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des Franks au-delà du Rhin, ni la Gaule dans toute son étendue, mais le pays d'entre Meuse et Loire. La position centrale du royaume compris entre ces limites devait lui fournir à la longue les moyens d'envahir et de s'assimiler en quelque sorte, l'un après l'autre, les états formés autour de lui sur l'ancien territoire gaulois. Tous les gouvernements qui se succédèrent en France depuis le dixième siècle, quelque différents qu'ils fussent par leur constitution ou leur forme, tendirent tous également à ce but. Ils ne l'atteignirent complétement qu'après bien des siècles; et de toutes les réunions territoriales opérées soit par la guerre, soit par la politique et les alliances, sortit enfin la nation actuelle, diverse d'origine, non seulement pour ce qui regarde le mélange des Franks et des Gaulois, mais à cause de la différence primitive des souverainetés, des langues et des traditions provinciales.

LETTRE XII.

Sur l'expulsion de la seconde dynastie franke.

Un fait extrêmement remarquable, c'est que dès l'époque où, à parler rigoureusement, commence la nation française, il se prononce dans cette nation nouvelle un vif sentiment de répugnance pour la dynastie qui, depuis un siècle et demi, régnait sur le nord de la Gaule. A la révolution territoriale de 888, correspond, de la manière la plus précise, un mouvement d'un autre genre, qui élève sur le trône un homme entièrement étranger à la famille des Karolings. Ce roi, le premier auquel notre histoire devrait donner le titre de roi de France, par opposition aux rois des Franks, est Ode, ou, selon la prononciation romane qui commençait à prévaloir, Eudes', fils du comte d'Anjou Rodbert-le-Fort. Élu au détriment d'un

Ode, Ote, ou Othe signifiait riche dans tous les anciens dialectes de la langue tudesque. On disait, dans la langue romane, Odes ou Eudes pour le nominatif, et Odon ou Eudon pour les autres cas.

héritier qui se qualifiait de légitime, Eudes fut le candidat national de la population mixte qui avait combattu cinquante ans pour former un état par elle-même; et son règne marque l'ouverture d'une seconde série de guerres civiles terminées, après un siècle, par l'exclusion définitive de la race de Karle-leGrand. En effet, cette race toute germanique, se rattachant, par le lien des souvenirs et les affections de parenté, aux pays de langue tudesque, ne pouvait être regardé par les Français que comme un obstacle à la séparation sur laquelle venait de se fonder leur existence indépendante. L'idiome de la conquête, tombé en désuétude dans les châteaux des seigneurs, s'était conservé dans la maison royale. Les descendants des empereurs franks se faisaient honneur de comprendre cette langue de leurs ancêtres, et accueillaient des pièces de vers composées par les poëtes d'Outre-Rhin 1. Mais, loin d'augmenter le respect pour l'ancienne dynastie, cette particularité de mœurs ne servait plus qu'à lui donner une physionomie étrangère qui blessait le peuple, et l'inquiétait, non sans raison, sur la durée de son indépendance.

La suprématie des Germains sur tout l'Occident n'existait plus; mais elle était remplacée par des prétentions politiques fondées sur le droit de conquête, qui pouvaient aisément servir de prétexte à de nouvelles invasions, et menaçaient surtout la France, d'abord comme voisine, et ensuite comme seconde patrie des Franks. L'instinct de la conservation devait donc porter ce nouvel état à rompre entièrement avec les puissances teutoniques, et à leur ôter pour jamais tout moyen de s'immiscer dans ses affaires. Ce ne fut point par caprice, mais par politique, que les seigneurs du nord de la Gaule, Franks d'o

Tel est le chant triomphal composé en l'honneur du roi Louis, fils de Louisle-Bègue, après une victoire remportée sur les Normands, près de Seulcour en Vimeu. En voici les quatre premiers vers:

Einen Kuning weis ich

Heisset heer Ludwig,
Der Gerne Gott diene!,

Weil er ihms lohnet.

Je connais un roi, son nom est le seigneur Ludwig, qui sert Dieu volontiers, parce qu'il l'en récompense, etc. » (Voyez le t. IX du Recueil des Historiens de la France, p. 99 et suiv.)

rigine, mais attachés à l'intérêt du pays, violèrent le serment prêté par leurs aïeux à la famille de Peppin, et firent sacrer roi, à Compiègne, un homme de descendance saxonne 1. L'héritier dépossédé par cette élection, Karle, surnommé le Simple ou le Sot 2, ne tarda pas à justifier son exclusion du trône, en se mettant sous le patronage d'Arnulf, roi de Germanie. «Ne pouvant tenir, dit un ancien historien, contre la puissance d'Eudes, il alla réclamer, en suppliant, la protec«tion du roi Arnulf. Une assemblée publique fut convoquée << dans la ville de Worms; Karle s'y rendit, et après avoir of« fert de grands présents à Arnulf, il fut investi par lui de la « royauté dont il avait pris le titre. L'ordre fut donné aux « comtes et aux évêques qui résidaient aux environs de la Mo

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selle, de lui prêter secours, et de le faire rentrer dans son « royaume, pour qu'il y fût couronné; mais rien de tout cela << ne lui profita 3. »

Le parti des Karolingiens, soutenu par l'intervention germanique, ne réussit point à l'emporter sur le parti qu'on peut nommer français. Il fut plusieurs fois battu avec son chef, qui, après chaque défaite, se mettait en sûreté derrière la Meuse, hors des limites du royaume. Charles-le-Simple parvint cependant, à force d'intrigues, et grâce au voisinage de l'Allemagne, à obtenir quelque puissance entre la Meuse et la Seine: ce qui fait dire à plusieurs historiens que le royaume fut divisé en deux par le cours de la Seine, et que Charles devint roi au nord, tandis qu'Eudes l'était au midi. Un reste de la vieille opinion germanique, qui regardait les Welskes ou Wallons comme les sujets naturels des fils des Franks, contribuait à rendre cette guerre de dynastie populaire dans tous les pays voisins du Rhin. Sous prétexte de soutenir les droits de la royauté légitime, Swintibold, fils naturel d'Arnulf, et roi de

Saxonici generis vir.... (Apud script. rerum francic., t. IX, p. 156.)

2 On trouve dans les historiens originaux simplex, stultus, et quelquefois sottus.

3 Carolus vires Odonis ferre non valens, patrocinia Arnulphi supplex exposcit.... Sed neutrum horum illi quicquam profuit. (Apud script. rer. francic., t. VIII, p. 73.) 4 Tunc divisum est regnum in duas partes. A Rheno usque ad Sequanam fuit regnum Caroli; et à Sequanâ regnum Odonis. (Apud script. rer. francic., t. VIII, p. 253.)

Lorraine, envahit le territoire français en l'année 895. Il parvint jusqu'à Laon avec une armée composée de Lorrains, d'Alsaciens et de Flamands, mais fut bientôt forcé de battre en retraite devant l'armée du roi Eudes 1. Cette grande tentative ayant ainsi échoué, il se fit à la cour de Germanie une sorte de réaction politique en faveur de celui qu'on avait jusque-là qualifié d'usurpateur. Eudes fut reconnu roi, et l'on promit de ne plus donner à l'avenir aucun secours au prétendant 2. En effet, Karle n'obtint rien, tant que son adversaire vécut; mais, à la mort du roi Eudes, lorsque le changement de dynastie fut remis en question, le keisar prit de nouveau parti pour le descendant des rois franks. La puissance impériale, pesant sans contre-poids sur le petit royaume de France, contribua fortement, quoique d'une manière indirecte, à amener une restauration.

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Charles-le-Simple, proclamé roi, en 898, par une grande partie de ceux qui avaient travaillé à l'exclure, régna d'abord vingt-deux ans sans aucune opposition. C'est durant cet espace de temps que, pour se ménager un nouvel appui contre le parti qu'il redoutait toujours, il abandonna au chef normand Rolf tous ses droits sur le territoire voisin de l'embouchure de la Seine, et lui conféra le titre de duc mais cette fondation d'un nouvel état sur le territoire gaulois eut, à la longue, des résultats tout différents de ceux que le roi Charles s'était promis. Le duché de Normandie servit, pour ainsi dire, à flanquer le royaume de France contre les attaques de l'empire germanique et de ses vassaux lorrains ou flamands. Les nouveaux ducs, politiques habiles et guerriers infatigables, ne tardèrent pas à intervenir aussi dans la querelle de dynastie. Indifférents à l'avantage personnel de la postérité de Charlemagne ou de ses compétiteurs, en s'immiscant dans des

• Qui cum Carolo erant conferunt se ad Zuendeboldum, ut juvet Carolo. (Script. rer. francic., t. VIII, p. 91.) — Collecto immenso exercitu Laudunum venit. (Ibid., p. 74.)

Arnolfus rex cum Odone, Galliarum rege, pacem firmat, Caroloque filio regis Ludovici Balbi munera offerenti axilium denegat. (Script. rer. francic., t. VIII, p. 249.)

3 Ce nom paraît être une contraction de celui de Rodulf. En langue romane, on disait Roul ou Rou.

disputes qui leur étaient étrangères, ils ne cherchaient qu'une occasion soit de reculer leurs frontières aux dépens de la France, soit de devenir plus indépendants à l'égard de cette couronne dont ils s'étaient reconnus vassaux. Aucun motif national ne les entraînait, comme les rois de la Germanie, vers l'un des deux partis rivaux ; ils balancèrent donc quelque temps avant de se décider. Rolf, premier duc de Normandie, fut fidèle au traité d'alliance qu'il avait fait avec Charles-le-Simple, et il soutint, quoique assez faiblement, contre Rodbert ou Robert, frère du roi Eudes 1, élu roi en 922 par le parti de l'exclusion. Son fils Wilhelm ou Guillaume Ier suivit d'abord la même politique; et lorsque le roi héréditaire eut été déposé et emprisonné à Laon, il se déclara pour lui contre Radulf ou Raoul, beau-frère de Robert, élu et couronné roi, en haine de la dynastie franke. Mais peu d'années après, changeant de parti, il abandonna la cause de Charles-le-Simple et fit alliance avec le roi Raoul. En 936, espérant qu'un retour à ses premiers errements lui procurerait plus d'avantages, il appuya d'une manière énergique la restauration du fils de Karle, Lodewig, surnommé d'Outre-Mer.

Le nouveau roi, auquel le parti français, soit par fatigue, soit par prudence, n'opposa aucun compétiteur, poussé par un penchant héréditaire à chercher des amis au-delà du Rhin, contracta une alliance étroite avec Otho, premier du nom 3, roi de Germanie, le prince le plus puissant et le plus ambitieux de l'époque. Cette alliance mécontenta vivement les seigneurs, qui avaient une grande aversion pour l'influence teutonique. Le représentant de cette opinion nationale, et l'homme le plus puissant entre la Seine et la Loire, était Hug ou Hugues, comte de Paris, auquel on donnait le surnom de Grand, à

Le nominatif roman était Roberz, et Robert ne s'écrivait que pour les autres cas.

2 Dans l'ancienne langue française, on écrivait au nominatif Raouls ou Raoulx, et Raoul aux autres cas.

Otho, othe, dans le dialecte saxon, comme odo, ode, dans le dialecte frankotudesque, signifiait riche. La terminaison en o appartient à la forme la plus ancienne; I'n dont on fait suivre ce nom est étranger à la langue germanique. Autrefois on écrivait othes pour le nominatif et othon pour les autres cas.

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