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« cité avec grande chevalerie. Lors eurent les bourgeois leurs « portes closes et mandèrent à l'évêque qu'ils ne laisseroient << entrer que lui et sa maison, et l'évêque répondit qu'il n'en<< treroit pas sans le comte et sa chevalerie, et les bourgeois le << refusèrent. Quand l'évêque vit la folie de ses sujets, il lui << prit grande pitié et il désiroit plus faire miséricorde que jus«tice. Alors leur manda qu'il traiteroit des choses devant dites, << en sa cour, en bonne manière, et ainsi les apaisa. Alors l'évêque fut laissé entrer, et les bourgeois entrèrent en leurs « maisons, à grande joie, et tout fut oublié de ce qui avoit été « fait. Mais il advint, après un peu de temps, par aventure, << sans le su et le consentement de l'évêque et contre sa volonté, « que grand nombre de chevaliers les assaillirent en leurs hôtels, en occirent aucuns et plusieurs blessèrent. Dont furent « les bourgeois très ébahis et fuirent à l'église Saint-Géry, << enfin furent pris et menés devant l'évêque. Ainsi fut cette conjuration et la commune défaite, et jurèrent désormais « féauté à l'évêque 1. »

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Les troubles qui survinrent presque aussitôt dans l'Empire, par suite de l'excommunication de Henri IV, fournirent aux habitants de Cambrai une occasion pour tenter un nouveau mouvement et rétablir leur commune. Ils furent aidés par le comte de Flandre qui fit alliance avec eux pour s'agrandir aux dépens de la puissance impériale. En vertu de cette alliance, ils installèrent comme évêque un ami du comte, appelé Eudes, et refusèrent de recevoir l'évêque Gaucher, désigné par l'empereur. Après l'avénement de Henri V, lorsque la paix eut rendu toute sa force à l'autorité impériale, «Messire Gaucher, « dit la chronique de Cambrai, alla vers l'empereur et fit sa « complainte du comte Robert de Flandre, comment il avoit « troublé son empire, saisi Cambrai et mis dedans l'élu Eudes, << dont fut l'empereur fortement irrité. Lors il s'apprêta pour << venir en Flandre, et y vint avec très grande armée, et «assiégea le château de Douai, qui étoit très fort de murs et « de fossés, dont fut celui de Flandre très épouvanté, et les

Extrait de la Chron. de Cambrai (apud script. rerum francic., t. XIII p, 476).

« soldats que le comte avoit mis pour garder Cambrai eurent peur, laissèrent la cité et s'enfuirent. Lors entra le comte « dedans Douai, et en garnit toutes les forteresses. Au troi« sième jour après, l'empereur fit un très grand assaut, et le « comte merveilleusement bien se défendit, si qu'il y eut plu"sieurs chevaliers occis du côté de l'empereur, et ainsi laissèrent l'assaut. Dont eurent conseil tous les grands princes << de l'empereur ensemble; car ils voyoient que rien ne profi<< toit et que ne prendroient le château, et lui dirent qu'il reçût à amour le comte de Flandre. Lors reçut l'empereur le comte « de Flandre à homme, et furent bons amis ensemble 1.

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Après ce, vint l'empereur à Cambrai très terriblement ; << mais devant sa venue s'enfuit l'élu Eudes et grande partie « du clergé et du peuple qui se sentoit coupable. Dont s'en<< fuirent plusieurs femmes avec leurs enfants dans les églises « et les tours, et les pucelles s'effrayoient quand elles virent << tant de chevaliers allemands, esclavons, lorrains, saxons. « Alors fit l'empereur crier que tous les habitants et les bourgeois vinssent en sa présence, et ils vinrent très émus; car «ils craignoient de perdre la vie ou leurs membres, et ne pouvoient contredire ni ne l'osoient. Lors parla l'empereur très << durement à eux, et fortement les blâma, et dit comment ils « étoient si osés qu'ils avoient fait tant de choses contre les « droits de l'empire, conjuration, commune, nouvelles lois, « et qui plus est, qu'ils avoient reçu nouvel évêque dedans la « cité, contre Dieu et contre la seigneurie de l'Empire. Quand << ils outrent l'empereur ainsi parler, ils furent trop épouvantés « et ne savoient qu'ils pussent répondre; et pour ce qu'ils se « sentoient coupables, ils s'humilièrent durement et crièrent à « l'empereur merci. Dont se prit le bon évêque Gaucher très bénignement à prier pour ses sujets, et tomba aux pieds du « roi et disoit Très doux empereur, ne détruisez pas nos bourgeois si cruellement et en si grande sévérité, car bien << les pouvez corriger avec plus grande douceur. Dont prièrent « aussi les princes de l'armée avec l'évêque, et disoient qu'il « eût pitié de tant de larmes. Quand ce entendit l'empereur, 'Script, rer. francic., t. XIII, p. 476 et seq.

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« se relâcha un peu de sa colère, et crut le conseil de l'évêque « et des princes, et ne les punit pas ainsi qu'ils se proposoit « par rigueur de justice. Cependant ne les épargna pas du «< tout; car il commanda qu'ils apportassent en sa présence la «< charte de la commune qu'ils avoient faite, et eux ainsi fi«rent; et l'empereur tantôt la défit et leur fit jurer devant « tous les princes que jamais autre ne feroient. Ainsi fut dé « faite cette commune et leur fit l'empereur jurer féauté à lui « par foi et par serment'.

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Cette seconde destruction de la commune de Cambrai eut lieu en l'année 1107, et, moins de vingt ans après, la commune était rétablie. On la citait au loin comme un modèle d'organisation politique: «Que dirai-je de la liberté de cette ville? « dit un ancien écrivain. Ni l'évêque ni l'empereur ne peuvent «y asseoir de taxe; aucun tribut n'y est exigé; on n'en peut « faire sortir la milice, si ce n'est pour la défense de la ville, « et encore à cette condition, que les bourgeois puissent le jour même être de retour dans leurs maisons 2. » La commune était gouvernée par un corps électif de magistrature, dont les membres avaient le titre de jurés et s'assemblaient tous les jours dans l'hôtel-de-ville qu'on nommait la Maison de Jugement. Les jurés, au nombre de quatre-vingts, se partageaient l'administration civile et les fonctions judiciaires. Tous étaient obligés d'entretenir un valet et un cheval toujours sellé, afin d'être prêts à se rendre, sans aucun retard, partout où les appelaient les devoirs de leurs charges 3.

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Ces devoirs n'étaient pas aussi aisés à remplir que ceux des maires et échevins de nos villes modernes ; il ne s'agissait pas, en temps ordinaire, de veiller à la police des rues, et, dans les grandes circonstances, de régler le cérémonial d'une pro

Script. rer. francic., t. XIII, p. 476 et seq.

* Quid autem de libertate hujus urbis dicam? Non episcopus, non imperator taxationem in eâ facit : non tributum ab eâ exigitur, non denique exercitum ex eâ educit, nisi tantummodò ob defensionem urbis. (Script. rer. francic., t. XIII, p. 480.)

3 Histoire de Cambrai, p. 100. Le mot juré sert quelquefois à désigner la totalité des membres d'une commune, et quelquefois les seuls membres du gouvernement municipal. Ce nom tire son origine du serment que les uns et les autres étaient obligés de prêter.

cession ou d'une entrée, mais de défendre, à force de courage, des droits chaque jour envahis. Il fallait vêtir la cotte de mailles, lever la bannière de la ville contre des comtes et des chevaliers, et, après la victoire, ne point se laisser abattre par les sentences d'excommunication dont s'armait le pouvoir épiscopal. Grâce à la constance inébranlable de ses magistrats électifs, la commune de Cambrai, abolie encore à deux reprises différentes 1, se releva et continua de prospérer et de se faire craindre. Elle soutint jusqu'au milieu du quatorzième siècle une guerre à outrance contre ses évêques et contre leur clergé, qu'elle contraignit plusieurs fois de sortir en masse de la ville et de se réfugier à Valenciennes 2. Voilà quelles furent pendant quatre cents ans les relations des habitants de Cambrai avec les prédécesseurs de Fénélon. Tout cela ne rappelle guère le doux et consolant spectacle que présente l'administration de ce vertueux archevêque. Mais que nous sommes loin de compte, si nous croyons que le moyen âge ressemblait à l'ancien régime, et qu'en France les passions populaires sont filles de la révolution.

LETTRE XV.

Sur les communes de Noyon, de Beauvais et de Saint-Quentin.

En l'année 1098, Baudri de Sarchainville, archidiacre de l'église cathédrale de Noyon, fut promu, par le choix du clergé, à la dignité épiscopale. C'était un homme d'un caractère élevé, d'un esprit sage et réfléchi. Il ne partageait point l'aversion violente que les personnes de son ordre avaient en général contre l'institution des communes. Il voyait dans cette institution une sorte de nécessité sous laquelle, de gré ou de force, il faudrait plier tôt ou tard, et croyait qu'il valait mieux se rendre aux vœux des citoyens que de verser le sang pour re

En 1158 et en 1180.- Voy. le t. XIII du Recueil des Historiens de la France. • Histoire de Cambrai, p. 294 et suiv.

culer de quelques jours une révolution ínévitable. L'élection d'un évêque, doué d'un si grand sens et d'une si noble manière de voir, était pour la ville de Noyon l'événement le plus désirable; car cette ville se trouvait alors dans le même état que celle de Cambrai avant sa révolution. Les bourgeois étaient en querelles journalières avec le clergé métropolitain : les registres de l'église contenaient une foule de pièces ayant pour titre « De la paix faite entre nous et les bourgeois de «Noyon1.» Mais aucune réconciliation n'était durable; la trève était bientôt rompue, soit par le clergé, soit par les citoyens, qui étaient d'autant plus irritables qu'ils avaient moins de garanties pour leurs personnes et pour leurs biens. Le nouvel évêque pensait que l'établissement d'une commune jurée par les deux partis rivaux pourrait devenir entre eux une sorte de pacte d'alliance; il entreprit de réaliser cette idée généreuse avant que le mot de commune eût servi à Noyon de cri de ralliement pour une insurrection populaire.

De son propre mouvement l'évêque de Noyon convoqua en assemblée tous les habitants de la ville, clercs, chevaliers, commerçants et gens de métier. Il leur présenta une charte qui constituait le corps des bourgeois en association perpétuelle, sous des magistrats appelés jurés, comme ceux de Cambrai. «Quiconque, disait la charte, voudra entrer dans « cette commune, ne pourra en être reçu membre par un seul individu, mais en la présence des jurés. La somme d'argent « qu'il donnera alors sera employée pour l'utilité de la ville, et « non au profit particulier de qui que ce soit.

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<< Si la commune est violée, tous ceux qui l'auront jurée « devront marcher pour sa défense, et nul ne pourra rester « dans sa maison, à moins qu'il ne soit infirme, malade, ou « tellement pauvre qu'il ait besoin de garder lui-même sa « femme et ses enfants malades.

« Si quelqu'un a blessé ou tué quelqu'un sur le territoire de « la commune, les jurés en tireront vengeance 2.

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De pace factâ inter nos et burgenses noviomenses. (Ann. de l'église de Noyon, t. II, p. 805 et suiv.)

a Ces trois articles sont extraits d'une charte de Philippe-Auguste qui repro

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