les mots d'aristocratie, de démocratie, de monarchie même, que nous avons empruntés aux livres des anciens pour les appliquer bien ou mal aux différentes formes qu'affecte l'état social dans notre temps, sont incapables de donner une idée exacte des différents changements survenus dans les institutions du moyen âge. Le plus sûr serait de les abandonner tout à fait, quand il est question de mettre en scène des hommes qui employaient de tout autres formules pour exprimer leurs idées, leurs besoins ou leurs passions politiques. Le plus sûr, mais le plus difficile, serait de pénétrer jusqu'aux faits eux-mêmes, et de les décrire tels qu'ils se présentent, sans songer à leur donner une qualification générale et à les faire entrer dans des cadres tracés d'avance.

En appliquant cette méthode à l'histoire d'Angleterre, on la dépouillerait de cette espèce de merveilleux philosophique, qui semble l'entourer à l'exclusion de toutes les autres histoires modernes. Si, détournant les yeux du présent pour ne point demeurer sous son influence, on se reporte franchement en arrière, si l'on cesse de colorer le passé d'un reflet des opinions contemporaines, on apercevra jusque sous les mêmes noms des choses entièrement différentes. Les mots de Parlement, de Chambre des pairs, de Chambre des communes, perdront le prestige dont les entoure la liberté actuelle du peuple anglais. On verra cette liberté, fruit de la civilisation moderne, sortir, à une époque récente, d'un ordre de société dont le principe était ce qu'il peut y avoir de plus illi

béral, où la partie puissante de la nation se vantait d'être d'origine étrangère et d'avoir usurpé ses héritages, ses titres et sa noblesse, à la pointe de l'épée; où la distinction entre les classes n'était que l'expression de la distance entre le conquérant et le subjugué, où tous les pouvoirs sociaux étaient entachés de cette origine violente, où la royauté, appartenant de droit à la lignée du chef de la conquête, n'était point, à proprement parler, une institution, mais un fait. Du milieu de tout cela s'est élevée l'Angleterre moderne, qui est, presque en tout point, l'opposé de la vieille Angleterre. L'intervalle de temps qui les sépare l'une de l'autre, présente bien plutôt la chute graduelle d'un ordre de choses violent, que la formation lente d'une société destinée à servir de modèle aux autres. Pourtant ce dernier point de vue a prévalu : il règne presque seul chez les historiens de la constitution anglaise, non qu'ils paraissent l'avoir préféré à l'autre après un mur examen, mais parce que tous négligent de poser, en avant de leur histoire constitutionnelle, le grand fait d'une conquête territoriale. La conquête est la source commune de tous les pouvoirs politiques qui ont continué d'exister en Angleterre depuis le douzième siècle : il faut que la vue s'arrête sur ce fait primitif, avant de suivre jusqu'à notre temps ses altérations progressives. Nous allons essayer d'appliquer cette méthode à l'histoire de la royauté, du Parlement et du système électoral en Angleterre.

S I.

De la nature du pouvoir royal.

La population saxonne ayant perdu, par son asservissement, toute existence politique, et le pouvoir de ses anciens rois ayant passé aux mains d'un étranger, le titre de roi changea de sens pour les vaincus et ne conserva que pour les vainqueurs son ancienne signification'. Pour les premiers, le mot saxon king,

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