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« fédération formées entre eux et avec le comte de Nevers. Ils « livreront selon leur pouvoir tous les coupables de meurtres « sur la personne des frères ou des serviteurs de l'abbaye.

« Secondement, ils jureront sur l'autel et les reliques des << saints de demeurer à tout jamais fidèles à l'abbé Pons et à «ses successeurs; ils paieront loyalement à l'église de Sainte« Marie-Madeleine, à titre d'indemnité, une somme de 40,000 «sous, et détruiront, dans un délai fixé à la fête de saint An« dré (30 novembre), les tours, murailles et enceintes dont « ils ont fortifié leurs maisons.

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« Troisièmement, ils s'engageront, par le même serment, « à exécuter les présentes conditions, entièrement et de bonne foi, sans aucune fraude ni réserve 1. »

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Cet arrêt fut rendu en l'année 1155, la dix-huitième du règne de Louis-le-Jeune. Tous les fondés de pouvoir des émigrés de Vézelay, au nombre de plus de quarante, prêtèrent le serment exigé. Ils partirent d'Auxerre avec l'abbé Pons, leur ancien ennemi, dans une concorde apparente. Tout entiers au désir de revoir leur famille et de reprendre leurs occupations habituelles, oubliant cette liberté qu'ils n'avaient pu acquérir au prix de tant d'efforts et de souffrances, ils éprouvèrent, en rentrant dans le bourg, la même joie qu'à un retour d'exil. Ils s'embrassaient les uns les autres, et plusieurs d'entre eux, dans une sorte d'ivresse, chantaient et dansaient comme des fous 2. Ce jour-là et les jours suivants, on vit arriver par toutes les routes de nombreuses bandes d'émigrés qui venaient jouir de la pacification, et prêter entre les mains de l'abbé le serment de fidélité perpétuelle. La ville de Vézelay présentait ce spectacle de gatté qui accompagne toujours les premiers moments d'une restauration, lorsque les esprits s'abandonnent au besoin du repos après de longs troubles.

Le premier soin de l'abbé de Vézelay, rétabli dans la plénitude de son pouvoir seigneurial, fut de s'indemniser largement, par des contributions extraordinaires, de toutes les

• Munitiones et antè muralia domorum dato termino ad festum usque S. Andreæ diruerint; et hæc omnia bonâ fide, etc. (Script. rer. francie., t. XII, p. 327.) > Mémoires relatifs à l'Histoire de France, t. VII, p. 197.

pertes qu'il avait ou croyait avoir éprouvées. Ne se contentant pas de la somme de 40,000 sous, qui lui avait été allouée par jugement, il fit dresser un nouvel état de tous les dommages, et fit payer à chaque habitant le dixième de ses biens, d'après l'estimation qui en fut faite. « Parmi tant d'hommes, dit le << narrateur contemporain, il n'y en eut pas un seul qui fit la « moindre résistance ni en action, ni en parole '. » Mais il y eut un point sur lequel les bourgeois de Vézelay se montrèrent moins dociles; et quand l'ordre fut publié dans les rues que chacun eût à démolir l'enceinte fortifiée de sa maison, nul ne se mit en devoir d'obéir. Ces signes de liberté leur étaient plus chers que leur argent; et peut-être n'avaient-ils pas entièrement abandonné l'espoir de rétablir la commune 2.

L'abbé, qui avait déjà congédié ses soldats auxiliaires, se trouvait dépourvu de moyens efficaces pour contraindre les habitants à exécuter ses derniers ordres. Il convoqua plusieurs fois les principaux d'entre eux, les somma à plusieurs reprises, leur assigna des termes de rigueur; mais le temps venait, et personne n'obéissait. La destruction de quelques murs crénelés bâtis par des marchands et des artisans, dans une ville de quelques milliers d'âmes, devint une affaire en quelque sorte européenne. Les légats du Saint-Siége s'en occupèrent avec autant d'activité qu'ils s'étaient occupés de la commune; et le pape lui-même écrivit au roi de France, sur cet important objet, une lettre conçue en ces termes:

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« Nous félicitons ta magnificence de son empressement à accomplir les œuvres saintes, et nous sommes pénétrés de gratitude envers toi, de ce que, selon le devoir imposé à ta « dignité, par amour du Seigneur, et par respect pour nos précédentes lettres, tu as prêté secours à notre très cher <«< fils l'abbé Pons, et l'as soutenu de ton aide et de tes conseils, contre ses persécuteurs et ceux de son monastère. Mais, attendu que la fréquence des avertissements entretient « d'une manière plus efficace la disposition aux bonnes « œuvres, nous prenons l'occasion de prier ta grandeur et de

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Memoires relatifs à l'Histoire de France, t. VII, p. 198.
Ibidem.

«<t'enjoindre, pour la rémission de tes péchés, de chérir et « d'honorer le susdit abbé, de défendre son monastère contre « les tentatives soit de notre cher fils le comte de Nevers, soit « de tous autres, afin que les frères qui l'habitent puissent in<< tercéder auprès du Seigneur pour ton salut et celui de ton << royaume, et que nous aussi nous ayons à rendre grâces à «ta royale noblesse. Attendu aussi que les bourgeois de Vézelay, se confiant dans les fortifications de pierre qu'ils ont « élevées au-devant de leurs maisons, sont devenus tellement « insolents envers le susdit abbé et l'église de Vézelay, qu'il est « désormais impossible à ce même abbé de rester dans son monastère, à cause de leurs persécutions, nous prions ta « magnificence de faire détruire ces maisons fortifiées, de ra<< baisser ainsi l'orgueil de ces bourgeois, et de délivrer l'église « de Vézelay des souffrances qu'elle endure 1.»

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Lorsque cette lettre apostolique arriva en France, l'abbé Pons en était venu aux menaces avec les habitants de Vézelay; il parlait de leur faire sentir à tous le poids de sa colère. Mais ce langage n'avait encore produit aucun effet. Loin de démanteler leurs maisons fortes, quelques bourgeois s'occupaient même à en continuer les travaux. Simon, déjà nommé plus haut, faisait achever la grosse tour dont il avait jeté les fondements le jour de l'établissement de la commune. Il entretenait des liaisons d'amitié avec plusieurs barons de la province, dont le crédit le rendait plus fier devant le pouvoir abbatial, et qui avertissaient l'abbé, par lettres et par messages, de ménager un homme si digne de considération. La perspective d'une nouvelle intervention du roi de France, qui ne pouvait manquer d'être tout à fait défavorable aux bourgeois de Vézelay, les découragea en même temps qu'elle enhardit l'abbé à tenter un coup décisif. Il fit venir, des domaines de son église, une troupe nombreuse de jeunes paysans serfs qu'il arma aussi bien qu'il put, et auxquels il donna pour commandants les plus déterminés de ses moines. Cette troupe marcha droit à la maison de Simon, et ne trouvant aucune résistance, se mit à démolir la tour et les murailles crénelées, tandis que

⚫ Scriptores rerum francic., t. XV, p. 671.

le maître de la maison, calme et fier comme un Romain du temps de la république, était assis au coin du feu avec sa femme et ses enfants'. Ce succès, obtenu sans combat, décida la victoire en faveur de la puissance seigneuriale, et ceux d'entre les bourgeois qui avaient des maisons fortifiées donnèrent à l'abbé des otages, pour garantie de la destruction de tous leurs ouvrages de défense. « Alors, dit le narrateur « ecclésiastique, toute querelle fut terminée, et l'abbaye de « Vézelay recouvra le libre exercice de son droit de juridiction « sur ses vassaux rebelles 2. »

Il est douteux que ce droit seigneurial ait pu s'exercer, dans la suite, avec la même plénitude qu'avant l'insurrection des bourgeois et l'établissement de la commune. Un désir de liberté assez énergique pour soulever deux ou trois milliers d'hommes contre ce qu'il y avait, dans leur temps, de plus fort et de plus redouté, ne pouvait passer dans le cœur de ces hommes sans y laisser au moins quelques traces. Les habitants de Vézelay redevinrent serfs de l'église de Sainte-Marie, mais non pas, sans doute, avec la même rigueur qu'auparavant; car, alors comme toujours, la servitude avait ses limites dans la volonté et le courage de ceux qui devaient la subir. Si leurs jours d'indépendance pleine et entière furent de courte durée, ne nous hâtons pas de les accuser de peu de constance, et ne portons pas sur eux l'arrêt prononcé contre de grandes nations qui n'ont su vouloir qu'un moment. Qu'était-ce qu'une poignée de marchands, en présence de l'autorité royale et papale au douzième siècle? Qu'était-ce que ces petites sociétés bourgeoises jetées çà et là comme les oasis du désert, au milieu d'une population de paysans, trop ignorante encore pour sympathiser avec ceux qui reniaient l'esclavage? Plutôt que de blâmer légèrement ceux qui nous ont dévancés dans le grand travail que nous poursuivons avec plus de fruit que nos ancêtres, et que cependant nous n'achèverons point, regardons avec admiration à travers quels obstacles la pensée de la liberté s'est fait jour pour arriver jusqu'à nous; reconnaissons Mémoires relatifs à l'Histoire de France, t. VII, p. 199.

• Ibidem.

qu'elle n'a jamais cessé de faire naître, comme de nos jours, de grandes joies et de profonds regrets; et que cette conviction nous aide à supporter en hommes de cœur les épreuves qui nous sont réservées.

LETTRE XXV.

Sur l'histoire des assemblées nationales.

L'on s'est trop exagéré le tort qu'a fait à l'histoire de France la réserve politique des écrivains. Ce qui, dans tous les temps et dans tous les pays, nuit le plus à la vérité historique, c'est l'influence exercée par le spectacle des choses présentes et par les opinions contemporaines sur l'imagination de celui qui veut décrire les scènes du passé. Que ces opinions soient vraies ou fausses, serviles ou généreuses, l'altération qu'elles font subir aux faits a toujours le même résultat, celui de transformer l'histoire en un véritable roman, roman monarchique dans un siècle, philosophique ou républicain dans l'autre. Les erreurs et les inconséquences reprochées à nos historiens des dix-septième et dix-huitième siècles dérivent, pour la plupårt, de l'empire qu'avaient sur eux les habitudes sociales et la politique de leur temps. Prémunis par nos mœurs modernes contre les prestiges de la royauté absolue, il en est d'autres dont nous devons nous garder, ceux de l'ordre légal et du régime constitutionnel. Il est impossible que le plaisir de voir nos idées libérales consacrées, en quelque sorte, par la prescription de l'ancienneté, n'égare pas des esprits, justes d'ailleurs, hors des véritables voies de l'histoire. Ces erreurs seront d'autant plus difficiles à relever que la source en sera plus pure, et qu'en blâmant l'écrit, au nom de la science, il faudra rendre hommage au patriotisme de l'auteur.

Un point de notre histoire vers lequel l'attention publique se porte aujourd'hui avec préférence, c'est la question de l'origine et de la succession des assemblées nationales. Cette

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