Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

l'humanité se fait rarement entendre; après les violences nécessaires, viennent les représailles inutiles. Le roi fut jugé et condamné à mort.

Il n'y avait d'autre motif naturel de cette sentence que la volonté de ceux qui avaient vaincu. Nous voulons que le captif périsse à un pareil arrêt point de réponse possible; il ne reste qu'à se soumettre.

Mais, peut-être par un besoin qu'éprouve la conscience de trouver un appui dans la raison, les juges motivèrent leur vouloir : « Charles Stuart ayant été fait roi d'Angleterre, ayant « reçu en dépôt un pouvoir limité, a fait la guerre au peuple « et à ses représentants, dans la vue d'agrandir ce pouvoir et « de le changer en tyrannie. A ces causes, nous l'accusons «< comme traître '. » Tel fut le discours du solliciteur, parlant au nom des communes. Dans ce peu de mots tout était faux.

Ce n'étaient pas les sujets qui avaient fait Charles Stuart roi d'Angleterre; sa naissance lui avait transmis le titre de son père. Aucun pacte n'avait été fait entre lui et ceux sur lesquels il avait exercé le pouvoir. Le pouvoir lui était échu par hasard, et non par accord. Le prisonnier savait mieux les faits. « Je suis ROI par héritage, répondait-il; ce n'est pas de vous << que je tenais ce que j'ai revendiqué, c'est de l'ordre suprême « des choses 2. »

Ce traité supposé que les sujets mettaient en avant, était de nature à se retourner un jour contre eux. Le fils du condamné pouvait dire à son tour, s'il était vainqueur: « Le contrat ta

[ocr errors]

cite qui existait entre vous et mon père, par la seule raison « qu'il était fils de Jacques, existe entre vous et moi, parce « que je suis son fils. J'ai le droit, de votre propre aveu, de

The sollicitor in the name of commons represented; « that Charles Stuart, being admitted king of England, and intrusted with a limited power; yet nevertheless, from a wicked design to erect an unlimited and tyrannical go«vernment, had traitorously and maliciously levied war against the present parliament, and the people whom they represented, and was therefore in« peached as a tyrant, traitor, murderer, etc. » (Hume's history, ch. LIX.)

That he himself was their HEREDITARY KING; nor was the whole authority of the state entitled to try him who derived his dignity from the supreme Majesty of heaven. Tat those who arrogated a title to sit as his judges, were born his subjectis. (Ibid.)

"

disposer de vous et de vos biens, dans la mesure que vous « aviez prescrite à mon prédécesseur. Je m'empare de ce droit « selon vos paroles. La justice que vous avez exercée contre lui, je l'ai par cela même contre vous. Il est mort légalement, disiez-vous, pour avoir prétendu à plus de pouvoir; Vous aussi, vous mourrez légalement, si vous prétendez à « plus de liberté. »

[ocr errors]
[ocr errors]

II.

Sur le caractère des grands hommes de la révolution de 1640, à propos de l'Histoire de Cromwell par M. Villemain '.

Sous le nom d'Histoire de Cromwell, M. Villemain a écrit l'histoire complète des révolutions d'Angleterre, depuis le commencement des débats entre l'opinion publique et le roi Charles Ier, jusqu'au retour du roi Charles II. Cromwell figure sur cette grande scène, parmi beaucoup d'autres hommes. L'auteur ne pouvait pas l'y présenter seul; et, si Cromwell n'y paraît pas dominer tout ce qui l'entoure, c'est la faute des faits et non la sienne. Pour un historien sincère et juste, Cromwell n'est point le héros de sa propre histoire. Cromwell a un rival dont la destinée heureuse ou malheureuse affecte plus l'âme du lecteur que des batailles gagnées, des tours d'adresse ou des coups de force; ce rival, c'est la liberté; la liberté déjà pleine de vie dans le cœur des hommes énergiques, lorsque Cromwell n'est rien encore; la liberté, plus grande que Cromwell dans ses grandeurs, même quand il la tient sous lui abattue et expirante.

Des critiques se sont plaints poétiquement, que la grande figure (c'est ainsi qu'ils nomment Cromwell) n'apparaissait pas assez dans cet ouvrage. Pour donner quelque valeur à cette remarque, il eût fallu citer les endroits précis du livre où l'appari

1819.

Article inséré dans le Censeur Européen (journal), numéro du 21 juin

tion aurait dû se faire et ne se faisait pas; il eût fallu, pour parler nettement, mettre sous les yeux du public les faits altérés ou les circonstances omises. Sans toutes ces précautions, le reproche fait à l'historien est nul; et il semble ne lui avoir été adressé que pour le plaisir de hasarder ce mot pompeux de grande figure, qui est une insulte à la révolution de 1640 et aux révolutions qui ont eu le même sort.

Il n'y a peut-être pas de pays où l'on ait moins lu qu'en France les faits de l'histoire de Cromwell; et il n'y a pas de pays où l'on affirme plus intrépidement que Cromwell est grand. Il ne faut qu'un peu de mémoire pour découvrir d'où nous vient cette opinion consacrée, et qu'elle est pour nous une partie des traditions de l'ancien régime. Dans le temps où l'Anglais Sidney, chaque jour de sa vie, appelait Cromwell tyran, et agissait en conséquence de cette malédiction répétée, dans ce temps-là le ministre français Mazarin le saluait comme le génie du siècle, et le roi de France Louis XIV se tenait la tête découverte en parlant à ses ambassadeurs. Voilà les opinions imposantes, sans doute, qui ont formé la nôtre. Ce jugement de Sidney a disparu devant ces grandes autorités. Qu'est-ce en effet qu'un factieux en présence de deux hommes d'état? de quel poids peut être la raison de celui qui n'a su que mourir pour la liberté, devant la raison de ceux qui ont su gouverner en paix et longtemps? Sidney, il est vrai, a pour garant de son jugement sur Cromwell la conscience du peuple anglais énoncée par dix ans d'insurrections continuelles. Mais aussi Louis XIV et Mazarin ont pour eux Christine reine de Suède, qui admirait Cromwell d'avoir chassé le parlement; le roi de Portugal, qui le nommait tendrement son frère; le roi d'Espagne, qui l'engageait à se faire roi, et lui offrait ses secours; et le prince de Conti, qui parlait de Richard, fils de Cromwell, comme du plus lâche des hommes, parce qu'il n'avait su être que citoyen.

Ce n'est pas un paradoxe de dire que le prestige qui s'attache au nom de Cromwell dans l'esprit de ceux qui ne connaissent de lui que son nom, est l'ouvrage des hommes du pouvoir et des écrivains pour le pouvoir. Clarendon, éloigné de

l'Angleterre durant toute la révolution, admire, en rentrant avec Charles II, l'anéantissement de la liberté, l'abattement des esprits, la facilité de l'obéissance, l'énormité des taxes et de l'armée; et, à cette vue, il célèbre dans un livre, écrit pour le roi, les grandes choses que l'usurpateur a faites. Le poëte Cowley, qui avait assisté à la création de ces grandes choses, et qui en avait subi sa part, n'en est pas aussi joyeux que le lord Clarendon; quand il veut parler du Protecteur, il ne trouve sous sa plume que ces mots d'une énergie sombre:

Cet homme se jouait de nos souffrances. » Le nom du héros de Mazarin a été, durant sa vie, fort à la mode dans les cours, et fort peu chez les nations. Nous n'étions pas une nation alors; mais le peuple de Hollande en était une; et l'on peut voir, dans les livres du temps, ce qu'on y pensait, ce qu'on y disait du destructeur de la liberté anglaise. Nous sommes une nation aujourd'hui; ce n'est pas une raison sans doute pour croire ce que les nations ont cru, mais c'en est une pour lire sérieusement, pour penser d'après nous-mêmes, et pour secouer le joug des admirations de Louis XIV, et des anathemes du prince de Conti.

Nous aimons la liberté, nous la cherchons; et le nom de ceux qui l'ont aimée, qui l'ont cherchée, est aussi inconnu de nous que s'ils n'avaient pas existé. Combien d'entre nous connaissent Ludlow, Harisson, Vanes, Haslerig, et même le grand Sidney? Une bouche française aurait peine à prononcer ces noms étrangers; mais nos enfants apprennent à bégayer le nom du protecteur Cromwell. Les Gaulois l'avait bien dit: « Malheur aux vaincus! » L'opinion humaine est souvent infidèle à la cause de l'humanité même. En présence du vainqueur d'une révolution, quand le champ de bataille est déblayé, quand le triomphateur est le seul homme qui soit debout et qui se montre, le souvenir de cette grande défaite se réduit bientôt dans notre esprit à quelques espérances trompées, à quelques convictions démenties, à quelques chimères évanouies. Notre intérêt, qui veut toujours s'attacher à quelque être sensible, se retire sans peine de ces objets métaphysiques; et, faute d'aliment, il se livre à la fortune du vainqueur,

à la fortune de notre propre ennemi. Nous jouissons de sa joie; nous mêlons notre voix aux acclamations qui proclament notre néant. Tel est le fatal entraînement de la sensibilité humaine les Français en ont fait l'expérience.

Mais sachons que ce ne sont point de pures abstractions que ces espérances, ou, si l'on veut, ces chimères de liberté, à la destinée desquelles nous savons si difficilement compatir. Elles avaient pris racine dans des cœurs d'hommes; elles s'y étaient attachées invinciblement; elles n'ont pu cesser d'exister, sans que ces cœurs aient cessé de battre. Voilà le souvenir que nous ne devrions jamais perdre.

Le mérite de M. Villemain est d'avoir été plus juste que la destinée aveugle, et d'avoir relevé ceux qu'elle avait couchés par terre historien du vainqueur, il s'est fait l'ami des vaincus; il a mis sous nos yeux, à côté du triste spectacle des défaites de la liberté, le tableau de ses luttes diverses, et des vertus qui la défendaient. La constance et les malheurs des patriotes, les protestations énergiques des villes, la résistance d'un simple marchand, les souffrances obscures d'un écrivain, occupent une grande place dans ses pages. Il n'a point oublié de signaler les grands caractères et les entreprises périlleuses de ceux qui s'indignaient que la liberté anglaise fût perdue, après tant de sang versé pour elle. Ceux qui ont critiqué son ouvrage ont peu remarqué ce soin, qui est l'un des meilleurs titres de l'auteur à l'estime publique. Parmi tant de caractères heureusement tracés, le seul qui paraisse avoir frappé les yeux, est celui de l'amiral Blake. Est-ce parce que Blake commande, est victorieux, et coule à fond des vaisseaux hollandais? Est-ce parce qu'il répétait à ses marins « qu'ils ne devaient point se « mêler de ce qui se passait à Londres, et ne s'occuper que « des étrangers?» Serait-ce donc, en effet, le type de l'homme public, qu'un général gagnant des batailles, et portant en lui cette impassibilité politique, qui fait illustrer le despotisme d'un maître, au nom de la gloire de la patrie? Nous ne le croyons pas; et malheur à la France si elle le pensait encore!

Pourquoi n'a-t-on pas remarqué plutôt ce Bradshaw, qui,

« ZurückWeiter »