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« Nous ne pourrons mettre ni ban ni assise de deniers sur « les propriétés des bourgeois.

« Les hommes de la ville pourront moudre leur blé, et cuire «<leur pain partout où ils voudront.

« Si le majeur, les jurés et la commune ont besoin d'argent << pour les affaires de la ville et qu'ils lèvent un impôt, ils pour«ront asseoir cet impôt sur les héritages et l'avoir des bourgeois, et sur toutes les ventes et profits qui se font dans la « ville.

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« Nous avons octroyé tout cela sauf notre droit et notre «< honneur, sauf les droits de l'église de Saint-Quentin et des « autres églises, sauf le droit de nos hommes libres, et aussi << sauf les libertés par nous antérieurement octroyées à ladite «< commune 1. »

On peut voir par le style de ces deux chartes qu'au douzième siècle il y avait quelque différence entre une commune obtenue par force et une commune octroyée. Dans la première, un certain accent d'énergie semble l'expression franche des désirs et des volontés populaires. L'autre n'a point cette couleur; sa rédaction est un peu gênée, comme les allures du pouvoir en retraite devant la force des choses. Toutefois les garanties accordées par le comte Raoul aux bourgeois de Saint-Quentin n'étaient pas sans importance; le droit qu'avait la commune d'abattre les châteaux des seigneurs qui lui feraient quelque tort, et l'obligation que s'imposait le comte de prêter secours aux bourgeois pour réduire un ennemi trop puissant, investissaient le corps de la bourgeoisie de la portion la plus essentielle des priviléges de la souveraineté. Les villes voisines, entr'autres celle de Laon qui était la plus considérable, ne tardèrent pas à désirer pour elles-mêmes une semblable destinée.

Placés presque à égale distance de Saint-Quentin et de Noyon, les bourgeois de Laon ne pouvaient s'empêcher de tourner les yeux vers ces deux villes. Peut-être la commune de Beauvais leur plaisait-elle moins que les deux autres, à

Tom. XI du Recueil des ordonnances des rois de France, p. 270.

cause de la répugnance qu'éprouvent les masses d'hommes à s'engager de sang-froid dans une révolution violente. Mais une sorte de fatalité les entraina, malgré eux, dans d'autres voies. Ils commencèrent par des demandes de réformes adressées avec calme, et finirent par un soulèvement accompagné de ce que les guerres civiles peuvent offrir de plus atroce. L'histoire de la commune de Laon a cela de remarquable, qu'elle reproduit de la manière la plus exacte le type des révolutions modernes. Au moment où l'action révolutionnaire est parvenue au dernier degré de violence, la réaction arrive, suivie d'une nouvelle série de désordres et d'excès commis en sens contraire. Enfin, quand les partis opposés sont las de s'entre-détruire, vient le grand acte de pacification, reçu avec joie des deux côtés, mais qui, au fond, n'est qu'une trève, parce que les intérêts opposés subsistent et ne peuvent s'accorder.

LETTRE XVI.

Histoire de la commune de Laon.

La ville de Laon était, à la fin du onzième siècle, l'une des plus importantes du royaume de France. Elle était peuplée d'habitants industrieux, et la force de sa position la faisait considérer comme une seconde capitale. De même qu'à Noyon et à Beauvais, l'évêque y exerçait la seigneurie temporelle. Ce siége épiscopal, l'un des premiers et des plus productifs du royaume, était l'objet de l'ambition des gens puissants et riches, qui cherchaient à l'obtenir par intrigue et à prix d'argent. Sous une succession de prélats élevés par faveur, et presque sans aucun mérite, qui ne songeaient qu'à faire étalage de leur pouvoir et de leur faste, et nullement à bien gouverner la ville comme magistrats et comme évêques, Laon était devenu le théâtre des plus grands désordres '. Les nobles

'Mémoires relatifs à l'Histoire de France, t. X, p. 34 et suiv.

et leurs serviteurs exerçaient contre les bourgeois le brigandage à main armée. Les rues de la ville n'étaient point sûres la nuit ni même le jour, et l'on ne pouvait sortir de chez soi sans courir le risque d'être arrêté, volé ou tué 1. Les bourgeois, à leur tour, suivant l'exemple de la classe supérieure, exerçaient des violences sur les paysans qui venaient au marché de la ville, soit pour vendre, soit pour acheter. Ils les attiraient, sous différents prétextes, dans leurs maisons, et les y tenaient emprisonnés, comme faisaient les seigneurs dans leurs châteaux-forts, jusqu'à ce qu'ils eussent payé rançon 3. A ces excès commis par les particuliers, se joignaient les exactions toujours croissantes du gouvernement épiscopal, les tailles imposées arbitrairement et les poursuites judiciaires contre les gens hors d'état de payer. Les sommes d'argent ainsi levées, à force de vexations, se partageaient entre les dignitaires de l'église métropolitaine et les familles nobles de la ville, dont ceux-ci, pour la plupart, étaient parents ou alliés 5.

Dans l'année 1106, lorsque cet état de désordre venait de s'aggraver encore par une vacance de deux ans dans le siége épiscopal, l'évêché de Laon fut obtenu, à force d'argent, par un certain Gaudri, Normand de naissance, et référendaire de Henri Ier, roi d'Angleterre. C'était un de ces hommes d'église qui, après la conquête de Guillaume-le-Bâtard, étaient allés faire fortune chez les Anglais, en prenant le bien des vaincus. Il avait des goûts et des mœurs militaires, était emporté et arrogant, et aimait par-dessus tout à parler de combats et de chasse, d'armes, de chevaux et de chiens. Il avait à son service un de ces esclaves noirs que les grands seigneurs, revenus de la première croisade, venaient de mettre à la mode, et souvent il employait cet esclave à infliger des tortures aux malheureux qui lui avaient déplu. L'un des premiers actes de

⚫ Solùm restabat aut distrahi, aut. capi, aut cædi. (Ex Historiâ Guiberti,

abbatis de Novigento; apud script. rer. francic., t. XII, p. 250.)

a Mémoires relatifs à l'Histoire de France, t. X, p. 34 et suiv.

3 Ibidem.

4 De rebus militaribus, canibus et accipitribus loqui gratum habuerat. (Script. rer. francic., t. XII, p. 245.)

l'épiscopat de Gaudri fut de punir de mort un bourgeois qui avait censuré sa conduite; puis il fit crever les yeux, dans sa propre maison, à un homme suspect d'amitié pour ses ennemis; enfin, en l'année 1109, il se rendit complice d'un meurtre commis dans l'église métropolitaine 1.

L'élévation d'un pareil seigneur ne pouvait apporter aucun soulagement aux habitants paisibles de Laon; au contraire, elle accrut leurs souffrances. Les nobles de la ville et les clercs du chapitre devinrent encore plus turbulents et plus avides 2; mais l'excès de l'oppression tourna l'esprit des bourgeois vers les moyens d'y porter remède. La renommée de la commune de Noyon s'était répandue au loin; on ne parlait que de la bonne justice qui se faisait dans cette ville, et de la bonne paix qui y régnait. Les habitants de Laon ne doutèrent pas que l'établissement d'une commune ne produisit chez eux les mêmes effets qu'à Noyon; et cette espérance les anima tout à coup d'une sorte d'enthousiasme. Ils tinrent des assemblées politiques, et résolurent de tout sacrifier pour leur affranchissement commun et pour l'institution d'une magistrature élective. L'évêque, sans l'aveu duquel rien ne pouvait se faire d'une manière pacifique, était alors en Angleterre; les clercs et les chevaliers de la ville gouvernaient en son absence. Ce fut donc à eux que les bourgeois s'adressèrent, en leur offrant beaucoup d'argent s'ils voulaient consentir à reconnaître, par un acte authentique, à la communauté des habitants le droit de se gouverner par des autorités de son choix. Séduits par l'appât du gain, les clercs et les chevaliers promirent d'accorder tout, pourvu qu'on donnât de bonnes sûretés et de bons gages pour le paiement 3. Il paraît qu'ils ne se rendaient pas un compte bien exact de l'étendue des concessions demandées, et ne voyaient, dans cette nouvelle transaction, qu'un moyen expéditif de se procurer beaucoup d'argent : « Car, dit un contemporain, s'ils s'accordèrent avec les gens du peuple sur

"

Mémoires relatifs à l'Histoire de France, t. X, p. 22 et suiv.

* Quod considerantes clerus cum archidiaconis et proceres causas exigendi pecunias à populo aucupantes. (Script. rer. francic., t. XII, p. 250.)

3 Si pretia digna impenderent. (Ibid.)

<< le fait de la commune, ce fut dans l'espoir de s'enrichir d'une << manière prompte et facile '. »

La commune établie à Laon du consentement et de par le serment commun des clercs, des chevaliers et des bourgeois, fut réglée, pour l'organisation des pouvoirs municipaux, en partie sur le modèle de Noyon, en partie sur celui de SaintQuentin 2. L'administration de la justice et de la police publique était confiée à un majeur ou maire et à des jurés électifs dont le nombre était de douze au moins. Ils avaient le droit de convoquer les habitants au son de la cloche, soit pour tenir conseil, soit pour la défense de la ville. Ils devaient juger tous les délits commis dans la cité et la banlieue, faire exécuter les jugements en leur nom, et sceller leurs actes d'un sceau différent de celui de l'évêque. Il était enjoint à tout habitant domicilié dans les limites du territoire appartenant à la commune, de prêter serment d'obéissance à la loi ou charte de cette commune, dont voici quelques articles :

« Nul ne pourra se saisir d'aucun homme, soit libre, soit «serf, sans le ministère de la justice.

་་

<< Si quelqu'un a, de quelque manière que ce soit, fait tort « à un autre, soit clerc, soit chevalier, soit marchand, indi"gène ou étranger, et que celui qui a fait le tort soit de la « ville, il sera sommé de se présenter en justice, par-devant «<le majeur et les jurés, pour se justifier ou faire amende; mais s'il se refuse à faire réparation, il sera exclu de la ville «< avec tous ceux de sa famille. Si les propriétés du délinquant « en terres ou en vignes sont situées hors du territoire de la « ville, le majeur et les jurés réclameront justice contre lui, << de la part du seigneur dans le ressort duquel ses biens seront situés; mais si l'on n'obtient pas justice de ce seigneur, les jurés pourront faire dévaster les propriétés du coupable. Si « le coupable n'est pas de la ville, l'affaire sera portée devant « la cour de l'évêque, et si, dans le délai de cinq jours, la for

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2

Script. rer. franc., t. XII, p. 250.

Communionis illius jura eo quo, apud Noviomagensem urbem et Sanquintinense oppidum, ordine scripta exstiterant. (Ibid.)

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